Vous connaissez désormais ma technique lorsque je vais à la bibliothèque au rayon BD.
Je déambule, je regarde celles qui sont en façade, je n'ai aucune prétention et me laisse séduire de façon totalement aléatoire.
C'est ainsi que j'ai découvert "Prévert, inventeur" de Christian CAILLEAUX et Hervé BOURHIS, un très bon choix. C'est aussi de cette manière que j'ai mis la main sur un très joli roman graphique : "Supplément d'âme".
La couleur sepia de la couverture, cet oiseau assis sur le parapet, regardant au loin alors qu'une foule s'agglutine à l'arrière plan, m'ont interpellée et j'ai bien fait.
Dès l'ouverture de l'album, je mesure la sensibilité de l'illustrateur, Alain KOKOR. Cette BD est en réalité dédiée à sa mère, Noëlla, décédée en 2011. Il évoque les belles âmes rencontrées et qu'il a envie de remercier pour leur soutien :
Vraiment cette liste serait très grande et à l'imaginer, très colorée par toutes les sonorités des noms rencontrés pendant ce voyage.
L'histoire se passe à Dublin. Un homme, récemment recruté, prend ses repères. Il aime, sur le temps du déjeuner, s'isoler, partir se ressourcer au bord du quai, regarder l'horizon. Tous l'observent, écrivent leur scénario d'un film dont ils n'ont pas la maîtrise. Certains l'imaginent muet, d'autres écrivain. Willie, artiste, le voit homme-oiseau. Chacun, consciemment ou non, se règle finalement sur ses horaires alors quand il disparaît... là commence une nouvelle histoire, pour le meilleur comme pour le pire !
Chacun, consciemment ou non, se règle finalement sur ses horaires alors quand il disparaît... là commence une nouvelle histoire, pour le meilleur comme pour le pire !
Ce récit est romantique à l'envi. Il suscite la tendresse, la douceur, éveille les sentiments, incite à la rêverie, la mélancolie. Avec ces nuances de marron, l'album prend une dimension chaleureuse. Le sepia rappelle les aquarelles et inspire une atmosphère sereine, bienveillante, délicate. Le côté onirique des premières pages avec ce rêve de voler ne fait que renforcer la poésie de l'album et pourtant...
Ce roman graphique met le doigt sur un sujet de société, l'isolement, ou plutôt la solitude. Certains la subissent, d'autres en rêvent. Là, un homme qui apprécie de s'isoler devient immédiatement suspect. Il suscite les interprétations de ses congénères. Par cet acte volontaire, parfaitement assumé, cet homme devient différent, celui qui ne fait pas comme tout le monde, celui qui fuit le monde. Le scénariste et illustrateur nous interroge ainsi sur ce que l'on souhaite, nous, faire dans cette société, quelle place on souhaite y occuper.
Cette BD va plus loin. C'est une satire des réseaux sociaux dans tout ce qu'ils ont de plus pervers, annihilant toute singularité. Alors, bien sûr, aujourd'hui, nous pensons aux réseaux de la toile avec tous ces amis virtuels. Mais depuis la nuit des temps, les hommes se sont intéressés à ce que faisaient les autres, calquant pour le plus grand nombre leurs comportements sur ceux des voisins. Le sepia une nouvelle fois prend tout son sens en donnant un côté rétro à l'album, qu'il s'agisse de l'actualité ou de faits de longue date, finalement, rien n'a changé ! Vous connaissez l'histoire rabelaisienne des moutons de Panurge, et bien Alain KOKOR nous en livre une jolie représentation.
Je suis tombée sous le charme de ce très bel album et du graphisme d'Alain KOKOR. Je pourrais bien retenir son nom. Vous en pensez quoi, vous ?
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