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2021-10-22T06:00:00+02:00

La carte postale de Anne BEREST

Publié par Tlivres
La carte postale de Anne BEREST

80ème coup de coeur

de T Livres ? T Arts ?

 

 

La plume de Anne BEREST, je l'ai découverte avec "Gabriële", un roman co-signé avec sa soeur, Claire, j'étais tombée sous le charme. J'avais hâte de la retrouver dans "La carte postale" aux éditions Grasset. La magie a de nouveau opéré, vous avez reconnu le "Coeur gros" de Marie MONRIBOT !
 
Tout commence au petit matin. La neige a tombé dans la nuit. La mère de Anne BEREST, Lélia, va, en chaussons, cigarette à la bouche, faire le relevé du courrier. L'année 2003 commence tout juste. Au pied de la boîte aux lettres toute disloquée, parmi les cartes de voeux, gît une carte postale avec, au recto, une photographie de l'Opéra Garnier, au verso, quatre prénoms : 
Ephraïm
Emma
Noémie
Jacques
Aussi obscure et impénétrable soit-elle avec ces seuls prénoms comme repères, ceux des grands-parents, oncle et tante de Lélia, "La carte postale" a été rangée au fond d'un tiroir après avoir suscité quelques brefs échanges lors du repas familial. Une bonne dizaine d'années plus tard, alors que Anne BEREST est enceinte et doit se reposer pour sa fin de grossesse, elle prend le chemin de la maison familiale et demande à Lélia de lui raconter la vie de ses ancêtres. Là commence toute l'histoire... ou presque. Si Lélia a fait beaucoup de recherches pour remonter le fil de l'existence des Rabinovitch, "La carte postale", elle, reste une énigme. Quelques années plus tard, elle deviendra une obsession. 
 
"La carte postale", c'est une enquête menée par Anne BEREST, elle-même, écrivaine, réalisatrice. De bout en bout, j’ai été captivée par la recomposition du puzzle familial. Ce roman est empreint d’un mystère jamais résolu qui, sous le feu de son action, prend un nouveau tournant. Vous le savez, je pèse chaque mot. Quand je dis « feu de l’action », c’est vraiment ça. L’événement qui va susciter dans un premier temps un blocage psychologique chez Anne BEREST puis un besoin irrépressible d'en découdre, va en réalité être l’étincelle qui va mettre le feu aux poudres. Anne BEREST est totalement habitée par l'histoire des Rabinovitch, une vie mouvementée, tout autant que troublée. Il y a quelque chose d'incandescent dans sa démarche qui se retrouve dans le rythme effréné de la quête. J’ai vibré avec elle, j’ai eu peur, j’ai pleuré aussi parce qu'elle le fait avec une profonde humilité. La langue est délicate, elle se veut lumineuse.


Pendant les vacances, Myriam se met à peindre de petites natures mortes, des corbeilles de fruits, des verres de vin et autres vanités. Elle préfère le mot anglais pour parler de ses tableaux : still life. Toujours en vie. P. 92

Sous la plume de Anne BEREST, la petite histoire, celle de ses ascendants, résonne cruellement avec la grande, celle qui porte un H majuscule, si douloureuse. Elle concourt ainsi non seulement à la mémoire de sa famille, mais aussi à celle de tous les juifs exterminés dans les camps de la mort.
 
Vous pourriez vous dire, c’est un énième roman sur la seconde guerre mondiale. Mais celui-là est singulier bien sûr. C’est un roman d’aventure. Les membres de la famille de l’autrice deviennent, le temps d'une lecture, des personnages de roman, profondément inspirants. Anne BEREST brosse des portraits de résistants tout à fait exceptionnels. Des hommes, des femmes, d’une force inébranlable… face à l’ennemi, des héros à part entière. J'avoue être tombée dans une admiration totale devant l'audace et la témérité de "Gabriële" et Jeannine PICABIA, mais aussi Myriam...


Elle est majeure, elle est mariée, elle est femme, elle veut sentir sur sa peau la morsure de la liberté. P. 127

Ce qui m’a profondément touchée aussi dans cette lecture, c’est la relation établie par Anne BEREST avec sa mère, Lélia, sans qui rien n'aurait été possible. Elle restitue leurs conversations et dévoile une forte complicité entre les deux femmes. Bien sûr, il y a des moments éprouvants, des moments où regarder la vérité en face fait souffrir, mais elles cheminent ensemble tout au long des trois années de l'enquête, une expérience mère/fille unique, un véritable parcours initiatique.
 
"La carte postale", c’est la révélation de moult secrets de familles, parfois sciemment cachés, parfois totalement subis par une génération qui va pouvoir, désormais, s’émanciper de ce poids trop lourd à porter. Mais c'est aussi une démarche intellectuelle autour du sens du mot "juif". Le régime nazi du IIIème Reich a procédé à l'extermination de plusieurs millions d'êtres humains dans les camps de la mort pendant la seconde guerre mondiale. C'était il y a 80 ans. En quoi le terme "juif" aujourd'hui a à voir avec ce (ou ceux !) qu'il désignait à cette époque. Que veut-il dire ? Que traduit-il de notre société ? Qu'engendre-t-il aussi pour les jeunes générations, celles à qui il colle à la peau, à défaut d'y être tatoué ? L'exercice est complexe, l'autrice réussit toutefois à nous éclairer sur ce sujet.
 
A l’image du livre "Enfant de salaud" de Sorj CHALANDON en lice également pour le Prix Goncourt 2021, "La carte postale" de Anne BEREST navigue entre deux registres littéraires, celui du récit de vie et celui du roman. L'écrivaine nous offre un grand moment de littérature, une lecture empreinte d'humanité servie par une plume absolument fascinante. C'est un coup de coeur. J’ai vibré, j’ai frissonné, j'ai encaissé, j’ai chuté aussi, mais j'ai aimé, passionnément !
La carte postale de Anne BEREST

Anne BEREST sera interviewée par l'équipe de VLEEL (Varions les éditions en live)

jeudi 28 octobre 2021 à 19h

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commentaires

Z
Beaucoup aimé aussi ce roman . Voici la présentation quej'en ai faite sur FB :Un superbe roman autobiographique. Nous suivons 4 générations d’une même famille juive qui fuient les persécutions à travers toute l’Europe et dont une partie s’installe en France. Chacune des personnes est extrêmement attachante, et peu à peu ils sont devenus aussi comme ma famille. Comme dans le très beau « Idiss » de R.Badinter , on retrouve des parents désireux de s’intégrer , des enfants brillants à l’école car il fallait prouver là aussi qu’on était digne de devenir français. Mais l’Etat Français de 1942 les trahira et c’est même ce désir d’être naturalisé français qui perdra les arrières grands parents de l’auteur et leurs 2 enfants. <br /> J’ai trouvé ce livre terrible sur la Shoah car la mise en œuvre de la Solution Finale, le zèle des autorités administratives et de la police française y sont représentés de façon tellement implacable que l’on avance dans le récit le cœur serré sachant qu’il n’y aura pas d’échappatoire pour ces personnes à qui l’on s’est extrêmement attaché . On découvre comment Myriam la grand-mère d’Anne Bérest a pu s’échapper et ce qu’elle fera de sa vie pendant la guerre et bien sûr revient sans cesse la question « comment on peut survivre à cela? »<br /> L’écriture est d’une grande sobriété et rend le récit d’autant plus tragique et émouvant . La documentation est minutieuse autant pour les rafles et la déportation - on revit l’horreur: des camps , du vélodrome d’Hiver, d’Auschwitz …- que pour le retour au Lutétia , l’espoir de ceux qui attendent des parents et découvrent des corps décharnés et des gens hébétés .<br /> Il y a aussi la présence et le rôle dans la Résistance de personnes comme René Char, Samuel Beckett…On croise aussi d’autres artistes de l’époque dont Gabriele Buffet et Irène Némiroski. C’est passionnant . <br /> C’est aussi une magnifique quête d’identité sur ce que c’est d’être issu d’une lignée juive et ce d’autant que la plupart ont été assassinés parce qu’ils étaient juifs . Et la réflexion faite à la petite fille d’Anne , en 2020, dans la cour d‘école « Nous on n’aime pas les juifs » est terrible et résonne de façon sinistre. <br /> L’élucidation de l’énigme posée par la carte postale est comme une enquête , c’est une façon intéressante d’amener le récit de ce passé méconnu par la mère de l’auteur , de rencontrer des témoins . <br /> Ce livre m’a beaucoup émue , je l’ai trouvé vraiment très très beau . Et Vive les lycéens qui , eux ne s’y sont pas trompés en lui décernant le prix Renaudot des lycéens
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T
Wouah mais quel billet, bravo, j’y retrouve tout ce que j’ai aimé et bien plus encore. Merci de ce partage Zoé ! Anne Berest était l’invitée de Varions les éditions en live le 18 octobre 2021. J’ai participé à cette soirée, j’en suis sortie profondément émue… https://youtu.be/uPuA183i8Lw
A
Il me fait très envie celui-ci. Merci pour ton partage !
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T
Nul doute qu’il pourrait te séduire ma chère Antigone

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