Mon #mardiconseil, c’est le second roman de Cécile Balavoine dont j’ai découvert la plume grâce aux fées des 68 Premières fois. Coup de cœur pour "Maestro".
Place maintenant à "Une fille de passage".
La narratrice, Cécile, a 25 ans. Après avoir passé une année à Salzbourg, elle étudie à New York et s’installe avec Liv et Darian, chez Serge DOUBROVSKY, écrivain, professeur de théâtre classique à la New York University. Juif de 70 ans, il est né d’un père Ukrainien, tailleur. Il ne doit sa vie qu’à des personnes qui ont bien voulu le cacher, lui, ses parents et sa sœur, dans une cave pendant la seconde guerre mondiale. Malade d’une tuberculose, il a perdu l’ouïe de l’une de ses deux oreilles. Cet homme, Cécile le vénère pour l’autofiction dont il est le père. Peu à peu, elle découvre son intimité, sa première femme, d’origine autrichienne, suicidée, qui hante les nuits de l’étudiante.
Il M semblait qu’elle se glissait vers moi par ondoiements, s’infiltrait sous les portes fermées, longeait les plinthes et se logeait au creux de mon corps recroquevillé sur le matelas. P. 29
Et puis, au fil du temps, se construit lentement une nouvelle relation...
Avec ce roman, j’ai retrouvé l’atmosphère intimiste de « Maestro », une relation entre un homme qui agit comme un mentor sur une femme qui l’adule. Les deux générations qui les séparent et leurs statuts respectifs confortent la dominance masculine sur une jeune femme subjuguée par les connaissances et le charisme de l’individu. Elle sait que des femmes se sont succédées à ses côtés mais elle, c’est différent
C’était comme une revanche sur la mort, un instinct d’existence. Je savais parfaitement que le désir s’arrêtait là, dans la région du cœur, je le sentais, rien ne frémissait en deçà. P. 118
jusqu’au jour où il y a cet instant de rupture.
Le rythme est lent, les mots doux. Cécile BALAVOINE prend son temps pour évoquer cette relation naissante et induit progressivement de la confusion entre homme et femme. C’est un roman de la nuance, la subtilité, l’entre-deux, l’interprétation... tout se joue à pas grand chose ou presque tout !
Il y a l’environnement de l’appartement aussi, la disparition des tours jumelles, la cicatrice urbaine :
Et moi, je voyais pour la première fois la béance que formaient désormais ces deux tours disparues depuis son grand bureau. P. 163
La population juive est incarnée par Serge DOUBROVSKY bien sûr mais aussi par Fernande, cette femme commerçante rencontrée lors de la recherche d’un cadeau pour enfant et puis, la menace de la déportation.
J’imaginais comment l’étoile avait été cousue, autrefois à son manteau d’hiver. Je m’accrochais du regard à ce fil auquel avait tenu sa vie, une jeune vie qui aurait pu s’achever dans les cendres. P. 42
Enfin, cerise sur le gâteau pour ceux qui aiment la littérature, est abordé le registre de l’auto fiction, celui-là même qui donne lieu aujourd’hui à de nombreux romans. Tantôt dans le rôle de l’écrivain, tantôt dans celui du personnage de roman, les deux facettes sont amenées de façon ingénieuse pour en mesurer toute la fragilité. Audacieux mais parfaitement réussi. Assurément, Cécile BALAVOINE a été à bonne école, elle nous livre ici un roman dans lequel elle conforte la puissance de sa plume.
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman. Merci infiniment aux éditions Mercure de France.
Cette chronique est aussi l’occasion d’un petit clin d’œil à Amélie de l’institut Au cœur des soins.
commentaires