On dirait que les livres se sont donnés rendez-vous pour m’émouvoir profondément en ce moment, à moins que ça soit moi qui soit à fleur de peau...
Après la lecture du roman de Erwan LAHRER « Le livre que je ne voulais pas écrire », inoubliable s’il en est un, je puis vous avouer ô combien j’ai vibré avec « Maria » de Angélique VILLENEUVE, l’opportunité de découvrir une nouvelle plume, remarquable elle aussi. Je vous dis tout, ou presque !
Maria et William offrent un foyer recomposé à Céline. Elle n’avait que 4 ans quand son père, atteint d’un cancer, s’est tué accidentellement en moto. Depuis elle a bien grandi, elle est aujourd’hui mère d’un petit garçon, Marcus. La naissance du deuxième enfant est attendue. Malheureusement, les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu. L’accouchement, planifié à la maison, comme pour le premier, aura finalement lieu en clinique. Rien de grave finalement, la maman et le bébé se portent bien, oui mais…
Il y a un "mais" que je ne saurais vous dévoiler parce qu’il alimente une partie du suspens entretenu dans ce roman, haletant, et qu’il n’est lui-même dévoilé qu’après un certain nombre de pages parcourues. J’en entretiendrai donc le secret !
Pour autant, il me paraît inconcevable de vous laisser quitter cette page du blog sans vous dire à quel point j’ai aimé ce roman.
J’ai, personnellement, été très sensible à la beauté du lien qui unit Maria, la grand-mère, à Marcus, son petit-fils. Les premières pages sont dédiées à l’étroitesse et la richesse de l’union de ce duo, qu’elle plaise ou non à William d’ailleurs. Maria assume totalement sa disponibilité pour l’enfant, malgré son activité professionnelle, et le fait qu’elle entretienne une relation fusionnelle avec l’enfant et tout ce que cela peut induire pour Marcus dans sa construction personnelle, il le lui rend bien d’ailleurs :
Marcus n’est pas seulement heureux de la voir. Elle le fait se transformer elle aussi. Chaque fois. Chaque fois ils se mêlent, ne forment qu’un seul. P. 17
Angélique VILLENEUVE dresse un très beau portrait de la grand-parentalité, ce phénomène de société qui prend, au XXIème siècle, une dimension toute particulière avec cette génération de grands-parents, actifs et dynamiques, jouant un rôle décuplé dans l’éducation de la nouvelle génération.
Cette relation ne manque pas bien sûr de mettre les autres à l’épreuve. J’ai déjà dit un mot de celle de Maria et William, grand-mère et grand-père pouvant se distinguer dans l’acceptable et l’inacceptable, de la part de leur petits-enfants, comme de leurs enfants, mais il en est une, déjà largement appréhendée en littérature, je pense à la liaison mère/fille évidemment, qui revêt ici un caractère singulier.
Si certains châteaux de cartes familiaux paraissent bien fragiles à la sortie de l’adolescence de nos chères têtes blondes, quoi de plus normal que de voir les cartes totalement rebattues avec la naissance d’un premier enfant ! Vous me direz, l’évolution est de taille et c’est un fait, qu’une mère devienne grand-mère et qu’une fille devienne mère à son tour ne présentent rien d’anodin. Là, tout commence dans l’harmonie et la compréhension mutuelle, Maria et Céline nourrissant une certaine proximité entre elles, l’une préservant à l’autre une place de choix dans cette mutation.
J’avoue avoir versé une petite larme à la lecture du passage où Angelique VILLENEUVE évoque l'accouchement, dans la maison familiale, avec une (future) grand-mère présente dans la chambre d’à coté, totalement transie par les épreuves physiques affrontées par sa fille. Gaëlle JOSSE décrit dans « Une longue impatience » la dimension viscérale qui unit une mère à son fils. Avec « Maria », Angélique VILLENEUVE renouvelle, tout en beauté, cette approche des vibrations du corps de la mère pour son enfant, qu'il soit petit ou grand, finalement peu semble importer. Qu’il s’agisse d’un garçon ou d’une fille, aussi ?
En quoi le genre pourrait-il être un facteur déterminant dans la relation établie entre une mère et son enfant ? qui plus est, entre une grand-mère et son petit-enfant ? La question mérite d’être posée, à Maria bien sûr, à vous aussi ! Par la forme narrative à la 3ème personne du singulier, Angélique VILLENEUVE convoque le lecteur en qualité d'observateur de l'évolution de ce cocon familial et l'interpelle par un jeu de questions qui ne manqueront pas d'alimenter sa réflexion. C'est là une bien belle vocation de la littérature, non ?
Si certains commencent à se trémousser sur leur chaise, surtout, ne prenez pas peur, faites confiance à la plume délicate, sensible, profondément humaine de Angélique VILLENEUVE pour vous prendre par la main et vous accompagner dans votre cheminement intellectuel, je puis vous assurer qu’elle assure ce rôle avec beaucoup de bienveillance et d’amabilité, une révélation pour moi.
Et pour finir cette chronique, je vous propose une note pigmentée. Il faut dire que Angélique VILLENEUVE pose la cerise sur le gâteau. Outre une approche psychologique particulièrement ciselée de chacun des personnages, elle invite les couleurs dans le jeu des rapports humains. A l’image de ce que véhicule Michel PASTOUREAU, l’auteure nous fait prendre conscience de la puissance des couleurs dans l’approche que nous pouvons faire de notre l’environnement, les dimensions sont multiples et variées (historique, urbaine, sociale… ) comme autant d’éléments révélant notre propre personnalité et notre attachement aux autres, une jolie prouesse.
Angélique VILLENEUVE ressemble un brin à Yoko OGAWA dans son écriture, sa sensibilité et sa poésie, j'ai aimé cette référence commune au parfum :
Son tee-shirt, celui avec les flammes, sent l’odeur de Céline. Dans son trouble Maria s’étonne, non de la trouver là, cette odeur, mais que dans sa mémoire elle soit demeurée à ce point douce et intacte, riche de tant de sentiers, de panoramas minuscules. P. 44
Je me rends compte que je ne vous ai encore rien dit de la place des oiseaux, c’est pourtant presque un roman en tant que tel ! Mais, là, stop, j’ai déjà été très longue.
Un seul conseil, LISEZ ce roman, c’est un petit bijou !
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