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2020-01-11T07:00:00+01:00

Rivage de la colère de Caroline LAURENT

Publié par Tlivres
Rivage de la colère de Caroline LAURENT

Les Escales

Après « Et soudain, la liberté », un livre écrit à quatre mains avec Evelyne PISIER, Grand Prix des Lycéennes Elle, Prix Marguerite Duras et Prix Première Plume, Caroline LAURENT s'invite dans cette rentrée littéraire de janvier avec  « Rivage de la colère », un roman historique bouleversant, un coup de coeur, tout simplement, l'occasion d'un clin d'oeil à l'équipe de la Librairie Richer.

Tout commence avec une conversation établie par un fils avec sa mère, que l'on soupçonne disparue. Il lui rend compte de sa mission, de son combat, et d'un aboutissement que l'on comprend imminent. L’heure est grave, rendez-vous est donné à la Cour de Justice Internationale de La Haye. L’instant d’après, nous sommes en 1967 au nord de l’océan Indien. Marie-Pierre Ladouceur dite Marie vit sur l’île Diego Garcia avec sa fille, Suzanne, et toute sa famille. Elle travaille au coprah, la production de noix de coco. L’île est administrée par les Anglais. Marcel Mollinart est administrateur. Un tout jeune garçon, Mauricien, Gabriel, débarque sur l'île, il est recruté pour être secrétaire. Entre Marie et Gabriel commence une histoire d’amour. Après quelques mois, Marie est enceinte. Elle donne naissance à un garçon, Joséphin, bien noir, bien fort, qui ne laisse présumer d’aucun métissage. Le vent de la décolonisation souffle sur l’archipel mais c'est sans compter sur un "arrangement" préalable entre puissants. Alors que l’île Maurice accède à son indépendance en 1968, celle de Diego Garcia reste dans le giron britannique sous le statut de British Indian Ocean Territory. Elle a été monnayée, comme l'existence de ses habitants, trois millions de livres. Et pour en faire quoi ? Une base militaire américaine ! Mollinart a bien essayé de séduire les foules pour un départ volontaire vers l'île Maurice mais tous n'y succomberont pas. Marie tient a sa terre d'origine, elle tient à sa dignité aussi. La pression s'organise alors jusqu'à la déportation manu militari des Chagossiens. Marie se retrouve dans la cale d’un navire avec sa fille, malade, son fils, et quelques menus effets personnels. Une nouvelle vie commence alors.

Caroline LAURENT est une formidable conteuse. Elle nous offre une épopée éminemment romanesque avec le personnage de Marie dont les aventures, y compris amoureuses, sont tumultueuses. Elle nous dresse un portrait de femme haut en couleur, de ces femmes libres que rien ne saurait arrêter, pas même les hommes. Enfant, elle ne supportait pas les chaussures, les brides, les liens, elle allait et venait pieds nus ! 


Le courage est l’arme de ceux qui n’ont plus le choix. P. 17

Le personnage de Gabriel n’en est pas moins bouleversant avec une mère décédée alors qu’il n’était qu’un enfant, un père focalisé exclusivement sur son fils aîné, un ignoble personnage usant de son pouvoir, abusant aussi. 

Quant à l’amour, impossible, entre un Mauricien et une Chagossienne, il n’en fallait pas plus pour nous captiver et nous tenir en haleine de bout en bout de ces 400 pages.

Mais ce qui m’a fascinée le plus dans ce roman, c’est aussi et surtout qu’il s’inspire d’une histoire vraie, celle d’un peuple sacrifié par des hommes que l'on dit grands de ce monde ! Dans la démarche de Caroline LAURENT, il y a la volonté de porter au grand jour une page de l'Histoire, de rendre publics des faits, méconnus. 


J'accuse le silence qui entoure depuis trop longtemps notre drame. Il est temps aujourd'hui de faire tomber les masques. P. 127

Dès les premières lignes, j’ai ressenti la force d’un propos au service d’un peuple exilé, arraché à sa terre, pour que justice lui soit rendue. Prêter sa plume aux Chagossiens est devenu pour elle :


Comme une nécessité... P. 292

L'écrivaine égrène les années 1967-1975 comme autant de souvenirs d'une tragédie humaine et pose le mot "déportation" pour qualifier le déracinement de ces hommes et ces femmes, ces enfants aussi, de leur terre. C'est aussi les modalités de leur "accueil" qui sont dénoncées. Reclus aux confins de la ville, le ghetto n'était rien de moins qu'un bidonville où régnaient la misère et un grand dénuement !


Le passé ne se change pas, tout au mieux il s’affronte. P. 193

Au fil du roman, j'ai senti se propager en moi une violente colère, une de ces rages que seules les dernières pages m'ont permis d'apaiser.

Avec "Rivage de la colère", l'autrice explore les sujets de l'identité, de l'indépendance, de la mémoire. 

Caroline LAURENT mêle astucieusement et avec un immense talent la fiction à la réalité. Par le jeu de l'écriture et l'alternance des narrations, elle trace le sillon de la reconnaissance des droits de tout un peuple, peut-être la voie de la justice...

Caroline LAURENT, c'est aussi une très belle personne, de ces femmes profondément généreuses qui offrent leur plume pour donner de la voix à ceux qui n'en ont pas. Elle nous livre un roman engagé. Si aujourd'hui, à la lumière de l'instrumentalisation d'un peuple, de son exil contraint et forcé, de son arrachement à sa terre, au profit de stratégies géopolitiques abjectes, il nous est facile de choisir notre camp, pour l'écrivaine, le combat des Chagossiens, qu'elle a fait sien, est beaucoup plus fort. Franco-Mauricienne, Caroline LAURENT entretient une relation personnelle avec ces territoires. On comprend aussi pourquoi elle y a mis tout son coeur et nous livre aujourd'hui un roman intime et émouvant. Elle a puisé dans ses propres racines et son parcours personnel la puissance des mots  qu'elle a posés sur l'indicible.

Quand j'ai choisi le graffiti de Banksy pour orner mes coups de coeur de l'année, je ne savais pas qu'il illustrerait à merveille l'itinéraire des Chagossiens : "There is always hope". C'est aussi par ces mots que s'ouvre le roman :


Ce n'est pas grand chose, l'espoir. P. 15

Et s'il n'y avait pas de hasard dans la vie...

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commentaires

K
Je n'ai pas lu le roman précédent écrit à 4 mains. Celui-ci me tente beaucoup.
Répondre
T
Je pense que tu peux te laisser séduire Krol. Bon dimanche à toi ????

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