Dans le cadre de #MonAventLitteraire2020 lancé par Nicole et Delphine, place au "Livre dont j'aurais aimé rencontrer le héros", en l'occurrence l'héroïne. J'ai choisi "La femme révélée" de Gaëlle NOHANT aux éditions Grasset.
Le tout dernier roman de Gaëlle NOHANT est sorti en janvier 2020, une épopée romanesque comme l'écrivaine sait les écrire. Vous vous souvenez peut-être de la "Légende d'un dormeur éveillé" ? Et bien, vous allez rechuter !
Eliza Bergman est née en 1919. Elevée à Hyde Park, enfant, elle se souvient de toutes ses promenades avec son père dans des quartiers défavorisés. Il était médecin, reconverti dans la recherche en sociologie à l’université de Chicago, et aimait faire découvrir à sa fille la diversité des hommes. A 31 ans, elle laisse son fils, Martin, alors âgé de 8 ans, et quitte précipitamment les Etats-Unis à destination de la France. Armée de son Rolleiflex, son seul effet personnel, et devenue Violet, elle immortalise le tout Paris des années 1950. C'est là qu'elle va lentement se (RE)construire, au gré des rencontres, des relations d'amitié, d'amour aussi, qu'elle va savamment tisser entre authenticité et imposture. Comme une funambule sur son fil, elle va éprouver le jeu de l'équilibre pour mieux savourer les joies de sa liberté retrouvée et aller jusqu'au bout de ses convictions pour peut-être, un jour, retrouver son pays, ses racines.
Cette lecture m'a captivée par l'entrée en matière, artistique. Le Rolleiflex est à lui seul un personnage. Créé en 1929, c'est le nec plus ultra des appareils, aujourd'hui encore largement plébiscité. Avec lui, c'est le pouvoir de l'oeil qu'elle va explorer. Gaëlle NOHANT nous fait ainsi entrer dans le monde de la photographie, cette discipline qui permet de porter un regard singulier sur le monde.
Je ne vous en dirais pas plus parce que c'est là aussi le charme de ce roman mais Eliza devenue Violet a un dessein. Certains évoqueraient son histoire sur fond d'abandon, elle, non !
Avec cette fresque, il est question de transmission, de mémoire. Gaëlle NOHANT qui dédie ce livre à sa mère et à sa fille, aborde aussi la condition noire, un sujet malheureusement d’actualité encore en 2020 dans ce qu’elle évoque d’injustice et de maltraitance. Si certains préfèrent effacer toute trace du passé, l'écrivaine nous propose une autre alternative, celle d'en graver l'empreinte dans la mémoire des hommes pour qu'ils puissent mieux s'en émanciper.
A l'image de l'itinéraire d'Eliza devenue Violet construit par Gaëlle NOHANT, l'Homme a cette capacité à grandir, à s'élever, à condition qu'il VOIT. Si toutes ces années n'ont pas suffi à lui ouvrir les yeux, il est temps aujourd'hui qu'il puisse le faire parce qu'il est question de dignité, mais aussi de vie ou de mort ! Et si les médias ordinaires n'y suffisent pas, que la littérature puisse elle aussi apporter sa pierre à l'édifice.
La plume de Gaëlle NOHANT est absolument magnifique. D'une profonde sensibilité, elle est presque cinématographique. Tout au long de cette lecture, j'ai eu l'impression de regarder un film défiler sous mes yeux. Et puis, elle a cette capacité à embrasser cinquante ans de l'Histoire transatlantique, naviguant entre fiction et réalité, par la voie de personnages extrêmement attachants, la garantie d'un immense talent.
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