La nécessité n’allège pas l’horreur du geste. P. 40
Elle nous fait toucher du doigt aussi les aléas de leur santé psychique, la force de caractère dont il faut faire preuve chaque matin pour surmonter les obstacles qui ne manquent pas de se présenter dans la journée, et puis tout ce qu’il faut d’ingéniosité pour contrer les lois de la gravitation.
Appareiller, il l’enseigne, c’est tenter de rapprocher les mouvements extérieurs des mouvements intimes, raccorder le désir et la technique. P. 114
Mais, bien sûr, le défi n’aurait pas été suffisant à relever pour Valentine GOBY qui déroule comme un tapis rouge le handisport comme la voie de la résilience, celle qui permettra d’espérer un retour à la dignité humaine. Monter sur la plus haute marche d’un podium devient rapidement l’objectif à atteindre. Pourquoi se contenter du plaisir offert par le sport, du bien-être, quand il peut vous apporter une reconnaissance, nationale, internationale, quand il peut vous faire devenir un champion ?
Par le jeu de l’écriture, Valentine GOBY fait se croiser le destin de François, un personnage de fiction, avec celui de celles et ceux qui se sont battus pour qu’ aujourd’hui les disciplines sportives para-olympiques soient ce qu’elle sont. L’écrivaine assure la mémoire de Ludwig GUTTMANN, juif allemand, exilé en Angleterre, qui, dans les années 1930, est à l’origine du projet de pratiquer du sport après une blessure de guerre. En 1948, quand commencent les Jeux Olympiques de Londres, à l'hôpital de Stoke-Mandeville, il lance des jeux pour paraplégiques. Elle rend hommage à l'Amicale sportive des mutilés de France créée le 7 mai 1954, c'est la première association française de handisport. Ce roman est non seulement le travail d’une plume éminemment prodigieuse mais c’est aussi une masse colossale de recherches pour retracer notre Histoire, celle d’une certaine forme de différence qui finit par susciter les applaudissements d’une majorité médusée devant les records battus par des hommes et des femmes.
L’opportunité est plus belle que la nécessité, elle admet l’espérance en plus de l’instinct, le pari que la mutation incarne une chance et non une planche de salut. P. 156
J'ai beaucoup aimé aussi dans ce roman, l'éloge du travail artisanal, celui des couturiers. C'est tout en beauté et en sensualité qu'elle nous dévoile un univers professionnel hors du commun, là où se côtoient les matières, là où la précision et la finesse des actes sont rois. Un petit joyau qui pourrait susciter des vocations...
n ajuste des aubes et des robes anciennes, on coud du blanc, les tissus crissent et moussent comme une eau de torrent, tulle, crêpe, organdi, mousseline, satins, dentelles et soies doux et frais à la vue, au toucher. P. 73
Enfin, elle consacre des pans entiers à la nature comme la source d'un renouveau, celle qui peut permettre à des hommes et des femmes de se reconstruire, d'y puiser la force, l'énergie, la puissance d'affronter ce qui les assaille. C'est elle aussi qui suscite la méditation par la voie de l'observation. Elle loue la nécessité d'oublier le temps qui passe pour s'imprégner du silence, se poser et REGARDER.
Il voit à ras de sol, lichens qui tracent sur la roche d’étranges continents, bouquets de gentianes bleu vif à calice renflé, parterres de myrtilles et de fraises des bois, carlines aux pétales d’argent. P. 121
Je sors de cette lecture profondément émue. Si je me suis plongée tête baissée dans l'itinéraire de François, j'ai aussi pleuré toutes les larmes de mon corps sur ce roman. Il y a des moments d'une éblouissante émotion. Je pense notamment aux lectures assurées par l'infirmière, Nadine, des lettres de la mère de François, empêchée de voir son fils. Il y a aussi les passages consacrés à Sylvia, la soeur de François, qui va mettre tout son coeur à nourrir un ficus effeuillé pour assurer sa survie, jolie métaphore du corps de son frère.
Valentine GOBY, une nouvelle fois, nous livre un roman d'une densité extraordinaire. Il est incroyablement lumineux !
Enorme coup de coeur. Une nouvelle fois, le graff de Banksy accompagne merveilleusement bien ce roman, "There's always hope" !
commentaires