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2019-09-17T06:48:48+02:00

Opus 77 d’Alexis RAGOUGNEAU

Publié par Tlivres
Opus 77 d’Alexis RAGOUGNEAU

Viviane Hamy

Alexis RAGOUGNEAU, je ne connaissais pas sa plume, honte sur moi, d'autant que son dernier roman faisait partie de la sélection pour le Prix Goncourt 2017. Bref, je ne connaissais pas, vous peut-être non plus, mais très sincèrement, ne passez plus à côté, réjouissez-vous de la découvrir. Alors, pourquoi pas avec "Opus 77".

Tout commence lors des funérailles de Claessens, bien connu en sa qualité de Chef d'Orchestre de la Suisse romande. Sa fille,  Ariane s'installe au piano. Soliste internationale d'un peu plus de 25 ans, elle s'apprête à jouer la marche funèbre pour honorer son père. Elle surprend l'assistance en faisant résonner, dans la basilique, les premières notes de l'Opus 77, le concerto du compositeur russe, Dimitri CHOSTAKOVITCH. La présence de la famille de Claessens se résume à celle d'Ariane. Son frère, David, de 2 ans son aîné, n'est pas présent. Pourquoi ? C'est là que commence réellement toute l'histoire.  

Il y a une libraire (qui se reconnaîtra) qui dit qu'à chaque rentrée littéraire, elle a besoin de lire un roman des éditions de Minuit. Si je suis d'accord avec elle, j'opte personnellement aussi pour les éditions Vivane Hamy. L'année dernière, j'avais découvert "Hôtel Waldheim" de François VALLEJO. Si je vous en parle, c'est parce que cette année, j'ai sombré dans la même atmosphère, je m'en suis imprégnée et l'ai savourée.

Dès les premières lignes, Alexis RAGOUGNEAU fait du lecteur un spectateur, un voyeur pourrait-on dire. Devant lui, s'étalent les lambeaux d'une vie de famille. Je ne vous en dirai pas beaucoup plus pour ne pas déflorer l'histoire, c'est là tout le suspens du roman ! Simplement vous dire toutefois que le froid qu'inspire la première scène, celle du dernier hommage rendu au père, va vous glacer le sang.

Mais, pour que vous ne redoutiez pas de lire "Opus 77", parce que c'est un roman puissant que je vous conseille absolument, je voudrais vous parler de musique. Alexis RAGOUGNEAU en fait quasiment un personnage du roman. Elle habite la famille qu'elle a inoculé sur deux générations. Le père s'est marié avec une jeune femme d'origine israélienne, Yaël, de 20 ans sa cadette. Elle était soprano. Quand lui a gravi les échelons, elle est descendue aux enfers. Leurs enfants, bercés à longueur de journée par les notes de musique qui rythmaient leur quotidien, se sont orientés, bon gré mal gré, eux aussi vers cet univers. Mais plus que ça, Alexis RAGOUGNEAU nous fait toucher du doigt les exigences de l'élitisme. Le Chef d'orchestre se doit d'être le leader de toute une équipe, ô combien hiérarchisée. L'art dans ce qu'il a de plus grand. L'écrivain explore l'abnégation rendue nécessaire pour atteindre les sommets. Sur cette voie, certains s'y épanouissent, d'autres y dépérissent.


La concurrence est féroce. La somme de travail phénoménale, le don de soi total, obligatoire, sine qua non. P. 22

J'ai été fascinée par la puissance de la musique, le pouvoir d'enivrement, la jouissance et l'abandon de soi qu'elle procure :


Le paradoxe de l’interprétation est que la façon la plus directe de communiquer avec le public est d’oublier son existence. P. 177

Mais outre la musique, ce qui m'a captivée dans ce roman, ce sont les relations établies entre les membres de la famille. Il y a le père et le fils qui se livrent une guerre sans merci. 


Mais David ne participe pas à la même bataille. Il n’est pas là pour gagner une compétition. C’est son existence d’homme, le passage de l’adolescence à l’âge adulte, qui se joue ; et s’il faut lui en trouver un, c’est bien ce monsieur au frac noir, celui qui dirigera l’orchestre dans un instant, qui fait office de rival. P. 206

Il y a le père et la fille aussi. Alors même que le père misait sur le garçon, l'aîné de surcroît, sur qui il exerçait une telle pression, à la vie à la mort, c'est finalement la fille qui excelle dans le registre musical, celle qui a passé son enfance aux pieds de ses parents jouant du piano, celle à qui le père vouait une certaine indifférence sans jamais rien exiger d'elle, celle en qui personne ne croyait et qui s'est forgée une personnalité dans l'ombre de tous. Aujourd'hui, c'est elle qui est dans la lumière, une belle leçon de vie et un merveilleux sujet à méditer que l'éducation de nos chères têtes blondes. Sur le chemin de l'égalité garçon fille, il nous reste encore quelques étapes à franchir !

Le personnage d'Ariane, devenue adulte, est tout à fait fascinant. Il n'y a pas de demi mesure dans tout ce qu'elle entreprend, une vie guidée par la passion que rien ne saurait plus arrêter. Il est effrayant aussi dans ce qu'elle a d'asocial, inaccessible, insensible, que l'homme ne saurait satisfaire dans ce qu'il a de plus humble et modeste. 

Ce roman est puissant par l'atmosphère qu'il propose et dans laquelle est plongé son lecteur,  condamné, lorsqu'il a commencé la lecture de L'Opus 77, à le lire d'une traite, en apnée totale. Il est absolument remarquable aussi pour la qualité de la plume. Assurément, un très grand roman de cette #RL2019.

Et pour que la boucle soit bouclée, quittons-nous en musique s'il vous plaît avec "Opus 77".

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