Il fait froid dehors, vous n’avez encore rien vu ! Après « L’homme de Grand Soleil » de Jacques GAUBIL, voici venu « Le poids de la neige » de Christian GUAY-POLIQUIN.
Deux hommes se retrouvent à cohabiter dans une masure, en retrait d’un village enseveli sous la neige et en panne d’électricité. L’un est blessé, son pronostic vital n’est pas engagé mais son état de santé est des plus préoccupants. Ses jambes ont été sérieusement impactées dans un accident de voiture. Il nécessite d’une attention permanente, c’est Matthias qui va lui prodiguer, bon gré mal gré, lui ne souhaite qu’une chose, quitter ce village et retrouver sa femme en ville. Mais voilà, les conditions climatiques sont dévastatrices, le froid et la neige empêchent toute circulation enfin presque. C'est là que commence une toute autre histoire...
Une très grande partie du roman est dédiée à ce huis-clos sous l'emprise d'un scénario apocalyptique. La maison est vétuste et risque de s’effondrer à chaque instant sous le poids de la neige. L’homme blessé ne parle pas, l’autre passe ses journées à préparer la cuisine, le soigner en complément des interventions de l’infirmière du village. Il n’y a pas d’électricité et le confort est somme toute réduit à sa plus simple expression, un lit, des couvertures, un poêle à bois. L’atmosphère est pesante, le silence omniprésent. Quelques respirations sont données avec la visite d’habitants du village qui se préoccupent de l’évolution de la situation.
Là, la focale est mise sur la relation qui lentement s'établit entre les deux hommes, deux étrangers réunis dans une très grande promiscuité et au péril de leur vie. Il y a assistance à personne en danger, elle justifie largement la phase d'apprivoisement et de bienveillance. Le rapport entre eux est assurément basé sur un déséquilibre des forces. Le trouble va toutefois lentement s'insinuer dans leur cohabitation à mesure que le blessé va reprendre de la vigueur, rebattant à coup sûr l'intégralité des cartes. Les jeux de pouvoir vont devenir maîtres des lieux. Le roman devient un thriller psychologique !
Et puis, il y a une autre partie du récit dédiée, elle, aux connexions qui vont s'établir à l'initiative de Matthias avec l'extérieur. Ses escapades sont motivées par la rareté des victuailles et l'abandon progressif des habitants du village, enfin, là, ce ne sont peut-être que les causes apparentes, d'autres pourraient bien être cachées... Dans tous les cas, elles vont livrer l'homme blessé à lui-même, de quoi lui donner à voir d'autres possibles que la seule dépendance à un homme dont il ne connaît presque rien et faire germer quelques projets d'évasion. Entre le dedans et le dehors se joue une toute nouvelle partie.
Avec ce roman, Christian GUAY-POLIQUIN questionne la capacité des hommes à surmonter les événements, seul ou avec les autres. Entre lâcheté et solidarité, leur coeur balance. Instrumentalisés qu'ils sont par l'instinct de survie, les camps se tranchent, à la vie à la mort. Les fragilités de l’humanité toute entière sont alors mises en lumière.
Les hommes sont tenus en joue par une nature qui, sous la plume de Christian GUAY-POLIQUIN, se personnifie. Entre animal et être humain, elle prend la dimension d'un personnage à part entière dans le livre. Le froid et la neige revêtent alors le costume de prédateurs :
Dehors, la tempête gronde et donne des coups de hanche sur la véranda. Elle tourbillonne dans la cheminée et fouette la neige autour. Elle frappe à la fenêtre. Elle rugit. P. 151
J'ai été personnellement troublée par la course contre la montre insufflée dans ce roman. Là, pas de fulgurance, pas de précipitation, mais une urgence à vivre dans une temporalité rythmée par l'alternance du jour et de la nuit.
Le temps est devenu une espèce de magma visqueux entre l’éveil et le sommeil. P.162
Ce roman de Christian GUAY-POLIQUIN dont je découvre l'écriture est profondément puissant. L’écrivain réussit à mettre des mots sur des silences, des non-dits, des vides et à retirer la substantifique moelle des relations humaines. Un conseil, avant de l'ouvrir, pelotonnez-vous dans un bon plaid, je ne voudrais pas que vous preniez froid !
Merci aux éditions de l'Observatoire de m'avoir offert cette lecture.
Ce roman concourt au Challenge de la Rentrée Littéraire organisé par le blog "Aux bouquins garnis" :

comme :
- Les guerres de mon père de Colombe SCHNECK
- Une vie minuscule de Philippe KRHAJAC
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- Tristan de Clarence BOULAY
- Un funambule d'Alexandre SEURAT
- Juste une orangeade de Caroline PASCAL
- Les déraisons d'Odile d'OULTREMONT
- Pays provisoire de Fanny TONNELIER
- Une verrière sous le ciel de Lenka HORNAKOVA CIVADE
- Le cas singulier de Benjamin T. de Catherine ROLLAND
- L'Attrape-souci. de Catherine FAYE
- L'atelier des souvenirs.d'Anne IDOUX-THIVET
- La nuit je vole de Michèle ASTRUD
- La meilleure façon de marcher est celle du flamant rose de Diane DUCRET
- L'homme de Grand Soleil de Jacques GAUBIL
- Les rêveurs d'Isabelle Carré
- Eparse de Lisa Balavoine
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