Depuis quelques temps déjà, je réfléchissais à une nouvelle rubrique sur le blog autour des arts. Avec la nouvelle année, j'ai décidé de me lancer. Je partagerai donc avec vous, une fois par mois, la visite d'un atelier.
La première à m'ouvrir sa porte, c'est Alix de BOURMONT.
J'ai découvert son travail lors de l'événement organisé par Doris KOFFI à l'automne 2019 au Couvent de Nazareth sur Angers. La salle qui accueillait plusieurs de ses créations, dont "Le jardin du Couvent" et "Trans-humans" dont je vous ai déjà parlé, m'avait captivée. Ses oeuvres me touchaient profondément.

Assez naturellement, j'ai eu envie d'aller plus loin et notamment de la rencontrer, quelle bonne idée !
Rendez-vous était donné samedi dernier. Au réveil, grand ciel bleu, soleil franc, je ne savais pas encore que la météo donnerait le ton de cette journée, et de ce rendez-vous en particulier.
A mon arrivée dans l'impasse, un haut mur de schiste clôture l'enceinte, orné de jolies ferronneries, un lieu empreint des matériaux traditionnels de la région, le patrimoine architectural a son importance, c'est certain.
Sa voix, chaleureuse, résonne à l'interphone. Le visage souriant, le regard pétillant, assurément, cette rencontre promet d'être belle. Alix m'offre un café. Il est servi dans une tasse aux ailes d'ange comme une invitation à partager son petit coin de paradis. La conversation s'engage, un peu comme si l'on se connaissait depuis longtemps déjà, et puis vient le moment où, nous entrons dans l'atelier, les choses sérieuses commencent.
Expliquez-nous, Alix, dans quelle discipline artistique créez-vous ?
Je suis peintre et je fais aussi beaucoup de dessin.
Qu'est-ce qui a prévalu à l'aménagement de cet atelier ?
Et bien, il y a deux ans, nous avions un mois pour trouver une maison sur Angers. La première que nous avons visité était celle-ci, elle nous a tout de suite plu. Il y avait des travaux à réaliser bien sûr. Nous avons transformé le garage en atelier. Nous avons fait installer une très grande fenêtre, côté nord, pour bénéficier d'une lumière stable, régulière, complétée par une lumière artificielle, et le tour était joué. De l'atelier, je vois le jardin, je suis en permanence en contact avec la nature.

L'atelier fait partie de la maison, vous vivez en famille, comment structurez-vous vos journées de travail ?
Le matin, je vais faire un tour dans le jardin, j'écoute les oiseaux, je m'imprègne de l'atmosphère. C'est devenu un besoin pour moi avant même de commencer quoi que ce soit. Dans cette maison, peu importe le lieu où l'on est, on est dehors partout, c'est très agréable et ça me pose, ça me permet de m'ancrer, me stabiliser. L'environnement est très calme, c'est presque incroyable. Le matin est pour moi important, je me rends compte que je peux travailler efficacement. Je crée plusieurs heures, 3 ou 4, et puis ensuite, je fais autre chose. Je dois assurer l'approvisionnement de l'atelier. Comme je suis une autodidacte, j'essaie de nouvelles matières, de nouveaux papiers, certains sont trop fins, ils se déforment avec l'humidité, j'en cherche d'autres. En fait, réaliser me demande beaucoup d'attention, de concentration, et puis, dessiner, c'est exigeant aussi pour le corps, on est debout, assis seulement pour les petits formats. Il est important de couper, et puis, la famille me rattrape, l'administratif aussi.
Avec quels autres matériaux travaillez-vous ?
J'utilise le fusain, j'adore son toucher, il y a l'encre aussi, l'acrylique. J'ai abandonné l'huile parce que je n'ai pas la patience d'attendre le séchage. Quand je suis dans mon idée, il faut que j'avance, je ne peux pas m'arrêter pour revenir dessus, ce n'est pas ma façon de travailler. J'ai fait aussi beaucoup de pastels secs, c'est abandonné aujourd'hui, mais j'aimais bien.
Comment s'organise le travail de création ?
Je fais beaucoup de croquis en amont. Je dessine des idées sur des carnets. Je prends des notes. Je travaille sur la base de mes ressentis. Quand je pense à un animal en particulier, je fais des recherches sur internet pour nourrir mon projet. Je me lance enfin sur la toile mais l'idée chemine jusqu'à la fin. Je peux y revenir en permanence, la modifier, la faire évoluer.

Combien de temps mettez-vous à créer une oeuvre ?
On me demande souvent ça. En fait, c'est très variable. Je travaille parfois dans un tunnel de création. Sur une semaine par exemple, je pars et passe mon temps à créer, ça marche beaucoup mieux, beaucoup plus vite que si je travaille trois jours, puis deux matins... ça m'oblige à reprendre et redémarrer. Mais, je ne peux pas quantifier le temps de création en amont. Pour la réalisation elle-même, on n'a pas la même capacité à travailler chaque jour. Il y a des matins où tout se fait très bien, et puis il y a des jours où on n'a pas notre main, on n'a pas la bonne énergie. Je travaille aussi beaucoup les détails, là, les heures filent.
Qu'est-ce qui singularise vos créations ?
Il y a le noir et le blanc, qui sont universels, sur lesquels j'ajoute une tâche de couleur, à l'image de l'élan par exemple.

Je peux aussi travailler en monochrome de couleur terre. Je recherche la vie dans toutes mes oeuvres, c'est pour ça que je lie le végétal à l'animal. Les oiseaux sont absolument partout. Ils symbolisent la liberté, la légèreté, la vivacité. C'est l'univers animalier qui me parle le plus. Certains existent dans la nature, d'autres relèvent de mon imagination. Et puis, il y a les roses, je les aime beaucoup. Quand j'ai envie de me défouler, je vais jardiner. Je fais des boutures de roses tout le temps. Cette fleur me fascine. On la retrouve un peu partout. Je recherche la poésie quand je crée une toile et la rose incarne bien ça. Il y a de la fragilité, quelque chose de féminin qui m'inspire. Les troncs d'arbres, les écorces, sont aussi des éléments que j'utilise régulièrement. Ils donnent du mouvement. L'univers peut être exotique, des lianes, des choses que l'on ne trouve pas chez nous.
Il y a donc le monde des animaux et des végétaux récurrents dans vos oeuvres. Qu'en est-il de l'humain ?
Et bien, si on regarde "Trans-humans" par exemple, une toile particulièrement colorée celle-là, l'Homme y est représenté. Si habituellement, les animaux nous regardent de face, l'oeil perçant, chez l'humain, je travaille différemment. Je prends en compte le fait que l'Homme réfléchit, trop peut-être ! Je lui ai consacré une série l'année dernière. J'ai volontairement choisi de laisser le végétal envahir une partie du visage pour cacher ses yeux.

Comment se compose une toile ? Vous travaillez d'abord votre fond je suppose.
Oui, c'est ça. Je soigne beaucoup mes fonds. Même s'ils sont blancs, les gens n'y pensent pas mais ils exigent beaucoup de travail. D'une manière générale, je n'aime pas le grain. J'aime dessiner sur un support lisse. Je dois donc peindre plusieurs couches avant de réellement dessiner.

On n'a pas parlé de votre formation. Enfant, saviez-vous déjà que vous seriez peintre un jour ?
J'ai toujours beaucoup dessiné, oui. Mon rêve était de faire les Beaux-Arts mais ça n'était pas possible, alors, j'ai fait des études d'architecte. J'ai aussi eu tout un tas de métiers, j'ai été experte en feng shui par exemple. Je me suis mise à la peinture très tard. Quand je travaillais sur Paris, j'avais négocié mon lundi matin. A l'époque, je faisais de la copie. C'est là que j'ai appris à utiliser la peinture à l'huile. Et puis, après, j'ai décidé de réaliser des choses plus personnelles. Je suis allée sur Nantes, j'ai travaillé dans l'atelier d'une femme qui m'y a aidée.
Quelle est votre actualité ?
Je viens de déposer des oeuvres pour une exposition à Lyon avec une vente aux enchères, une nouvelle expérience. Je suis présente en permanence cette année à Rablay-sur-Layon au village d'artistes où beaucoup de petits formats sont exposés pour permettre aussi à tous d'accéder à mes oeuvres. Tout le monde ne peut pas se permettre d'acheter une grande toile. Je ne sais absolument pas ce que je ferai dans quelques mois.
Enfin, parce que le blog lie les arts à la littérature. Quel rapport entretenez-vous avec les livres ?
Je lis beaucoup, et de tout. Je peux lire un polar parce que j'ai besoin de couper. Je lis aussi dans le domaine de la psychologie. J'ai beaucoup de livres sur la nature, sur des artistes que j'apprécie. J'achète toujours les livres des expositions. Je suis une fan totale de B.D. Je lis en ce moment « Trois amis en quête de sagesse » de Christophe ANDRE, Alexandre JOLLIEN et Mathieu RICARD. L’un de mes livre préféré est « Je reviendrai avec la pluie » de Takuji ICHIKAWA.
Je vois que l'heure tourne Alix, il me reste à vous remercier. J'ai passé un moment hors du temps à vos côtés, vous partagez admirablement votre passion. Je ne manquerai pas de suivre votre actualité sur les réseaux sociaux bien sûr, facebook, instagram, et votre site internet. Et puis l'opportunité nous sera certainement donnée de nous revoir !
Avant de nous quitter, Alix me fait part d'une publication récente : "Confidences" dont le premier numéro est sorti à l'automne sur Angers. Elle est à l'initiative de Thomas MILLOT et Pascal GUIRAUD qui ont décidé de mettre en lumière des femmes dont les portraits sont absolument saisissants. Alix nous y dévoile tout un tas d'autres "Confidences".
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