Elisabeth QUIN, vous la connaissez peut-être, il s'agit de la présentatrice de l'émission "28 minutes" sur Arte.
Cette femme joyeuse, drôle, règne en chef d'orchestre sur une équipe décomplexée aux manières atypiques d'interviewer les invités. S'ils sont réunis autour d'une table, rien de plus banal, il y a une singularité de ton, empreint d'humour, de bienveillance, mais aussi d'espièglerie dans l'approche de l'humain. Alors, quoi de plus naturel que de s'intéresser, à notre tour, au destin d'Elisabeth QUIN ? Elle souffre depuis 2008 d’un glaucome, une hypertonie oculaire qui détruit lentement mais irréversiblement son nerf optique. C'est un legs de son père comme elle aime à le dire. Dans ce récit de vie, elle nous relate son combat de tous les jours, sa terreur du diagnostic, son besoin de simuler l'aveugle pour se préparer à sa cécité parce que "La nuit se lève", ses tentatives tous azimuts pour stopper l'évolution de la maladie (sa consommation boulimique de confiture de myrtille en référence à la légende des pilotes de la Royal Air Force qui auraient ainsi amélioré leur vision nocturne, ses pèlerinages à Notre Dame de Lisieux bien que non-croyante, ses consultations de l'ethnopsychiatre Tobie NATHAN...). Elle égratigne le monde médical, inhumain, froid, elle remercie les professionnels qui lui ont manifesté une attention particulière, chaleureuse, rassurante. Elle parle de sa relation aux autres, ses proches, son compagnon, sa fille adoptive. Si elle nous confie l'objectif de son livre dans les toutes dernières pages, ironie du sort, elle nous pose aussi cette question, à nous les personnes qui voyons encore : "Assumes-tu d’être un peu voyeur ?"
Je vais répondre tout de suite à la question de l'auteure. Ce récit de vie, de prime abord, a attiré mon attention parce que j'apprécie profondément la personnalité d'Elisabeth QUIN, ce qu'elle dégage dans ses émissions de bonne humeur et de chaleur humaine. Mais je ne suis pas une adepte de la presse people et ce qui m'intéressait beaucoup c'était sa façon à elle d'aborder la maladie, une certaine philosophie de vie, et là, j'avoue être pleinement conquise.
D'abord, Elisabeth QUIN n'a pas écrit ce récit pour que l'on s'apitoie sur son sort, ce n'est pas le genre. Elle profite au contraire de "La nuit se lève" pour donner quelques éléments statistiques méconnus du grand public. 1,7 million de personnes en France sont aujourd'hui atteintes d’un trouble de la vision, la proportion grandissant inlassablement au fur et à mesure de l'allongement de notre espérance de vie. Loin d'être un cas isolé, elle met au contraire le doigt sur un mal qui ronge notre société.
Elisabeth QUIN est érudite, c'est une intellectuelle, une femme cultivée qui va puiser dans ses connaissances historiques, littéraires, artistiques... pour traiter le sujet de sa maladie. Elle cite à l'infini des artistes, des auteurs, souffrant de la même pathologie, mais qui suscitent le beau comme la voie de l'épanouissement personnel.
Ce que j'ai beaucoup aimé dans ce récit de vie c'est l'humour implacable d'Elisabeth QUIN à l'image de cette citation :
Un arbitrage s’opère à la bourse des valeurs sensorielles : l’audition est en hausse, future valeur refuge, tandis que la vue plonge dans le rouge. P. 47
Vous vous surprendrez peut-être à rire en lisant les premières pages du livre où elle explique la guerre qu'elle mène contre une pilosité incroyablement développée, effet secondaire des traitements médicamenteux. Elle se présente comme une femme à barbe, une Mère Noël.
C'est aussi sa manière de poser des questions éminemment philosophiques sur le sens de l'existence. La cécité à venir peut-elle le faire évoluer. Elle parle aussi du désir, sexuel. Est-ce que la vue suscite le désir ? Qu'en sera-t-il une fois la nuit levée ?
Et si nous devions faire nôtre du brin de sagesse qui guide les pas d'Elisabeth QUIN, je retiendrai personnellement cette phrase :
Et se battre avec amour, un authentique amour de soi et de la vie. P. 42
Ce que j'aime plus que tout dans la littérature, c'est ce qu'elle offre comme champ des possibles, les romans par la fiction qu'ils entretiennent, les récits de vie par la réalité qu'ils véhiculent aussi. Je me dis que si un jour, moi ou mes proches, étions atteints d'une maladie semblable, j'aurais le réflexe de (re)lire ou faire lire "La nuit se lève" parce que le parcours d'Elisabeth QUIN est lumineux, il est plein d'espoir et montre à quel point, prendre de la distance peut permettre de conserver son insouciance. Le plume est fluide, émouvante, ponctuée de mille et une anecdotes donnant à voir la richesse de la vie.
Je participe au
orchestrée de jolie manière par notre amie Joëlle, retrouvez mes lectures
La mer monte de Aude LE CORFF
Les miroirs de Suzanne de Sophie LEMP
Edmonde de Dominique DE SAINT PERN
D'origine italienne de Anne PLANTAGENET
Anatomie d'un scandale de Sarah VAUGHAN
Vigile de Haym ZAYTOUN
Nous aurons été vivants de Laurence TARDIEU
Médée chérie de Yasmine CHAMI
Personne n'a peur des gens qui sourient de Véronique OVALDE
Le rituel des dunes de Jean Marie BLAS DE ROBLES
Celle qui marche la nuit de Delphine BERTHOLON
La nuit se lève d'Elisabeth QUIN
Ce qui nous revient de Corinne ROYER
Les heures solaires de Caroline CAUGANT Coup de coeur
Etat de nature de Jean-Baptiste de FROMENT
Piano ostinato de Ségolène DARGNIES
et plein d'autres encore !
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