Traduit de l’italien par Danièle VALIN
Je poursuis mes lectures estivales avec les plumes à qui je voue une fidélité inconditionnelle. Après Yoko OGAMA et les « Instantanés d’Ambre », Claudie GALLAY et « La beauté des jours », énorme coup de cœur, voici Erri de LUCA. Toutes les trois me touchent particulièrement pour l’empreinte profondément humaine qu’elles signent.
Partons à la découverte de « La nature exposée ».
Le narrateur est un homme qui vit en montagne. Il a un plus de 60 ans et aide les migrants à franchir la frontière. Service annoncé comme payant, lui, rend l’argent une fois arrivés en terrain libre. Cette pratique aurait pu rester inconnue si un livre ne lui avait un jour rendu hommage. Là, c’est la rupture avec ses amis forgeron et boulanger qui, eux, gardent l’argent, le condamnant à son tour à l’exil. Il quitte le village. Sculpteur, il lui est proposé de dévoiler la nudité drapée d’un Christ. Il se lance dans l’aventure.
Dans ce roman dense, Erri de LUCA nous propose de regarder la religion par le filtre artistique et de partir à la découverte de son évolution à travers l’histoire. Le traitement de la « nature », entendez par-là la nudité, le sexe, au fil du temps, s’est trouvée exposée, puis cachée, à l’image de cette sculpture que l’Eglise tient à dévoiler, la libérer de ce drapé venu blasphémer la création. L’écrivain explore la dimension du sacré et du profane.
L’auteur a choisi, non pas de nous livrer le travail de création, mais les subtilités de celui de la rénovation. Le narrateur est un restaurateur, il refuse d’apposer sa signature sur la pierre réhabilitée et d’être présent à l’inauguration.
L’œuvre est celle du sculpteur, moi je suis son adjoint dans un détail. P. 162
Erri de LUCA nous dessine les frontières des deux disciplines artistiques et révèle les exigences professionnelles des deux métiers. Il nous fait voyager et nous emmène à Naples, le berceau de l’Antiquité, pour permettre au restaurateur de s’approprier la qualité des œuvres d’artistes d’antan et ainsi, la restituer dans sa plus proche perfection. Ce passage m’a rappelé quelques souvenirs, l’année dernière, en juin, je visitais Le Musée de l’Archéologie de Naples, là où le narrateur va puiser son inspiration. Si vous séjournez dans cette ville italienne, octroyez-lui quelques heures dans votre programme, c’est un véritable joyau. Je ne résiste pas à partager avec vous quelques clichés :
Outre la sculpture, c’est aussi la littérature qui est abordée et la nécessité de passer les livres, comme les hommes. Les livres sont autant de portes ouvertes sur le monde, le narrateur lui-même y a découvert la pluralité des hommes.
Les livres m’ont servi à connaître le monde, la diversité des personnes, qui sont rares dans le coin. P. 17
Erri de LUCA, avec ce personnage, porte un propos militant de solidarité pour tous ceux qui sont contraints de quitter leur pays d’origine. Ce roman est engagé, il se nourrit largement de se que pense l’auteur des lois et des frontières, des éléments qui ne sont pas naturels mais le fait des hommes. Une nouvelle fois, il fait de sa terre d’origine, à lui, une terre d’accueil. Napolitain, Erri de Luca dresse le portrait d’une cité ouverte sur le monde qui s’affranchit de la couleur de peau. J’ai été profondément de la rencontre du narrateur avec un ouvrier algérien et de leurs échanges :
Toi non, tu t’assieds, tu parles, tu poses des questions. Tu es quelqu’un et tu me fais aussi devenir quelqu'un. P. 129
Erri de Luca montre, s’il en était nécessaire, à quel point l’attention portée à l’autre peut lui permettre de se dévoiler, être soi tout simplement. La qualité du regard devient un révélateur de la personnalité, un moyen, non plus de vivre, mais d’EXISTER.
La plume d’Erri de LUCA est d’une grande beauté. Je vous conseille aussi « Le poids du papillon » et « Le jour avant le bonheur », deux romans d’une profonde sensibilité.
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