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2021-04-24T06:00:00+02:00

Le Mal-épris de Bénédicte SOYMIER

Publié par Tlivres
Le Mal-épris de Bénédicte SOYMIER

Le bal des 68 se poursuit. Après :

"Les monstres de Charles ROUX"

"Le sanctuaire" de Laurine ROUX"

"Over the rainbow" de Constance JOLY

"Avant le jour" de Madeline ROTH

"Il est juste que les forts soient frappés" de Thibault BERARD

"Les orageuses" de Marcia BURNIER

"Ce qu'il faut de nuit" de Laurent PETITMANGIN

"Nos corps étrangers" de Carine JOAQUIM

"Avant elleJohanna KRAWCZYK

"Tant qu'il reste des îles" de Martin DUMONT

"Les coeurs inquiets" de Lucie PAYE

tous en piste pour "Le Mal-épris" de Bénédicte SOYMIER, accompagné par 

Je vous dis quelques mots de l'histoire :

Paul est un homme au corps rebutant, un vieux garçon de 45 ans, un parfait employé de La Poste dont il tient l'agence avec rigueur. Il a deux soeurs, Emilie et Rachel, qu'il a pour partie élevées. Il a un frère aussi. Il vit dans un appartement d'une petite résidence. Ses plus proches voisins, un jeune couple déménage. Il laisse place à Mylène, une jeune femme en pleurs. Paul soupçonne une rupture amoureuse. Il commence à l'observer par le filtre de son judas, noter tout ce qu'il sait d'elle dans un petit carnet, tout neuf, acheté rien que pour cet objet. Paul va commencer à rythmer sa vie sur celle de Mylène, l'attendre dans le hall pour ouvrir sa boîte aux lettres en même temps qu'elle, la frôler, s'enivrer de son parfum, et puis, un premier mot va sortir de sa bouche, une phrase aussi, une invitation à boire un verre, chez lui...
 
Vous comprendrez que je n'aille pas plus loin. Le décor est planté, tous les ingrédients rassemblés pour que le MAL fasse son petit bonhomme de chemin. 
 
De Bénédicte SOYMIER, je connaissais le blog "Au fil des livres" sur lequel elle partage les chroniques de ses lectures. Grâce aux 68 Premières fois et ce premier roman, j'ai découvert la puissance de la plume, chapeau !
 
Si le sujet des violences conjugales transcende aujourd'hui tous les genres littéraires, voire artistiques, et l'on ne peut que s'en féliciter, une manière de les dénoncer, il est à craindre le livre de trop. En tant qu'écrivain.e, s'y aventurer relève déjà du défi, alors pour une écriture en herbe imaginez... mais les éditions Calmann Levy lui ont fait confiance, et elles ont eu terriblement raison
 
"Le Mal-épris", c'est l'exploration du MAL dans ce qu'il a de plus machiavélique.
 
Il y a d'abord les comportements MALsains de Paul. Tout commence avec ce regard posé sur Mylène, par simple curiosité. Qui n'a pas porté un semblant d'intérêt à ses nouveaux voisins ? Oui, mais quand la curiosité vous prend dans sa nasse et qu'elle devient progressivement une attention, un désir, une obsession, là, danger ! Bénédicte SOYMIER décrit avec minutie les impacts sur l'esprit de son Paul. La vue de cette femme le hante, le tourmente, le rend malade. Quant au corps, là, c'est encore une autre dimension. Le charnel s'emballe, le lubrique devient irrésistible, le lascif impérieux, la simple vue de cette femme (et puis d'une autre) lui fait perdre la raison.


Il a oublié le parfum de l'amour, les frissons et l'envie, il ne sait plus, ni dans son corps, ni dans sa tête, ça lui échappe, mais il devine - la boule serrée sous son sternum, gonflée ou dégonflée au rythme des rencontres, la moiteur de ses paumes, les doigts gourds, frottés sur ses cuisses, et son coeur qui palpite, pressions, rétractations, le pouls heurté, au cou et aux poignets, qui file sous les tissus et pulse jusqu'aux oreilles. P. 24

Ce qui m'a obsédée (moi aussi) dans cette lecture, c'est la spirale infernale dans laquelle est tombé le personnage principal de ce premier roman. Bénédicte SOYMIER décrit avec minutie la lente mais irréversible trajectoire vers la violence. Si elle n'essaie pas d'excuser le bourreau (elle le dit très bien elle-même dans la vidéo des 68 Premières fois #3 - que je vous invite à regarder bien sûr), elle en dévoile les fractures.

Parce que Paul, c'est un MALaimé. Cette condition, il la traîne depuis sa plus tendre enfance. Alors, en vieillissant, avec la solitude comme boulet, les choses ne vont pas s'arranger. 


Il est ce que l'enfance a fait de lui, une histoire d'adultes défaillants et malfaisants, le produit de sa mère et de son père, le frère des petits, l'amant de Léa, le rejet de Mylène, il est ce qu'il n'a jamais voulu être, il est ce dont il veut s'affranchir pour vivre libre, l'esprit clair. P. 184

Sous la plume de Bénédicte SOYMIER, la psychologie du personnage est ciselée, tranchante, elle va MALmener. Mais ce n'est pas sur les faits de violence que l'écrivaine va insister. Bien sûr, elle va les décrire, mais le plus puissant est ailleurs, il est dans l'effet miroir de parcours chahutés. Jamais le proverbe "Qui se ressemble s'assemble" n'a été aussi bien illustré. Après Mylène, c'est Angélique qui trouve sa place dans un scénario sournois.


Lui dire son chagrin et la honte qu'il reçoit en miroir, son passé à l'épaule. P. 130

Parce que l'Homme est faible, dans sa médiocrité, son déshonneur, sa déchéance, il va trouver plus faible que soi. Il y a un rapport dominé/dominant absolument saisissant. Tout est affaire de profil en réalité !

Quant à la question qui tue :


Est-ce qu'on traine ses gènes malgré tout ? P. 130

Ce roman, certes il traite des violences conjugales, comme beaucoup d'autres, tellement d'autres. Mais celui-là est différent et ce qui fait principalement sa singularité, c'est le jeu de l'écriture. Bénédicte SOYMIER m'a foudroyée. A peine l'avais-je ouvert, à peine avais-je commencer à lire les premières pages que je me suis retrouvée piégée, sous l'emprise d'une plume. Si elle doute encore de la force de son propos, qu'elle soit rassurée, le talent est là !

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