Allez, c'est parti pour une nouvelle aventure, celle du Prix du roman Cezam 2020.
Après :
Né d'aucune femme de Franck BOUYSSE, lauréat du Prix des Lectrices Elle 2019,
Opus 77 d'Alexis RAGOUGNEAU
Vigile de Hyam ZAYTOUN
place à "La petite conformiste" d'Ingrid SEYMAN, un premier roman haut en couleurs publié aux éditions Philippe REY.
Qu'il est bon, le temps d'une lecture, de retrouver son âme d'enfant, sa spontanéité, sa liberté de parole,
Qu'il est bon, le temps d'une lecture, de regarder les adultes se confronter à leurs propres contradictions, et d'en rire !
Dans la famille, je demande la fille. Bonne pioche. C'est Esther, elle est née à Marseille dans les années 1970.
Je demande le frère. Bonne pioche. Voilà Jérémy, le fils cadet, hyperactif, qui vit avec un sparadrap sur un verre de lunette. Il est roux, un brin décalé avec le reste de la famille, et tous les autres enfants de son âge aussi.
Je demande la mère. Bonne pioche. Babeth est secrétaire de Mairie, une fonctionnaire soixante-huitarde.
Je demande le père. Bonne pioche. Patrick, Juif, pied-noir, il est originaire d'Algérie. Il pallie l'angoisse d'une shoah bis à coup de listes qui pourrissent littéralement toute la vie de famille. Ah, une précision, dans cette maison, tout le monde vit nu. L'effet 68 !
Je demande la grand-mère. Bonne pioche. Fortunée elle s'appelle, une vraie prédisposition à la richesse construite avec un magasin de confection à Souk-Ahras.
Je demande le grand-père. Bonne pioche. Isaac, lui s'efface derrière l'exubérance de son épouse.
Voilà un joli portrait de famille qui ne va pas manquer d'être éclaboussé par l'entrée d'Esther à l'école privée. Oui, oui, vous avez bien compris, celles et ceux qui interdisent d'interdire, qui se fichent de la religion, vont finalement inscrire leur fille dans une école catholique, la faute au petit Jérémy que l'école publique ne saurait calmer !
La narration à la première personne à travers les yeux d’Esther est un jubilé de fraîcheur et de vivacité. La petite n'a pas sa langue dans sa poche, elle qui est la seule "conformiste" de la maison et qui questionne tous les faits et gestes des parents et grands-parents, mais aussi ceux des parents de ses amies, des bourgeois capitalistes, un virage à 180° avec l'éducation qu'elle a reçue.
Les engueulades entre eux surgissaient donc comme par magie, à la manière d'un film d'action qu'on aurait pris en cours de route. P. 77
Derrière le côté drôle et ingénu se cache pourtant une face beaucoup plus grave.
Il y a bien sûr le passé lourd de la famille, l'exil lié à la guerre d'Algérie et l'arrivée de cette famille en France. Il y a aussi l'antisémitisme et la crainte absolue de voir de nouveaux faits perpétrés.
Ingrid SEYMAN, dans ce premier roman, croque les clichés à pleines dents et nous livre rien de moins qu’une satire de notre société parfaitement déguisée. La prose est attendrissante et le rythme palpitant.
L'intérêt des Prix littéraires, c'est bien de nous emmener en dehors des sentiers battus. Pari réussi avec cette petite cure de jouvence qui a le mérite de remettre les points sur les i et les barres au t !

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