Tout commence avec "L'évasion" d'un juif d'un camp de la mort. Nous sommes en mars 1944. Dans la journée, il est au travail avec son commando. Il n'aura fallu qu'un instant pour se soulager et tomber dans un trou, se retrouver seul, en plein silence, en Forêt Noire. Nicolas Berger sait quelle fin lui est promise. Les SS n'ont aucune pitié pour ceux qui sortent du rang. Mais c'est sans compter sur le lieutenant Paul Sattler, et ce geste d'une profonde humanité, qui scellera leur destin à jamais, à la vie, à la mort. Pendant ce temps-là, Erika Sattler, l'épouse de Paul, cette Allemande de 24 ans, encartée au NSDAP, se gorge d'une nuit d'amour, qu'elle sait être la dernière, avec son amant, Gerd Halter, commandant SS. Erika est une fille de fermiers misérables de Bavière, des opposants au Führer. En 1936, elle assiste avec son amie Liselotte et sa mère, à son premier défilé. C'est à Munich. Elle part ensuite l'été avec les Jeunesses hitlériennes, de quoi nourrir sa soif d'émancipation d'un univers familial, qu'elle juge étriqué, et sa révolte contre son père. Erika est une inconditionnelle du Führer. Elle travaille dans une entreprise d'armement, allemande, implantée en Pologne. Si elle pensait être du côté des dominants et ne rien devoir craindre de l'avenir, c'est un tout autre scénario qui se joue alors. Les Russes font reculer l'assaillant. C'est la marche de Warthegau.
Si la littérature d'aujourd'hui offre une multitude de livres en tous genres, quatre-vingt ans après la seconde guerre mondiale, Hervé BEL propose avec "Erika Sattler" un angle d'approche tout à fait singulier.
Fasciné par les régimes totalitaires en général, et le nazisme en particulier, il choisit un personnage féminin pour incarner le peuple acquis à la cause d'Hitler. Vous ne trouverez rien sur Erika Sattler dans les livres d'histoire. Ce personnage est sorti tout droit de l'imaginaire de l'écrivain sur la base des nombreuses recherches qu'il a réalisées. Les femmes nazies se sont révélées être, pendant la guerre, les plus fidèles alliées d'Hitler. Avec ce roman, il nous offre la possibilité de décrypter les rouages d'un culte que rien ne saurait affaiblir.
Erika Sattler est une grande femme, blonde, aux yeux bleus. Sa morphologie incarne le modèle allemand de cette race supérieure qu'Hitler revendiquait à cor et à cri. J'ai été profondément touchée par le côté solaire du personnage. Alors qu'elle fait partie de cette marche de miséreux, sales, pouilleux, puants, Hervé BEL décrit son corps, altier, faisant d'elle l'exception de tous ces décharnés voués à la mort.
Le panel des émotions humaines est limité : tout est question d’intensité. P. 42
Mais Erika Sattler est un personnage encore plus noir que ne le laisseraient à penser ces simples caractéristiques physiques honorées par le régime nazi.
Non, Erika Sattler est aussi une femme d'esprit. Elle est intelligente et machiavélique.
Si elle sait qu'aucun conflit n'épargne les femmes, ces premières armes de guerre, et sait aussi que les soldats russes ne relèvent pas de l'exception, Erika conçoit qu'elle encourt le risque d'être bafouée par les siens, la peine suprême.
Le mensonge qu'elle va construire de toutes pièces montre la puissance de son ignominie.
Je suis sortie de ce roman totalement abasourdie devant de telles infamies. J'aime, à mon corps défendant, que la littérature me pousse dans mes plus profonds retranchements. "Erika Sattler", c'est la lecture coup de poing par excellence, de celles qui vous laissent sur le carreau, incapables de mettre des mots sur son propre sentiment. Il aura fallu quelques jours, quelques nuits aussi, pour me remettre de ce tour de force.
Chapeau Hervé BEL pour la qualité de l'exercice, chapeau aussi à sa talentueuse éditrice, Caroline LAURENT, pour la signature d'une narration effroyablement réussie.
Le récit est captivant.
Merci à l’équipe de la Librairie Richer de les avoir invités.
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