Il y a des romans qui se lisent à l'allure d'un sprint en course à pied, à l'image d'Arcanes Médicis de Samuel DELAGE, La Vraie Vie d'Adeline DIEUDONNE, Le baiser de Gustav de Martine MAGNIN... et d'autres à l'allure d'un marathon, comme le dernier de Philippe de la GENARDIERE, fait de petits pas, inscrit dans l'endurance !
Adelphe quitte Paris pour la mer Méditerranée, Port-Venelles très exactement. Là aussi (cf. "Fuite(s)" d'Anna COSTA), une est question d'une fuite, d'une quête. Editeur, son quotidien a longtemps été fait de mots, de la fiction aussi. Il a connu un premier amour pour une danseuse décédée d’une leucémie et puis sa vie a basculé avec la passion amoureuse pour Maïsha, une parisienne née d’une mère sénégalaise et d’un père inconnu. Avec elle, il a connu l'amour fou, et puis la rupture, douloureuse à en mourir. Aujourd'hui, il se fait vieux et se laisse séduire par l'attrait de l'eau. Il offre son dernier bain aux divinités ! Maïsha, elle, s'est laissée séduire par l'homme blanc, celui-là même qu'elle rend coupable de l'esclavage de ses ancêtres, celui dont l'esprit de domination la révulse. Elle a une revanche à prendre, elle et son peuple, à la vie à la mort...
Ce roman, je l'ai dit, fait partie de ceux qui nécessitent une disponibilité d'esprit, de temps aussi. Si j'aime lire souvent avec frénésie, j'apprécie aussi parfois d'avancer lentement dans l'histoire, de m'immerger patiemment dans le contexte, l'âme du personnage. Avec Adelphe, et dans la toute première partie, j'y ai savouré le plaisir des livres. Il vit sa vie par procuration au gré des aventures que lui proposent les livres, une vie de lecteur, non ? Le rapport au livre a ce petit quelque chose de merveilleux...
L’odeur du papier, son toucher, c’est ce qu’avait tout de suite aimé Adelphe dans les livres, un objet qu’on tenait dans la main et qui ouvrait grandes les fenêtres du monde. P. 19
J'ai aimé découvrir les états d'âme d'Adelphe, sa quête personnelle, sa façon très singulière d'imaginer son avenir. Attiré par les Dieux, il m'a fait penser, lui et Maïsha, à l'astrologie et à ses références aux éléments. Il y a l'eau qui symbolise les émotions, les sentiments, souvent associée à des personnes rêveuses, imaginatives, et puis, il y a le feu qui brûle, généralement associé à des personnes animées par la fougue, la colère, le désir de conquête, des tempéraments volcaniques quoi. Dans ce roman, les deux personnages sont décrits comme des êtres diamétralement opposés mais il arrive que les contraires s'attirent... pour le meilleur et pour le pire !
Ce roman, il m'a plus aussi pour l'exploration de la maladie mentale, le traitement du patient, le pouvoir des médicaments sur les êtres qui, avec eux, perdent de leur dimension humaine. Dans la 3ème partie, nous sommes entre l'illusion et la lucidité, le rêve et la réalité, le lecteur navigue entre les possibles jusqu'à la chute, un coup de maître.
"Mare Nostrum", c'est une expérience littéraire qui se construit autour des parcours initiatiques d'Adelphe et Maïsha, j'ai aimé les accompagner dans leurs cheminements intérieurs.
C'est assurément un livre singulier, exigeant, qui mérite toutefois que l'on y porte attention. Il m'a aussi permis de découvrir la plume de Philippe de la GENARDIERE, un résident de la Villa Médicis de 1984 à 1986 (l'occasion d'un petit clin d'oeil à Samuel DELAGE, depuis que j'ai lu son dernier roman, je vois la villa partout !), et rien que pour ça, je vous le conseille.
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