La plume d'Alexandre SEURAT, je l'ai découverte dans le cadre de la sélection du Prix Cezam il y a quelques années. Son premier roman, "La maladroite", en faisait partie. "Un funambule", son 3ème roman fait partie de la #RL2018.
Je vous dis quelques mots de l'histoire :
Un jeune homme se promène sur la plage. Il est perturbé par un quad qui fonce droit sur lui, il l'évite de justesse. Et puis, il y a la présence de la mer, il se retrouve submergé. Il aperçoit la coque d'un paquebot, subitement, il a l'impression qu'il pourrait le toucher. Depuis que Solenne l'a quitté, il est triste à mourir. Mais ce mal-être date de beaucoup plus longtemps. Il ne s'est jamais senti à sa place, toujours en décalage, par rapport à son propre corps, mais aussi sa mère, son père, sa soeur. Et l'impossibilité de parler, de mettre des mots. Le silence est roi, il envahit son espace, sa vie, et le réduit à néant.
Ce roman, je l'appréhendais je dois bien le dire. D'abord, parce que l'auteur, lui-même, l'avait présenté le 11 novembre dernier à La Librairie. Il avait qualifié ses textes de noirs, j'étais donc prévenue, ce 3ème roman restait dans la même veine. Mais aussi, parce que ma première lecture m'avait bouleversée, j'en avais encore quelques souvenirs qui n'ont pas manqué de se raviver avec la relecture de ma chronique.
Ce qui m'a profondément troublé dans ce roman c'est le sentiment de ce jeune homme d'être en permanence persécuté, agressé par les autres, par l'environnement. Tout ce qui est extérieur à son corps présente une menace. Plus encore, son propre corps lui échappe. Le malaise est obscur mais il est imprégné dans tous les pores de sa peau.
L'angoisse gonflait comme un ballon, une enveloppe qui épousa progressivement tous les recoins de son être, un corps qui avait grandi dans son corps. P. 75
Et puis, un peu à l'image du roman de Pierre DUCROZET "L'invention des corps", "Un funambule" évoque des événements qui relèvent de la fulgurance, de la soudaineté, de quelque chose qui vient brutalement rompre la sérénité, la quiétude.
Un court moment, c'est comme la sensation de tomber. Peut-être qu'il vaudrait mieux tout arrêter, on dirait stop? et on sortirait du jeu. P. 28
Ce roman, il parle d'abandon aussi. Il y a eu le départ de Solenne, mais il y a eu aussi celui de Germaine. Il n'était encore qu'un tout petit enfant, Germaine s'est occupé de lui pendant 7 ans et puis, un jour, elle est partie. Sa mère avait décidé de s'occuper de lui. Germaine, il ne la reverrait que quelques fois, et puis, un jour, plus rien.
Bien sûr, quand on aime la littérature, on aime les mots, et là, l'impossibilité de mettre des mots sur des émotions, un avis, une opinion... est prégnante dans l'ensemble du texte. J'ai trouvé une phrase très belle qui vient mettre un peu de légèreté dans ce roman éprouvant :
Il aurait fallu pouvoir secouer le silence, pour que des mots en tombent, qui se seraient enfin adressés à lui. P. 52
Mais globalement, vous l'aurez compris, ce roman est douloureux. Il y a une incompréhension entre lui et les autres, il y a aussi cette distance insupportable qui s'insinue dans toutes ses relations, quelque chose d'oppressant par sa force.
Ce roman, c'est aussi un exercice littéraire. A la 3ème personne du singulier, la narration vient renforcer le malaise ambiant, un peu comme si le lecteur devenait un voyeur, un observateur, comme s'il se saisissait d'une loupe et qu'il regardait la situation de loin mais avec des effets décuplés. Alexandre SEURAT diffuse des bribes tout au long du livre jusqu'à vous en rendre prisonnier, comme le personnage du roman. Mais ce n'est pas tout, ce roman est écrit comme s'il ne s'agissait que d'un seul chapitre, il n'offre aucune respiration, le lecteur est en apnée totale depuis la première page jusqu'à la dernière.
Vous l'aurez compris, ce roman m'a profondément troublée. Il me laisse sans voix. Le silence m'aurait-il contaminé ?
Ce roman concourt au Challenge de la Rentrée Littéraire organisé par le blog "Aux bouquins garnis" :
comme :
- Les guerres de mon père de Colombe SCHNECK
- Une vie minuscule de Philippe KRHAJAC
- Une longue impatience de Gaëlle JOSSE Coup de coeur
- Tristan de Clarence BOULAY
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