A l'invitation de Dis_moi_10_phrases de lancer un Cycle de l’été autour des Premiers romans j'ai dit oui, je poursuis donc mon petit bonhomme de chemin.
Après les « Giboulées de soleil » de Lenka HORNAKOVA-CIVADE et "Une bouche sans personne" de Gilles MARCHAND, voici "Fugitive parce que reine" de Violaine HUISMAN chez Gallimard.
Il était en lice, en 2018, pour le Prix France bleu_Page des libraires pour lequel j'ai eu la chance d'être jurée. Il n'a pas gagné mais il faut dire que la concurrence était terrible avec :
"La chambre des merveilles" de Julien SANDREL
"Le théâtre de Slávek" de Anne DELAFLOTTE MEHDEVI
"Kisanga" de Emmanuel GRAND
et
"Un océan, deux mers et trois continents" de Wilfried N'SONDE, le lauréat.
Il a ensuite fait partie de la sélection des 68 Premières fois, les fées ne pouvaient passer à côté de ce petit bijou !
Ce roman, autobiographique, je m’y suis plongée, tête la première, je suis tombée en empathie pour l’écrivaine dès les premières lignes du récit. L’enfant qu’est Violaine HUISMAN porte un regard sur la grande Histoire comme la petite, les deux lui échappent littéralement. Alors, comme un instinct de survie, elle et sa soeur vont développer une relation fusionnelle. Elles apprendront à garder leur maman en secret quand elles seront chez leurs grands-parents. Là-bas, tout n'est que bonheur à la condition de ne pas citer son nom. Elles affronteront ensemble aussi les sursauts de colère de leur mère proclamant haut et fort ses limites :
Je suis un être humain et je fais ce que je peux, je fais comme je peux. P. 41
Le modèle patriarcal avec une autorité parentale concentrée dans les seules mains du père assigné au rôle de chef de famille a explosé en plein vol en 1968. Cette année marque de son empreinte cette famille tout particulièrement. Elsa a un an, Violaine naîtra l’année suivante. L'environnement est en pleine mutation, il devient interdit d'interdire, c'est aussi la période de l'émancipation du corps. Violaine HUISMAN brosse le portrait d'une femme en quête de liberté, portée par un mouvement sociétal, d'une mère aussi qui cherche ses repères, qui navigue entre l’éducation qu’elle a reçu de sa propre mère, voire de sa grand-mère, et celle qu'elle aimerait donner à ses filles mais que la maladie mentale vient incessamment perturber. J'ai été bouleversée devant l'acharnement de cette mère à vouloir tenir le cap, coûte que coûte :
Il fallait à tout prix qu’elle reste mère, qu’elle ne perde pas ça. P. 25
J'ai été profondément attendrie par la manière de chacune des deux filles à SURvivre dans cette famille chahutée par une vie quotidienne perturbée. Violaine HUISMAN montre la dimension plurielle de la relation fille/mère. La fratrie est composée d’êtres singuliers qui inter-réagissent avec les comportements de l’adulte. Violaine, elle, est animée par un souffle de générosité, de bienveillance et de sérénité. Ses actes sont dictés par cette volonté de toujours faire plaisir, rendre sa mère heureuse. Sa soeur, elle, se nourrit de ses débordements et lui répond avec fougue et violence.
Maman et ma sœur s’aimaient comme des sauvages, elles se seraient entretuées pour se le prouver. P. 40
Ce roman aurait pu être sombre, triste, mélancolique, il est au contraire profondément lumineux.
La plume de Violaine HUISMAN y est pour beaucoup. Elle est éblouissante, poétique, pleine d'innocence et de candeur, ainsi quand elle décrit sa représentation de la maladie mentale de sa mère :
Le foyer de maman était un âtre, elle y faisait feu de tout bois pourvu qu’y règnent l’ardeur des sentiments, la chaleur brûlante de sa foi en l’âme humaine. P. 82
Aussi parce que ce roman est une fabuleuse leçon de vie. Il y a dans le combat de cette mère quelque chose d'une force inouïe qui nous invite, tout simplement, à vivre passionnément.
Il y a des coups de coeur, il y a aussi des lectures coup de poing, celle-ci en fait partie. Ce premier roman m'a émue intensément, il m'a fait vibrer, c'est peut-être ça, EXISTER !
J'attends avec beaucoup d'impatience la sortie de son second roman annoncée le 22 août prochain, chez Gallimard toujours : "Rose désert".
En attendant, vous pouvez toujours opter pour la version poche des éditions Folio.
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