Traduit de l’allemand par Paul WIDER
Samir est né en 1984 en Allemagne. Ses parents, Brahim et Rana, chrétiens, ont fui quelques années plus tôt leur pays d’origine en feu, le Liban. Ils ont posé leurs valises en Allemagne en 1983. Un premier accueil leur a été assuré dans un camp de réfugiés. Avec eux, il y avait Hakim, le meilleur ami de Brahim, fils de luthier, musicien, musulman. Lui, bénéficiera du droit d’asile. Il élève seul Yasmin, sa fille de deux ans. Il obtiendra aussi un permis de séjour illimité, un logement social, un permis de travail et accédera à un emploi dans une menuiserie. Pour Brahim et Rana, le parcours sera plus compliqué mais à force d’apprentissage, ils réussiront. Brahim, qui a appris l’allemand dans les livres, sera interprète pendant que Rana réalisera des travaux de couture. Les deux familles exilées se retrouveront dans le même immeuble et partageront leur intimité jusqu’au jour où, Brahim, totalement adulé par son fils, disparaîtra. L’enfant n’aura alors que huit ans, il sera pourtant marqué à vie par cet événement. Plus grand, il se lancera dans un véritable parcours du combattant sur les traces de son père, à moins que ça ne soit de tout un pays.
Dans ce roman, vous l’aurez compris, il est question de déracinement. Pierre JARAWAN décrit avec beaucoup de pudeur le parcours de deux familles d’immigrés des années 1980. A travers elles, il décrit les conditions d’accueil des immigrés et tient un propos qui malheureusement prend une dimension universelle et intemporelle.
Telle une famille d’animaux, j’avais l’impression que nous pouvions envisager avec sérénité la venue de la mauvaise saison, car nous avions des provisions suffisantes et une tanière chaude et confortable. P. 53
Pierre JARAWAN donne pourtant une connotation singulière au sujet avec des personnages profondément attachants. J'ai été troublée par cette relation père/fils et ce sentiment d’un terrible abandon. Quand Samir découvre la disparition de son père qu’il admirait plus que tous, c’est un peu comme s’il avait été trompé, comme si son père lui avait caché l’existence d’un autre homme, d’une autre vie. Samir, devenu adulte, ne pourra résister au besoin irrépressible de la quête d’un secret trop bien gardé.
Il y a le Liban fantasmé par des exilés qui resteront, toute leur vie, ancrés à leur terre d’origine, et puis, il y a celui de la réalité que Samir va découvrir, peut-être au péril de sa vie. « Tant qu’il y aura des cèdres » devient alors un roman d’aventure, au rythme haletant.
Et puis, j'ai été séduite par l’approche de l’art. Tout au long du roman, Pierre JARAWAN va convoquer des disciplines artistiques au chevet de Samir et des gens qu’il aime. Tout a commencé avec ces moments fabuleux de l’heure du conte dans le camp des réfugiés. Mais il y a eu aussi le graff arrivé au centre aéré pour embellir un bâtiment. Et puis, i y a eu la couture avec la friperie et la rencontre d’Agnès Yung. Et encore, le leitz-prado pour les diapositives, ces photographies de l’époque. Pierre JARAWAN nous émerveille de toutes ces créations qui, dans des moments de grandes fragilités, permettent à l’homme de sauver sa peau en s’émancipant de sa condition de simple mortel.
Enfin, dans une plume d’une profonde sensibilité, Pierre JARAWAN et Paul WIDER, en qualité de traducteur, nous offrent un très beau roman, de ceux qui vous ouvrent les portes du monde. Il y a cette petite graine d’espoir qui ne demande qu’à être arrosée...
Même si c’est une image éculée, il y a toujours une lumière là où tu ne vois que l’obscurité. P. 352
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