Les Éditions Héloïse d’ORMESSON, je les aime pour leur ton, leur sensibilité, je les aime passionnément pour leur approche de l’art. Il y a eu "Baisers de collection" de Annabelle COMBES, "Ma double vie avec Chagall" de Caroline GRIMM, je découvre maintenant avec admiration la vie d’Hélène GALITZINE, modèle du peintre Henri MATISSE, sous la plume de David BRUNAT : « Une princesse modèle », un premier roman.
Si Hélène GALITZINE a du sang princier dans les veines, elle vivra surtout l’effondrement de tout un empire. A 8 ans, son père décède du typhus dans les geôles de l’armée rouge, laissant sa veuve seule pour élever une fratrie de quatre enfants. La famille s’exile en Allemagne puis en Italie. Elle s’installe à Arco près du Lac de Garde, là où sa mère s’emploiera à tenir une pension de famille. Hélène est une enfant qui aime la vie, éprise de liberté dont l’éducation sera confiée à des religieuses. Sa mère décédée, un nouveau départ est envisagé avec sa tante. Cette fois, c’est Nice qui devient le lieu de vie de la famille, c’est là qu’elle va se marier, avoir deux filles, travailler dans la haute couture et rencontrer le peintre, le maître du fauvisme avec qui elle va vivre des moments d’une intense complicité, une nouvelle vie s’offre désormais à Hélène GALITZINE.
Dès les premières lignes du roman, David BRUNAT nous fait part de sa démarche et des espaces de liberté qu’il s'est accordés pour évoquer l’itinéraire d’une femme dont la postérité est aujourd’hui assurée par la voie des toiles peintes de Henri MATISSE.
Mais après tout, un romancier peut affabuler à sa guise et n’a pas de comptes à rendre à la vérité. Ce n’est pas un historien, mais un faiseur d’histoires. Pas un mémorialiste, mais un machiniste des sentiments. Pas un moraliste, mais un conteur et un marionnettiste. P. 26
L'auteur s'approprie la voix d'Hélène GALITZINE elle-même pour retracer un itinéraire aussi chahuté que rocambolesque. Il brosse le portrait d'une femme "modèle", une femme qui a su s'adapter aux circonstances de la vie, à moins que son existence relève d'une autre puissance. David BRUNAT nous fait ainsi toucher du doigt les contours du destin, un sujet universel et intemporel. De tous temps, l’homme s’est intéressé à la force suprême ou au hasard des coïncidences pour justifier le fil de son existence.
A partir de l'histoire singulière d'une famille d'immigrés, russes, David BRUNAT évoque un large mouvement migratoire ayant donné lieu à une implantation massive dans le sud de la France, notamment sur Nice. Il s'en saisit aussi pour retracer une fresque historique sur une quarantaine d'années, donnant à voir une page de la grande Histoire.
Enfin, et là c'est un autre sens du mot "modèle" que va explorer David BRUNAT pour nous faire entrer dans l'atelier du peintre Henri MATISSE. Hélène GALIT fut l'une des muses du grand maître du fauvisme. C'est à travers les confidences d’Hélène GALITZINE que l’on découvre les centres d’intérêt du peintre, ses sources d’inspiration. Elle rencontrera Lydia DELECTORSKAYA, modèle également, qui, à la mort de l’artiste, vouera sa vie à une juste reconnaissance de la grandeur de son art.
Si la question de l'immortalité transcende le roman, l'art peut assurément devenir le canal de la postérité, c'est le fil que va tisser David BRUNAT. Que le peintre du bonheur, comme ses modèles, en soient assurés, plus jamais je ne regarderais une toile de l'artiste comme avant.
Plus confidentielle et pourtant, la maternité peut elle aussi offrir une certaine forme de postérité. Je ne l'avais jamais abordée de cette manière...
Mais l’expérience de la maternité constitua, à sa façon, une révélation spinoziste. […] Une descendance est une forme d’immortalité ou du moins d’existence continuée. P. 77-78
C'est aussi pour ça que j'aime la littérature, porter un nouveau regard sur les choses de la vie.
Dans un exercice narratif à deux voix, David BRUNAT pose des questions existentialistes et philosophiques, la cerise sur le gâteau d'un roman historique et artistique. Un premier roman prometteur sachant que l'homme a déjà fait ses preuves en matière d'écriture, il est homme de lettres et a déjà écrit des récits de vie sur Steve JOBS, Giovanni FALCONE, et puis un livre sur l'histoire du Titanic.
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