Recevoir une enveloppe inconnue dans sa boîte aux lettres, y découvrir un roman, s’interroger sur celui ou celle qui se cache derrière ce cadeau et puis faire le lien... un immense merci Charlotte, « Les miroirs de Suzanne » de Sophie LEMP m’ont profondément touchée, je suis encore sous le charme.
Tout commence avec une scène terriblement déstabilisante. Suzanne s’absente de son appartement parisien. Quand elle rentre, elle s’aperçoit qu’il a été visité. Son ordinateur est parti. Après quelques minutes de désarroi, elle se rassure, le disque dur externe sur lequel elle fait des sauvegardes régulières est toujours à sa place. La vie de famille reprend son cours presque ordinaire mais dans la nuit qui suit, Suzanne ne dort pas, elle pense à ses journaux intimes d’adolescente. Elle avait récemment acheté un coffret à clé pour les accueillir. Elle n’a pas pensé à vérifier qu’ils sont toujours là. Quand elle se lève, elle découvre leur disparition. Passionnée qu’elle est des mots, elle se lance dans l’aventure de les réécrire en puisant dans ses souvenirs. Là commence une toute nouvelle histoire...
Ce roman est remarquable dans la façon qu’il a de vous captiver dès les premières pages avec cette intrusion violente dans l’intimité de Suzanne. Ensuite, vous ne le lâcherez plus !
Derrière des cahiers d’une jeune fille en fleur, ce sont des histoires d’amour qui se révèlent, l’effervescence des sentiments, les premiers désirs, les premiers mots, les premiers contacts, les premiers gestes d’une sexualité en devenir... C’est finalement toute l’histoire de Suzanne, sa construction personnelle qui se dessine dans ce qu’elle a de plus subtil, d’inattendu aussi. Suzanne vit au rythme de ses émotions, fortes celles-là, violentes, douloureuses aussi.
Un amour d’adolescente c’est un peu comme une fleur de magnolia, c’est beau, délicat, raffiné, précieux. Et puis avec le temps, très court, les pétales commencent à s’ouvrir, jaunissent, s’étiolent, tombent à terre, sont piétinés par des passants et disparaissent. Mais la réalité, c’est que l’arbre, lui, reste !
Avec ce magnifique roman, Sophie LEMP touche ce qu’il y a de plus sensible. Elle effleure toutes ces réalités qui font qu’un adulte est ce qu’il est. Si j’ai beaucoup aimé découvrir les traces indélébiles laissées par Antoine dans l’esprit et le corps de Suzanne, vivant au gré de la réminiscence des images et qui en dit long sur notre mémoire, ce qui m’a fascinée, c’est le pouvoir des mots.
Il y a ceux qui s’expriment librement, d’autres qui peinent à se laisser apprivoiser, d’autres encore qui sont incapables d’être formulés :
Mais les mots indociles restent coincés dans sa gorge. Pas un son ne sort de sa bouche. P. 103
Les mots sont là comme des révélateurs de ce que l’on vit, ressent, supporte, affronte...
Sophie LEMP en fait un véritable terrain d’exploration et nous brosse un formidable tableau de l’écriture.
Entendre des artistes s’exprimer sur le caractère envahissant, exclusif, de la création lui avait toujours paru étrange, loin de ce qu’elle ressentait. Pour la première fois, elle en faisait l’expérience. P. 105
Mais l’histoire de Suzanne pourrait vous paraître sirupeuse s’il n’y avait celle de Martin, livreur à vélo, qui, menée en parallèle, va insidieusement s’en approcher.
Sophie LEMP dévoile ainsi tout le jeu de sa propre écriture, parfaitement structurée, rigoureusement organisée, rythmée comme un métronome donnant alternativement et systématiquement la voix à Suzanne, et puis à Martin. Toutes deux sont des chambres d’écho, assurent une certaine résonance pour en décupler les effets.
Ce roman est une ode à la lenteur, au besoin de laisser infuser, se délecter. Dans un monde où tout devient urgent, « Les miroirs de Suzanne » nous invitent à méditer sur nos envies, le sens de notre existence aussi.
Je participe au

orchestrée de jolie manière par notre amie Joëlle, retrouvez mes lectures
La mer monte de Aude LE CORFF
Les miroirs de Suzanne de Sophie LEMP
Edmonde de Dominique DE SAINT PERN
D'origine italienne de Anne PLANTAGENET
Anatomie d'un scandale de Sarah VAUGHAN
Vigile de Haym ZAYTOUN
Nous aurons été vivants de Laurence TARDIEU
Médée chérie de Yasmine CHAMI
Personne n'a peur des gens qui sourient de Véronique OVALDE
Le rituel des dunes de Jean Marie BLAS DE ROBLES
Celle qui marche la nuit de Delphine BERTHOLON
La nuit se lève d'Elisabeth QUIN
Ce qui nous revient de Corinne ROYER
Les heures solaires de Caroline CAUGANT Coup de coeur
Etat de nature de Jean-Baptiste de FROMENT
Piano ostinato de Ségolène DARGNIES
et plein d'autres encore !
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