Te voilà à l’orée de l’oubli, de tous les oublis, te voilà au seuil de la pénombre, je suis ta fille absente, ta fille invisible et pourtant je tremble à l’idée qu’un jour tu ne connaîtras plus ni mon nom ni mon visage. Aurais-je traversé toute ta vie comme une ombre ? P. 35
2022-09-06T06:00:00+02:00
La nuit des pères de Gaëlle JOSSE
La rentrée littéraire a sonné, l'heure d'un nouveau rendez-vous avec Gaëlle JOSSE : « La nuit des pères » chez Notabilia éditions, un texte d'une violence inouïe, pas celle des poings, non, celle des mots.
Isabelle est sur le point d’arriver dans la région de Chambéry à la maison familiale, celle de son enfance. Ça fait longtemps qu’elle n’y est plus revenue. Mais là, elle n’avait pas vraiment le choix. Son frère, Olivier, le lui a demandé. Leur père de 80 ans, veuf, montre les premiers symptômes de la « maladie de l’oubli ». Il a besoin d’elle. Ce n’est pourtant pas de gaieté de coeur. Ce père, il ne l’a jamais aimée, c’est ce qu’elle se dit, il l’a fait souffrir, terriblement, et puis il y avait ce cri… nocturne ! Mais ce séjour bref, quelques jours, pourrait bien lui réserver quelques surprises…
Après « Ce matin-là » qui sort tout juste en version poche, « Une longue impatience » aussi, Gaëlle JOSSE nous propose un nouveau roman de l’intime, une histoire familiale marquée par des relations père/fille compliquées. Avec la fin de vie qui s'annonce, la sensibilité est exacerbée, les sentiments douloureux et les émotions décuplées.
C’est la voix d’Isabelle qui résonne dans les premières pages avec ce semblant de conversation qu’elle tiendrait avec son père. Ses interpellations sont déchirantes, le tutoiement, un uppercut, une manière de réduire les distances entre deux êtres que tout a toujours éloigné. L’écho n’en est que plus fort. Il m'a laissée un temps abasourdie.
Isabelle ne va pas rester seule avec ses fantômes. Dans ce roman choral, d’autres personnages, tous de fiction, vont prendre place et donner de la voix.
Gaëlle JOSSE a ce talent d'imaginer des psychologies ciselées d'êtres qui au fil du temps, des épreuves de la vie, se sont construits, avec leurs forces et leurs faiblesses. A l'heure du bilan, le passé est terrifiant et le fardeau lourd à porter.
Si Isabelle connaît son père à travers ses propres souvenirs d’enfance et d’adolescence, son existence à lui ne saurait en être réduite. Comme j'ai aimé découvrir cette période de l'existence qui l'a marqué, lui, à vie, une période au cours de laquelle la grande Histoire est venue perturber un itinéraire qu'il croyait tout tracé. Là, mon coeur a fait boum.
Avec Gaëlle JOSSE, si le fond est rempli de surprises, la forme est elle aussi profondément étonnante. Si j’avais pensé me retrouver en pleine tragédie grecque construire en cinq parties, c’était sans compter sur la capacité de l’écrivaine à faire un pas de côté, une originalité permise grâce à une grande maîtrise de l’exercice narratif. Chapeau Madame !
Les pages se tournent, les confidences se font, les secrets de famille se dévoilent comme autant d’effets de rupture qui donnent à l'écriture une puissance et un rythme foudroyant.
Comme tous les romans de Gaëlle JOSSE, celui-là est court, mais quel choc. Les mots sont savamment choisis, les phrases claquent !
Au moment de refermer le livre, j'ai pris conscience de mon apnée. J’avais tout simplement oublié de respirer ! Ce roman, c'est une lecture coup de poing, un texte inoubliable.
Je suis une fidèle de la plume de l'écrivaine, retrouvez :
"De vive voix"...
De la rentrée littéraire de septembre 2022, laissez-vous séduire aussi par le dernier roman de Gilles MARCHAND
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