Chère Sandrine, c’est un immense honneur que vous me réservez aujourd’hui en acceptant de répondre à mes questions. Je voudrais partager avec les internautes votre joie de vivre et votre chaleur humaine, vous qui vous êtes spécialisée au fil du temps dans le roman noir.
Vous avez écrit de nombreux romans. Il y a eu « Des nœuds d'acier » - Grand prix de littérature policière 2013, « Un vent de cendres », « Six fourmis blanches », « Il reste la poussière », « Les larmes noires sur la terre », « Juste après la vague », « Animal » et très récemment « Et toujours les Forêts », roman présélectionné pour de nombreux prix littéraires.
Mais vous avez aussi écrit des nouvelles : « Une brume si légère », « L’épouvantail », « Le Tracteur » et « L’amour, c’est de ne pas trouver les mots..., dans L’Amour, c’est... ». Et enfin, une découverte pour moi, des manuels : « L'Atout senior : relations intergénérationnelles, performance, formation et « Savoirs et enjeux de l'interculturel : nouvelles approches, nouvelles perspectives ».
Avant d’évoquer la toute nouvelle rentrée littéraire qui vous anime, je voudrais que vous nous parliez de votre rapport à l’écriture ? Est-ce qu’enfant vous souhaitiez devenir écrivain ?
Je serais tentée de répondre : oui, comme tous les auteurs ! C’est presque toujours un vieux rêve. Mais quand on est enfant, c’est comme dire qu’on voudra être clown ou majorette : ça ne fait pas sérieux. Du coup, j’ai mis du temps à y revenir, même si je n’ai jamais cessé d’écrire. Le déclic, c’était d’essayer de se faire publier. Ecrire est une chose, rendre public ce que l’on écrit en est une autre.
Chez vous, y a-t-il un lieu privilégié pour écrire ? un moment de la journée aussi ?
Pas vraiment. Je n’ai pas (encore) de tics, de tocs, tout ça. Du moment que mon ordinateur est là, j’écris n’importe où, chez moi le plus souvent en effet mais aussi dans un café, chez des amis… Et comme je fais beaucoup d’autres choses, l’écriture se glisse au milieu de plein d’activités, parfois le matin, souvent en fin d’après-midi, d’autres fois le soir. Si je devais trouver une régularité, je dirais qu’il faut de l’énergie pour écrire (donc après une journée de bricolage, c’est fichu), d’où l’importance de temps vides. Et par ailleurs, la pluie m’aide beaucoup en m’empêchant d’être en extérieur autant que je voudrais. Donc des jours de pluie où on s’ennuie, c’est pas mal !
Si fil rouge il y a dans toutes vos productions littéraires, quel serait-il ?
Sans doute la survie. Je n’aime rien tant que mettre des personnages ordinaires (comme vous et moi) en situation extraordinaire. Les super-héros ne m’intéressent pas. Donc, ces gens comme vous et moi, je les mets dans des conditions extrêmes où leur vie est en jeu (un ouragan, une tempête en montagne, un enfermement…) et je regarde comment ils réagissent. Certains se dépassent, d’autres deviennent des minables ou des salauds. Je ne juge pas : je montre.
S’agissant de vos romans, et en particulier des derniers, Dame Nature occupe une place prépondérante. Quel rapport entretenez-vous avec elle ? En quoi vous inspire-t-elle ?
La Nature est mon élément. C’est sans doute pour cela que mes romans se placent dans les grands espaces : la ville ne m’inspire pas. Dans la réalité, j’entretiens une relation très heureuse et fusionnelle avec la nature qui m’entoure ; mais pour mes romans, j’en fais une force destructrice, c’est sa puissance qui me fascine. Je crois au fond que la nature peut être le plus grand prédateur, le plus grand tueur en série du monde, plus encore que l’homme, car quand une catastrophe naturelle advient, rien ni personne ne peut l’arrêter. C’est cette démesure qui m’intéresse. C’est aussi la réminiscence de l’enfance : les histoires de sorcières, de monstres, d’ogres qu’on nous raconte se passent toutes au fond des bois. J’ai dû assimiler un peu vite : la nature, c’est beau mais c’est dangereux.
Comment construisez-vous vos personnages et leurs trajectoires ? Est-ce que vous savez, dès le début, quelle sera leur fin ?
Quand l’histoire se déclenche dans ma tête, je ne commence pas à écrire avant de l’avoir construite entièrement, d’avoir fait un canevas même un peu vague. Alors oui, je sais dès le début quelle sera la fin, ou presque. Parce que parfois j’ai une fin, et au fur et à mesure que le livre s’écrit, je me rends compte qu’il y en a une meilleure, ou que celle que j’avais imaginée ne me semble pas à la hauteur, etc. Donc à la fois les personnages et l’histoire sont construits dès le départ, et à la fois, dans la mesure où mes chapitres peuvent avoir un ou deux mots-clés mais qu’il reste sept ou dix pages pour les remplir, le livre se construit pas à pas. La créativité ne disparait pas à l’écriture, elle se renforce.
Comme tous vos romans, j’ai lu « Et toujours les Forêts » d’une traite, impossible, une fois ouvert, de le lâcher. Je suppose qu’un vaste tour de France est à l’oeuvre pour assurer la promotion de ce roman. Comment vivez-vous le métier de « VRP » ? Qu’est-ce que ça vous apporte personnellement ?
Le métier d’auteur est fondamentalement et essentiellement solitaire. Il faut aimer ça je crois – ce qui est mon cas. Mais pour ma part, je ne vis bien la solitude que parce que je sais qu’elle est ponctuelle, une sorte de fausse solitude, en quelque sorte. Alors oui, les rencontres en librairies, en médiathèques ou dans les salons, c’est loin, c’est fatigant, c’est chronophage. Mais c’est aussi le moment où on n’est plus seul et où on peut partager ce qu’on aime : les livres. En ce sens, c’est très riche, d’autant plus qu’on est confronté aux interprétations des lecteurs, à leur ressenti, aux liens qu’ils font : parfois, ils pensent à des choses auxquelles je n’avais jamais pensé, et je vis cela comme une ouverture d’esprit. Les rencontres sont toujours des temps forts dont je ressors avec plus de largeur dans ma tête.
Vous allez être accueillie par bon nombre de librairies. Avez-vous une adresse particulière à nous conseiller ? une à laquelle vous soyez fidèle ?
Oh non, j’aurais trop peur d’en oublier. Je suis fidèle aux librairies qui m’ont soutenue dès le premier roman, mais j’en découvre de nouvelles chaque année. J’ai surtout fait la connaissance des libraires : des gens passionnés (et il faut l’être pour espérer vivre du livre), sympathiques et bavards, avec plein de choses à raconter, souvent des vies à plusieurs trajectoires, capables de vous dire ce que vous allez aimer lire juste en vous écoutant, bref, cela fait autant partie du plaisir d’aller à leur rencontre lors de la promotion des romans.
Je suppose que, lorsque l’écriture vous libère, vous lisez... Quel est votre dernier coup de coeur ?
Je lis tous les jours, je crois que chaque auteur est avant tout un lecteur. Mais je suis une mauvaise lectrice : difficile, avec des goûts qui ne sont pas ceux de tout le monde. Parfois je fais rire mon éditrice, je lui parle d’un roman que j’ai trouvé fantastique et elle me dit qu’il a fait un flop. Tant pis. Donc, mon dernier coup de cœur, il est loin. Disons que le titre qui me vient en tête est « Dans la forêt » (tiens tiens !) de J. Hegland.
Et votre lecture, aujourd’hui ?
Après avoir fermé « Les voyages de Cosme K » de Ph. Gérin (une bonne surprise), je commence « Manuel de survie à l’usage des jeunes filles » sur les conseils d’une amie libraire.
Je vous remercie infiniment pour cet échange, plein d’humour et de fantaisie.
Il ne me reste plus qu’à croiser les doigts pour que votre tout dernier roman soit le lauréat de prix littéraires à venir. Le suspense reste entier mais je lui souhaite, comme de nombreux blogueurs et libraires, le meilleur !
Si vous saviez comme moi aussi je croise les doigts, je pense que je vais me faire un claquage ou développer de l’arthrose !! Merci pour tout et bon vent à vous.
(rire) Portez-vous bien (quand même !!!)...
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