Le bal des 68 se poursuit. Après :
"Les monstres de Charles ROUX"
"Le sanctuaire" de Laurine ROUX"
"Over the rainbow" de Constance JOLY
"Avant le jour" de Madeline ROTH
"Il est juste que les forts soient frappés" de Thibault BERARD
"Les orageuses" de Marcia BURNIER
"Ce qu'il faut de nuit" de Laurent PETITMANGIN
"Nos corps étrangers" de Carine JOAQUIM
"Avant elle" Johanna KRAWCZYK
"Tant qu'il reste des îles" de Martin DUMONT
"Les coeurs inquiets" de Lucie PAYE
tous en piste pour "Le Mal-épris" de Bénédicte SOYMIER, accompagné par
Je vous dis quelques mots de l'histoire :
Il a oublié le parfum de l'amour, les frissons et l'envie, il ne sait plus, ni dans son corps, ni dans sa tête, ça lui échappe, mais il devine - la boule serrée sous son sternum, gonflée ou dégonflée au rythme des rencontres, la moiteur de ses paumes, les doigts gourds, frottés sur ses cuisses, et son coeur qui palpite, pressions, rétractations, le pouls heurté, au cou et aux poignets, qui file sous les tissus et pulse jusqu'aux oreilles. P. 24
Ce qui m'a obsédée (moi aussi) dans cette lecture, c'est la spirale infernale dans laquelle est tombé le personnage principal de ce premier roman. Bénédicte SOYMIER décrit avec minutie la lente mais irréversible trajectoire vers la violence. Si elle n'essaie pas d'excuser le bourreau (elle le dit très bien elle-même dans la vidéo des 68 Premières fois #3 - que je vous invite à regarder bien sûr), elle en dévoile les fractures.
Parce que Paul, c'est un MALaimé. Cette condition, il la traîne depuis sa plus tendre enfance. Alors, en vieillissant, avec la solitude comme boulet, les choses ne vont pas s'arranger.
Il est ce que l'enfance a fait de lui, une histoire d'adultes défaillants et malfaisants, le produit de sa mère et de son père, le frère des petits, l'amant de Léa, le rejet de Mylène, il est ce qu'il n'a jamais voulu être, il est ce dont il veut s'affranchir pour vivre libre, l'esprit clair. P. 184
Sous la plume de Bénédicte SOYMIER, la psychologie du personnage est ciselée, tranchante, elle va MALmener. Mais ce n'est pas sur les faits de violence que l'écrivaine va insister. Bien sûr, elle va les décrire, mais le plus puissant est ailleurs, il est dans l'effet miroir de parcours chahutés. Jamais le proverbe "Qui se ressemble s'assemble" n'a été aussi bien illustré. Après Mylène, c'est Angélique qui trouve sa place dans un scénario sournois.
Lui dire son chagrin et la honte qu'il reçoit en miroir, son passé à l'épaule. P. 130
Parce que l'Homme est faible, dans sa médiocrité, son déshonneur, sa déchéance, il va trouver plus faible que soi. Il y a un rapport dominé/dominant absolument saisissant. Tout est affaire de profil en réalité !
Quant à la question qui tue :
Est-ce qu'on traine ses gènes malgré tout ? P. 130
Ce roman, certes il traite des violences conjugales, comme beaucoup d'autres, tellement d'autres. Mais celui-là est différent et ce qui fait principalement sa singularité, c'est le jeu de l'écriture. Bénédicte SOYMIER m'a foudroyée. A peine l'avais-je ouvert, à peine avais-je commencer à lire les premières pages que je me suis retrouvée piégée, sous l'emprise d'une plume. Si elle doute encore de la force de son propos, qu'elle soit rassurée, le talent est là !
commentaires