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2020-03-03T17:45:00+01:00

Le Ghetto intérieur de Santiago H. AMIGORENA

Publié par Tlivres
Le Ghetto intérieur de Santiago H. AMIGORENA

Editions P.O.L.

 

Ce roman, c'est ma fille qui me l'a conseillé. Elle a sacrément bien fait et je l'en remercie très chaleureusement !

 

Je vous dis quelques mots de l'histoire.

 

Vicente a quitté Varsovie en 1928. Après un long parcours, il s’installe finalement à Buenos Aires. Il rencontre Rosita avec qui il a trois enfants. Il succède à son beau-père dans la gestion du magasin de meubles, héritage familial. Tous habitent un appartement à quelques centaines de mètres de l'entreprise. La vie pourrait être un long fleuve tranquille, et pourtant... Si Vicente, en quittant sa mère, lui a fait la promesse de lui écrire régulièrement, il n’a en réalité pas tenu son engagement. Il n'a pas nourri l’échange épistolaire alimenté exclusivement par elle pendant toutes ces années. Et puis, en 1938, les lettres se font plus rares, elles lui dévoilent à demi-mots la condition des juifs enfermés dans le Ghetto de Varsovie. C’est alors que les origines de Vicente resurgissent cruellement et le conduisent progressivement à se murer dans le silence. Là commence une toute nouvelle histoire...

 

Ce roman de Santiago H. AMIGORENA, dont je ne connaissais pas la plume, est inspiré de la vie familiale de l'écrivain. Vicente n'est autre que son grand-père. Il aurait pu en faire un récit, il a choisi la fiction, la littérature permet de donner à des personnes dites ordinaires l'étoffe de héros éminemment romanesques. Je me suis plongée avec grand plaisir dans cette histoire singulière au rythme soutenu et au suspens intense. 

 

Des livres qui racontent la persécution du peuple juif pendant la seconde guerre mondiale, il y en a beaucoup, et pourtant, celui là est EXTRA-ordinaire.

 

Son originalité repose, je crois, dans la métaphore du ghetto. Si Vicente, lui, a quitté suffisamment tôt son pays pour s'assurer une existence à l'abri de l'oppression nazie, si Vicente, lui, n'a pas été encerclé par les murs du Ghetto de Varsovie, il s'emmure, seul, dans un Ghetto intérieur. A force de nourrir son sentiment de culpabilité à l'égard de sa mère, de ses frère et soeur aussi, son impuissance à les aider d'une quelconque manière qu'elle soit, Vicente se referme sur lui-même, il se réfugie dans le mutisme. Il prend progressivement de la distance vis-à-vis de ses proches, hanté par ses démons. Il laisse choir l'amour que tente désespérément sa femme de lui prouver, il ne répond pas interpellations de ses enfants, Martha, Ercillia et Juan José, comme autant de bouées de sauvetage lancées à un homme en train de se noyer. Il RESISTE au naufrage et c'est ce que Santiago H. AMIGORENA explore avec minutie dans ce roman. 


Les mots se précipitaient les uns contre les autres, et si parfois ils composaient des phrases qu’il arrivait à comprendre, des pensées qu’il arrivait à suivre, le plus souvent ils se battaient et tombaient défaits sur le trottoir, formant de petites tâches sombres comme des cafards qui se mêlaient aux déjections claires ou verdâtres des pigeons. P. 92

User des mots, jouer avec eux, c'est l'apanage des écrivains. Dans la démarche de Santiago H. AMIGORENA, peut-être y a-t-il quelque chose de l'ordre de la résilience. Ecrire ce roman n'est-il pas la voie qu'il s'est choisi, lui, le petit-fils, homme des mots justement, pour RESISTER aux drames vécus par la génération de ses grands-parents et qui continuent de l'affecter. Nul doute que Caroline CAUGANT aimerait profondément réfléchir à la question !

 

Outre les événements qui, malheureusement, relèvent de l'ignominie humaine et qui pourraient être universalisés, il y un sujet qui m'a beaucoup frappée dans ce roman, c'est la puissance de la condition juive.


Être juif, pour lui, n’avait jamais été si important. Et pourtant, être juif, soudain était devenu la seule chose qui importait. P. 70

Avec le personnage de Vicente, une nouvelle fois, il nous est prouvé que nous sommes empreints, que nous le voulions ou non, que nous l'acceptions ou non, de nos origines. Mais "Etre juif", c'est encore plus fort que la simple réminiscence d'une éducation religieuse, c'est aussi et surtout tout ce qui va avec. Dans "Où vivre", Carole ZALBERG décrit parfaitement l'indéfectible lien qui unit une communauté. Peu importe aujourd'hui sa diversité, son interculturalité, peu importe aujourd'hui son pays d'adoption, "Etre juif" se perpétue à travers les générations. Il en est une qui portait dans sa chair le numéro de sa déportation, il y a toutes les autres qui porteront comme un inlassable fardeau les marques laissées à jamais dans leur esprit.

 

Vous l'aurez compris, Santiago H. AMIGORENA, auteur contemporain, fait se croiser subtilement la trajectoire d'une famille avec celle de la grande Histoire et nous livre un roman tout à fait saisissant. Quant à sa plume, elle est tout en sensibilité, profondément bienveillante, comme un baume pour panser des plaies ouvertes à jamais.

 

Une nouvelle lecture coup de poing de ce début d'année !

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commentaires

K
Il me semble qu'il est dans ma liseuse et j'ai tant à lire avant ! Mais je le lirai...
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T
Réjouis toi alors !
M
Comme toi, je l'ai également beaucoup aimé et je n'ai pas regretté ma lecture...Une belle découverte qui m'a marquée...J'espère qu'il sera lu et davantage commenté sur les blogs
Répondre
T
Merci Manou de ta fidélité sur le blog. Il me semble que nous avons quelques affinités en termes de lectures !!!

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