Editions de la Table ronde_Quai Voltaire
Traduit par Cécile ARNAUD
Ce roman fait partie de la sélection de novembre du 50ème Grand Prix des Lectrices Elle.
Je vous dis quelques mots de l'histoire.
Nous sommes en hiver, à Brooklyn aux Etats-Unis. Jim a 32 ans, il est marié depuis deux ans avec Annie, enceinte. Il envoie Annie faire les courses et pendant ce temps-là, prépare son suicide au gaz domestique. Cheminot, il avait été renvoyé une quinzaine de jours plus tôt pour manque de fiabilité et insubordination. Il n'a pas supporter cette humiliation. La nouvelle a fait grand bruit dans le quartier et alerté la communauté des nonnes voisines. Soeur Saint-Sauveur prend le relais des pompiers au chevet de la jeune femme, veuve, et assure l'organisation des funérailles. Annie est hébergée par la communauté qui va offrir un cadre de vie à la petite Sally, sa fille. Pour toutes les deux, la vie prend un tournant insoupçonné.
Je ne connaissais pas encore la plume d'Alice McDERMOTT, ni le talent de traductrice d'Alice ARNAUD, me voilà comblée par leur duo littéraire.
Ce roman dresse le portrait d'une communauté religieuse empreinte de solidarité, générosité et bienveillance. Elle porte secours aux plus défavorisés et offre ainsi un tout nouveau foyer à la jeune femme douloureusement affectée par le décès de son mari. La communauté lui assure un toit et le couvert mais elle va plus loin en conférant à la jeune femme une véritable utilité sociale. Elle lui permet de se (re)construire et de trouver une place dans la société religieuse telle qu'elle est organisée, hiérarchisée, rythmée par la prière et la réalisation des services communs. Annie va trouver du réconfort dans cette famille religieuse et établir une complicité avec les femmes qui l'entourent.
J'ai beaucoup apprécié l'approche moderne et ouverte de cette communauté religieuse. Le tableau est élogieux, il est audacieux aussi. Ecrire au XXIème sur la religion catholique aurait pu paraître dépassé, obsolète, démodé et archaïque. Il n'en est rien.
J'ai été aussi particulièrement séduite par le parcours de la petite Sally, qui, devenue adulte, va imaginer que la voie de la religion soit aussi faite pour elle, mais l'abnégation ne s'improvise pas.
Prononcer ses vœux signifiait laisser tout le reste derrière soi : la jeunesse, la famille et les amis, tout l’amour qui n’était qu’individuel, tout ce qui dans l’existence nécessitait un regard en arrière. P. 53
Malgré une éducation nourrie par la charité, il n'en demeure pas moins que chaque individu a sa manière de percevoir la pauvreté et la souffrance physique, une sensibilité singulière. Les valeurs transmises par la communauté ne sont pas le gage d'une vocation et c'est en cela que le roman est intéressant et original. Le projet littéraire de l'auteure est loin de servir un idéal religieux qui serait exclusif. Ceux qui croient que les ouailles sont des moutons de Panurge seront largement démentis avec "La neuvième heure".
Le style narratif y est remarquable, le texte est tout en beauté, poétique, sensitif, éminemment romanesque. Alice McDERMOTT maîtrise l'art de la description à merveille et séduit le lecteur avec cette composition profondément intimiste.
Si vous aimez la plume de Tracy CHEVALIER, assurément vous apprécierez celle d'Alice McDERMOTT.
Retrouvez toutes mes lectures dans le cadre du Grand Prix des Lectrices Elle 2019 :
- "La douce indifférence du monde" de Peter STAMM, roman, sélection de nov.
- "Même les monstres" de Thierry ILLOUZ, document, sélection de nov.
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