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2019-07-30T06:00:00+02:00

La vie parfaite de Silvia AVALLONE

Publié par Tlivres
La vie parfaite de Silvia AVALLONE

Liana Levi
Traduit de l'italien par Françoise BRUN

Cet été, je me suis fixée l'objectif de réduire la PAL si gentiment mise à disposition par ma fille. Que des coups de coeur, m'a-t-elle dit, impossible de résister bien sûr !

J'ai commencé avec "La vie parfaite" de Silvia AVALLONE. De cette auteure, je n’avais encore rien lu, une très belle découverte.

« Une vie parfaite » s’ouvre sur une scène d’accouchement. Adèle a tout juste 18 ans, la séparation avec le bébé, qu’elle a porté et qu’elle a dénommé Bianca, est imminente. La sage-femme lui accorde quelques minutes d’intimité, seule à seule, avec sa fille née sous l’anonymat. Elle a décidé de garder le bébé malgré que Manu, actuellement en prison, l’ait abandonnée quand elle lui a appris sa grossesse. Elle vit avec sa mère, Rosaria, et sa sœur, Jessica, dans leur appartement des Lombriconi, une cité de l'autre côté du périphérique. Son père est aussi en prison. Chez eux, il n’y a pas assez à manger pour trois, alors pour quatre, c’est impossible. Adèle s’est résignée à cette décision d'abandonner son bébé. Dans la ville centre, une autre femme, Dora, vit, elle, obsédée par le souhait d’enfanter. Mariée depuis plus de six ans avec Fabio, elle est professeure d’italien. Ils font partie de celles et ceux qui semblent avoir tout pour être heureux et pourtant, il leur manque ce qu'il leur paraît l’essentiel, un enfant. Dora enchaîne les FIV sans qu’aucune ne réussisse. Chaque fois, leur vie devient un cauchemar avec la réapparition de ces sempiternelles règles. Aujourd’hui, elle est au tribunal avec Fabio, il y est évoqué l'avenir d'un garçon Rom de 8 ans, une décision les attend.

À travers ces deux itinéraires de femmes, l’auteure explore le sujet de la maternité et donne à voir des parcours d’êtres torturés, malheureux à en crever. Adèle est emprisonnée dans la misère que la grossesse vient aggraver


Peut-être un acte de foi, comme avoir un enfant et l’élever, accepter le défi de son avenir, était-il un acte de courage. Presque révolutionnaire. P. 203

Dora, elle, est hantée par ce corps qui refuse de se soumettre à son plus grand désir. A travers ces deux personnages, Silvia AVALLONNE dresse deux portraits de femmes de personnalité, toutes les deux font preuve d'une certaine forme de résistance, au service de leur propre LIBERTE. A l'aune du XXIème siècle qui augure de dimensions familiales plurielles, ce roman vient nourrir des réflexions autour du désir, ou non, d'être mère, et des choix possibles qui s'offrent aujourd'hui aux femmes. Un sujet à méditer, assurément !

Avec ces deux femmes, ce sont aussi deux univers, deux formes d’urbanisation qui conditionnent la vie des gens qui y habitent. 


Il avait lu quelques pages de Marx et savait que les objets contiennent le travail des hommes, que le temps, que les injustices, les souffrances innervent les matériaux comme jusque dans leurs atomes. Il se rendait compte que Dora, en regardant ces meubles, lisait sa vie. Les gens trahissent et dissimulent, les objets non. P. 141

On ne naît pas tous égaux. Dans ce roman Silvia AVALLONE évoque le déterminisme territorial. Elle imagine un quartier périphérique de la ville de Bologne

La vie parfaite de Silvia AVALLONE

et y projette ce qu'elle croît savoir de l'exclusion, de la misère sociale, financière, culturelle, de ces lieux où le deal fait la loi. 


Rues chics, immeubles chics, ce chic qui appartenait aux autres. Pour elle, le périphérique, le béton, les gosses à moto aux yeux durs qui lui rappelaient Manuel, son Manuel, irrémédiablement perdu. P. 332

Elle le confronte aux réalités des beaux quartiers, là où le matériel est roi. 

Alors que tout semble séparer les deux communautés, Silvia AVALLONE tend judicieusement un fil. Et si dans chaque lieu une même question existentielle taraudait les esprits : De quoi serait faite "La vie parfaite" ? 


Le subjonctif, c’est le mode du possible. Du désir, du doute, d’une autre solution. Si tu ne t’en sers pas, tu ne peux pas te les représenter. P. 340

Une question éminemment philosophique à laquelle vous avez certainement une réponse toute faite. Mais c'est sans compter sur l'écrivaine et sa volonté de brouiller les cartes. Loin d’elle l’idée de proposer un texte stigmatisant, Silvia AVALLONE convoque un personnage, Zeno, un jeune garçon qui vient déstabiliser l’équilibre presque parfait d’une société italienne clivée. Voisin d’Adèle, passionné de littérature, bon garçon, il offre une parenthèse à la jeune femme et l’aide à s’émanciper du moule dans lequel elle se croit condamnée.

La plume est fluide, haletante. Silvia AVALLONE plante deux décors angoissants qui prennent le lecteur à la gorge. Ensuite, il n'y a plus qu'à se laisser porter par le talent de l’auteure sur des chemins insoupçonnés qui vous guideront jusqu'à des chutes (il y en a deux !) tout à fait éblouissantes. Une fois le livre refermé, vous pensez que vous saurez tout de l'histoire, ça ne sera finalement que le début !

Merci Caroline de cette très belle référence.

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