Sorj CHALANDON est homme de coups de maîtres. Je me souviens de la lecture de ses derniers romans : "Le quatrième mur", "Le jour d'avant".
Dans "Une joie féroce", son style n'a pas pris une ride. Quelle claque !
Quatre femmes sont à bord d'une voiture et s'apprêtent à commettre un acte... irréparable. Jeanne fait partie du complot, c'est la narratrice. Avec Brigitte, Mélody et Assia, elles forment une sorte de communauté. Malgré leur différence d'âge, leurs origines, un point commun les rassemblent : le cancer. C'est dans la salle d'attente de l'hôpital qu'elles ont fait connaissance. Jeanne n'était pas accompagnée, Matt disait ne pas pouvoir le supporter. Elles se sont caressées du regard, se sont effleurées des mains, ainsi est née une forme de complicité, de ces relations qui deviennent avec le temps plus fortes que tout. Alors de là à imaginer réaliser un braquage toutes ensembles, il n'y a qu'un pas, non ?
Ce roman est l'un des premiers de cette rentrée littéraire à sortir en librairie et sur celui-là, je ne vous en dirais pas beaucoup plus, si ce n'est qu'il s'agit d'une tragédie, d'une histoire de femmes dont les jours sont comptés mais qui relèvent le défi de RESISTER avec héroïsme, à la vie, à la mort.
J'ai beaucoup aimé tous ces passages sur la puissance de leur connivence, une relation établie entre des femmes à un moment de leur vie où elles cumulent les fragilités. Il y a quelque chose de très beau dans l'amitié, voire l'amour, qui les unit. Il y a aussi cette formidable bouffée d'espoir qui les anime dans l'urgence à VIVRE.
Deux femmes frappées par le cancer qui chantaient à la vie. Elles n’avaient plus de temps à perdre. P. 120
Il y a les effets des traitements aussi, les chimiothérapies qui réduisent leurs forces à néant, leur font perdre leurs repères, physiques, psychologiques, les relations d'avant qui se distandent les plongeant dans l'immense tristesse de la solitude. Sur tous ces maux, Sorj CHALANDON pose des mots d'une profonde sensibilité, décrit les réalités du quotidien de ces femmes condamnées à affronter seules leur condition, les séjours à l'hôpital comme autant d'événements rythmant désormais leur vie. A travers leurs échanges , l'auteur met le doigt sur ce qui fait mal, ces petites phrases qui habituellement sont sans conséquence mais qui, là, trouvent un écho insupportable. Au début, elles répondent avec simplicité
Je n’étais pas courageuse, je résistais. P. 145
mais c'est dans le terreau du regard des autres, de tout un tas de maladresses de l'environnement familial, amical... qu'une certaine forme de violence va naître, lentement se développer, croître, pour un jour s'exprimer, se lâcher ! A quatre, les forces seront décuplées, ces femmes, on ne les arrêtera plus.
Sorj CHALANDON est un formidable conteur. Ses histoires sont rocambolesques à l'envi. Si les personnages ont l'apparence de Monsieur et Madame tout le monde, c'est pour mieux tromper "l'ennemi", nous prendre par surprise, dérouler le fil d'itinéraires hypothétiques au service d'un scénario savamment orchestré. Une nouvelle fois, chapeau !
Vous voulez connaître les premières lignes ? Un simple clic suffit !
commentaires