Dans le cadre de #MonAventLitteraire2020 lancé par Nicole et Delphine, je saisis l'opportunité de saluer toute l'équipe Richer d'Angers.
En effet, nous sommes le 4 décembre et avons à choisir "Un livre sur les conseils de mon libraire".
"Erika Sattler", ce roman de Hervé BEL publié aux éditions Stock, ça a d'abord été un échange avec Nicolas, libraire, sur un temps de déjeuner, et puis la lecture d'un article dans Angers.Maville.com avec cette lecture réitérée, et enfin, l'organisation d'une rencontre-dédicace avec l'auteur et la talentueuse Caroline LAURENT, son éditrice.
/image%2F1400564%2F20201202%2Fob_8e4753_image-1400564-20201012-ob-09e8fc-e5987.jpeg)
Toute une histoire donc pour un roman tout à fait singulier.
Je vous en livre les premières lignes :
"La forêt bruissait du souffle des scies et des hommes harassés, des cris des kapos, et de l'écho saccadé des cognées. L'air sentait la pourriture végétale sur la terre gorgée de froid.
En ce début d'après-midi, les gardes, le ventre plein, étaient fatigués, car même les plus méchants digèrent. Ils fumaient en regardant ailleurs pour n'avoir pas à sévir.
C'était aussi, pour les détenus, un moment de repos relatif. Les muscles se détendaient un peu. Parfois, un oeil toujours fixé sur les SS et les kapos qui buvaient du café chaud à même les thermos, ils interrompaient leur travail. Jamais longtemps.
L'un deux en profita pour aller pisser derrière un buisson. Il s'appuya contre un chêne...
Plus rien. Un trou noir dans lequel il se laissa tomber avec un contentement inexprimable.
Il se réveilla avec le sentiment que quelque chose n'allait pas : c'était le silence."
Fasciné par les régimes totalitaires en général, et le nazisme en particulier, Hervé BEL choisit un personnage féminin pour incarner le peuple acquis à la cause d'Hitler. Vous ne trouverez rien sur Erika Sattler dans les livres d'histoire. Ce personnage est sorti tout droit de l'imaginaire de l'écrivain sur la base des nombreuses recherches qu'il a réalisées.
Les femmes nazies se sont révélées être, pendant la guerre, les plus fidèles alliées d'Hitler. Avec ce roman, il nous offre la possibilité de décrypter les rouages d'un culte que rien ne saurait affaiblir.
Erika Sattler est une grande femme, blonde, aux yeux bleus, le canon aryen par excellence. Sa morphologie incarne le modèle allemand de cette race supérieure qu'Hitler revendiquait à cor et à cri. J'ai été profondément touchée par le côté solaire du personnage.
Mais Erika Sattler arbore aussi une façade profondément noire. Elle est d'autant plus menaçante qu'elle est intelligente. C'est une femme d'esprit absolument machiavélique.
Si elle sait qu'aucun conflit n'épargne les femmes, ces premières armes de guerre, elle sait aussi que les soldats russes ne relèvent pas de l'exception. Erika Sattler conçoit qu'elle encourt le risque d'être bafouée par les siens, la peine suprême.
Le mensonge qu'elle va construire de toutes pièces montre la puissance de son ignominie.
Je suis sortie de ce roman totalement abasourdie devant de telles infamies.
"Erika Sattler", c'est la lecture coup de poing par excellence, de celles qui vous laissent sur le carreau, incapables de mettre des mots sur son propre sentiment. Il aura fallu quelques jours, quelques nuits aussi, pour me remettre de ce tour de force.
Le récit est captivant, la narration foudroyante.
Alors, Nicolas, tu as un nouveau conseil de lecture pour moi ?
commentaires