Tout commence avec l'exposé de Livio, un élève de terminale, en cours d'histoire. Le sujet : les autodafés. Le jeune homme choisit d'explorer l'itinéraire de Magnus HIRSCHFELD à l'initiative de la création de l'Institut de sexologie en 1919 à Berlin en Allemagne, un homme avant-gardiste mais comme le dit le proverbe : "Nul n'est prophète en son pays". Magnus HIRSCHFELD s'attirera les foudres du parti nazi avec sa bibliothèque, ses consultations et autres conférences à l'attention notamment des homosexuels. Livio, lui, a quelque chose de très personnel à dévoiler à sa petite amie, élève de la classe, aux autres lycéens, et puis, à la terre entière.
Brigitte GIRAUD dresse un portrait croisé de deux hommes qui, à un siècle d'écart, tiennent un propos en faveur de l'homosexualité.
Ce roman honore aussi la mémoire d'un homme, Magnus HIRSCHFELD, méconnu de tous ou presque. Il y a plusieurs manières d'aborder l'Histoire, personnellement, j'opte pour la littérature qui peut inlassablement réécrire les événements. Alors qu'il a peut-être évoqué dans mes cours de lycée, qui datent un peu c'est vrai, là, je suis persuadée qu'il va rester encré dans ma mémoire à jamais. Certains diront qu'il s'agit d'un roman, certes, et alors ? Même si quelques éléments relèvent de l'imaginaire de l'écrivaine, elle s'est inspirée de faits réels, très documentés, qui donnent à voir l'oeuvre de Magnus HIRSCHFELD
Mais cette justice-là qu'évoquait Magnus HIRSCHFELD était tout autre, cette "justice grâce à la connaissance" n'avait qu'un but : faire admettre ce qu'il essayait de démontrer scientifiquement avec les membres de son comité, à savoir le caractère inné de l'homosexualité, et par là même espérer faire disparaître l'hostilité à son égard. P. 42
et l'ignominie du régime nazi à l'égard des minorités.
Avec "Jour de courage", Brigitte GIRAUD tient un propos militant à l'égard du pouvoir des livres et le risque grand de les voir instrumentalisés par les régimes dictatoriaux. Ils sont la première arme de guerre contre le despotisme, à nous de nous en saisir ! Les livres qui sont une fenêtre sur le monde nécessitent aussi d'être protégés becs et ongles contre toute forme de pouvoir arbitraire on ne le répétera jamais assez.
Là où l'on brûle les livres, on finit par brûler les hommes, citation tirée de la tragédie Almansor de Heinrich HEINE.
Confrontée aux faits historiques, il y a aussi une affaire personnelle. Par le biais de l'exposé scolaire, procédé ingénieux, Livio fait son coming-out devant une classe médusée. Il interroge, provoque, invite à la méditation. C'est avec ce type de roman que l'on fait évoluer le regard de notre société sur l'homosexualité, la littérature sert aussi à se construire soi-même, à grandir tout simplement.
La plume de Brigitte GIRAUD est percutante, ciselée et tranchante. Elle nous livre un roman à mettre dans toutes les mains pour assurer la mémoire de Magnus HIRSCHFELD et à travers lui, éclairer une page de notre Histoire qui malgré son centenaire n'a malheureusement pas pris une ride.
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