Le tout dernier roman de Aude LE CORFF, vous l'avez lu ?
Non, pas encore ! Et bien, si vous cherchez une bonne action à réaliser aujourd'hui, je crois qu'un passage dans votre librairie préférée s'impose.
Vous ne sauverez pas la planète, ça non, les générations qui vous ont précédées ont lancé un mouvement tel que ses effets sont maintenant inéluctables, mais vous soutiendrez la création littéraire et plus généralement les métiers du livre, chapeau ! Je suis prête à lancer aussi les paris que vous succomberez au charme de la plume de Aude LE CORFF et lirez comme un page-turner l’histoire de Lisa ! Alors, vous êtes convaincu(e) ? Non, pas encore ! Je vous en dis plus.
Lisa vit seule. C'est l'apanage de nombre d'hommes et de femmes qui, aujourd'hui - nous sommes en 2042, préfèrent la solitude aux concessions imposées par la vie commune. Sa santé est suivie à la loupe par toutes les applications et autres microprocesseurs qui ont envahi sa vie, totalement instrumentalisée par les objets qui l'entourent et qui se chargent, pour son bien, de prendre les choses en main. Les drones et autres robots font partie de son quotidien et réalisent à sa place des tâches qui ne méritent pas que l'on s'y attarde. Et puis, elle est jeune, elle n'a rien connu d'autre. Les générations d'avant peuvent déplorer la fonte des glaciers, la montée des eaux, mais tout ça fait désormais partie de la mémoire collective. Lisa a quand même un ami, en chair et en os, avec qui elle partage quelques soirées. C'est un peu comme une parenthèse dans ses relations de tous les jours, à croire que côtoyer ses congénères a encore du bon ! Elle en profite pour lui confier ses états d'âme. Lisa, qui semble vivre une vie tout à fait ordinaire, est obsédée par un mal qu'elle traîne depuis sa plus tendre enfance, quelque chose qui lui vrille les tripes, qui la torture dans sa chair. Mais d'où vient ce mal ? Et s'il était perpétué par sa mère, Laure ? Mais là commence une toute autre histoire...
Il y a des destins qui vous happent dès les premières pages d'un roman, celui de l'humanité tel qu'elle pourrait exister en 2042 (non vous ne rêvez pas, c'est dans une vingtaine d'année) fait partie de ceux-là. Pourquoi me direz-vous ? Et bien parce que son portrait est saisissant.
Je me souviens de la lecture (au siècle dernier !) de Globalia de Jean-Christophe RUFIN mais d'aucun ne s'aventurerait aujourd'hui à partager la perspective de l'an 2000 telle que certains d'entre nous ont pu la vivre, au risque de passer pour un vieux démodé sentant la naphtaline.
Non, avec Aude LE CORFF, le scénario est tout autre. Il est tellement plausible qu'on se demande même pourquoi il n'est pas encore là. Imaginez ! Tous ses écrans qui envahissent notre vie, pourquoi ne pas intégrer directement sur notre rétine une petite cellule qui ferait oublier cet accessoire si décrié ? Vous vous attendiez à autre chose ? Les discours sur la réduction du temps hebdomadaire de consultation des écrans auront volé en éclats et seront purement et simplement oubliés pour laisser place à d’autres, plus actuels !
Le propos est ironique, vous l'aurez compris, mais tellement réaliste qu'il réussit à nous faire froid dans le dos. Ce roman est porteur d'un propos militant, assurément, mais pas de ceux largement médiatisés aujourd'hui. Non ! Aude LE CORFF a une longueur d'avance, elle dénonce, elle, l'hypocrisie de tout ce que l'on nous vend pour notre bien-être, assurément !
Elle nous alerte aussi sur l'infantilisation de l'être humain avec tous ces objets qui se substituent aux souhaits de l'homme, cet être faible, qui ne saurait de lui-même utiliser les escaliers plutôt que les ascenseurs pour assurer le nombre de pas quotidiens nécessaires pour lutter contre l’obésité et les accidents cardiovasculaires. Dans le monde tel qu'il est projeté par l'écrivaine, l'ascenseur refusera tout simplement de vous transporter dans les étages !
Et puis, comme une prédisposition à ce qui m’attendait dans ce roman, mon téléphone portable sur lequel je prends désormais toutes mes notes (quand je vous dis que le monde décrit par Aude LE CORFF est déjà là !) avait crû bon de modifier « mer » par « mère », il était dans le vrai ! Là, vous pouvez rire, jaune !
Dans ce roman, l’auteure, habituée à raconter des histoires rocambolesques (souvenez- vous de « L’importun » et de « Les arbres voyagent la nuit ») nous dévoile la vie de Lisa dans ce qu’elle a de plus intime. Les destins de mère et fille s’entremêlent pour laisser se dévoiler lentement failles et blessures.
La cicatrice est encore visible, me rappelant que je ne peux pénétrer l’esprit de ma mère sans en payer le prix. P. 72
Chacune a les siennes mais la mémoire transgénérationnelle fait qu’elles se retrouvent liées, chacune empoisonnée par la toxicité de la relation à l’autre.
Mon corps déjà émettait des signaux douloureux, une oppression qui le quittait rarement au creux de la poitrine et de la gorge, et alors tout me revenait. P. 72
J’ai ressenti jusque dans mes tripes les soubresauts des corps, la douleur des souffrances perpétuées à travers les âges.
Je ne vous en dirai pas plus. Ah, si ! Ne lisez surtout pas la 4ème de couverture, laissez-vous porter par ces quelques lignes, faites moi confiance !
Tous ces destins se côtoient dans un roman où l’alternance des chapitres donne du rythme, tantôt la grande Histoire, l’intérêt général, tantôt la petite, l’intérêt particulier, pour nous livrer une sage philosophie de vie.
Pour continuer à vivre, il faut accepter de ne pas tout comprendre. P. 147
La plume de Aude LE CORFF est juste sublime, elle vous séduira par sa sensibilité et sa puissance. Elle parle de secrets de famille, de tragédies, de souffrances, tout en beauté, et la chute est juste magistrale.
C’est un coup de cœur. Trois romans, trois coups de coeur, je crois que vous pouvez juste l’acheter !
Je participe au

orchestrée de jolie manière par notre amie Joëlle, retrouvez mes lectures
La mer monte de Aude LE CORFF
Les miroirs de Suzanne de Sophie LEMP
Edmonde de Dominique DE SAINT PERN
D'origine italienne de Anne PLANTAGENET
Anatomie d'un scandale de Sarah VAUGHAN
Vigile de Haym ZAYTOUN
Nous aurons été vivants de Laurence TARDIEU
Médée chérie de Yasmine CHAMI
Personne n'a peur des gens qui sourient de Véronique OVALDE
Le rituel des dunes de Jean Marie BLAS DE ROBLES
Celle qui marche la nuit de Delphine BERTHOLON
La nuit se lève d'Elisabeth QUIN
Ce qui nous revient de Corinne ROYER
Les heures solaires de Caroline CAUGANT Coup de coeur
Etat de nature de Jean-Baptiste de FROMENT
Piano ostinato de Ségolène DARGNIES
et plein d'autres encore !
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