Après Serge JONCOUR, Yoko OGAWA, Nancy HUSTON, Claudie GALLAY, c'est Anne-Marie GARAT qui vient alimenter cette rentrée littéraire, une plume que j'apprécie tout particulièrement et que j'ai pris plaisir à retrouver.
Anne-Marie GARAT, c'est avant tout une conteuse, une écrivaine qui sait à merveille nous raconter des histoires.
"Le Grand Nord-Ouest", son tout dernier roman, va vous faire voyager à travers les territoires et le temps.
Nous sommes en 1930, à Hollywood, là où les stars dépensent leur fortune dans les soirées mondaines. Lorna del Rio vit dans cet univers. Elle est cowgirl, son mari producteur de cinéma. Lui est retrouvé mort sur la plage le jour de son anniversaire. La veuve n'attendra pas même l'organisation des funérailles pour fuir avec sa fille, Jessie âgée de 6 ans. Parties dans l'urgence, elles n'ont que de modestes bagages mais impossible de ne pas emmener cette sacoche dont Lorna del Rio s'évertue à garder le contenu à l'abri de tous les regards. Un formidable périple commence alors qui les emmènera jusque dans "Le Grand Nord-Ouest" et l'Alaska, un itinéraire sur lequel elles croiseront Kaska, une Indienne gwich'in.
Ce roman, c'est en fait Jessie, devenue grande, qui nous relate son épopée aux côtés d'une mère qu'elle peinait à cerner. Elle changeait d'identité comme de chemise et s'affranchissait des frontières avec une liberté insoupçonnée. Ce roman d'aventure nous livre une histoire que nous aurions pu lire enfants dans un album illustré. Il m'a aussi beaucoup rappelé le genre western aujourd'hui peu présent dans la production cinématographique qui a pourtant bercé toute ma jeunesse.
J'ai adoré, je peux bien le dire, les relations humaines largement explorées par l'auteure, l'interculturalité que revêt cette rencontre improbable entre une pin-up et cette indienne empreinte des traditions de sa communauté. L'auteure met d'ailleurs la focale sur les savoirs de cette indienne gwich'in, une bien belle manière d'assurer la mémoire de ce peuple.
[...] Kaska s’avère agréable compagne, ingénieuse, adroite, la plus experte des cartographes, des cuisinières et des braconnières. P. 128
L'écrivaine nous fait prendre conscience dans "Le Grand Nord-Ouest" de l'importance de la transmission de génération en génération pour assurer la préservation des connaissances.
J’espère qu’ils en transmettront le secret aux petits enfants qui vont apprendre l’arithmétique et la lecture à l’école, et qu’à leur tour ceux-ci le raconteront à leurs enfants par la voie orale, qui perdure hors du temps plus sûrement que l’écrit. P. 284
Anne-Marie GARAT est une écrivaine dont le talent excelle aussi dans les descriptions et croyez-moi, dans ce roman, les paysages amérindiens sont d'une beauté rare...
Enfin s'est ouvert devant nous, d'une netteté de gemme incrustée au pied des chaînes du mont Elias, cristal rosé d'aube, le miroitement du lac Kluane encore pris de glaces par endroits, à cette altitude marbré de turquoise, bleu marine, céladon selon hauts-fonds et courants. P. 225
Le rapport à la nature qu'évoque Anne-Marie GARAT ressemble à s'y méprendre à celui largement abordé dans "Chien-loup" par Serge JONCOUR, une nature qui nourrit, protège, ressource...
[...] je situe désormais la cabane d’Herman, la plus intelligente de toutes les cabanes, judicieusement juchée à l’abri des catastrophes en surplomb du lac, offrant alentour l’essentiel de la subsistance, les ressources d’existence, ses murs et son toit contre les bêtes et les éléments méchants, telle qu’en rêvent les enfants. P. 126
"Le Grand Nord-Ouest" est un roman truculent porté par une plume profondément humaine, délicate, bienveillante. Les tribulations de cette mère et sa fille sont pleines de suspens, menées tambour battant avec une frénésie réjouissante.
C'est un excellent roman, je vous le conseille
commentaires