Après avoir célébré comme il se doit le 100ème anniversaire de la mort de Edgar DEGAS jeudi soir au Musée d’Orsay avec la visite de l’exposition temporaire Degas Danse Dessin, j’ai fêté un autre anniversaire, avec 100 bougies toujours, mais pour honorer la naissance d’un grand artiste, américain celui-là, photographe, Irving PENN.
Comme vous, j’avais quelques clichés en mémoire, mais j’étais loin d’avoir connaissance de l’ensemble de son parcours artistique et j’avoue que la visite guidée organisée au Grand Palais vendredi dernier a été un grand moment de bonheur, je sais tout maintenant (ou presque !), et je vais assouvir mon envie de partager avec vous toutes mes découvertes.
Cet homme est donc né en 1917. Il a acheté son Rolleiflex en 1938, il l’accompagnera toute sa carrière. Il va faire ses débuts au Harper’s Bazaar. Remarqué par le magazine Vogue, il va commencer sa carrière avec des natures mortes. Peut-être vous imaginez-vous déjà des images classiques, traditionnelles, où rien ne dénote, détrompez-vous, Irving PENN donne de la vie à ses clichés, il prend non seulement les objets mais aussi tout ce qui a pu témoigner du passage de l’homme (ex : une trace de café laissée sur le bord d’une tasse, une tâche sur la nappe, un mégot de cigarette...).
Il va se lancer ensuite dans la réalisation de portraits d’hommes et de femmes célèbres. Mais, là aussi, Irving PENN va se démarquer de la photographie habituelle, il va choisir de mettre ses modèles dans des situations inattendues. Il va les soumettre par exemple à l’exiguïté d’un angle de mur. Certains joueront les "gros bras" pour s'approprier l'espace, comme Salvador DALI...
Il va aussi proposer des clichés avec un tapis tout ragoûtant, informe.
Il veut montrer la vraie personnalité de celles et ceux qu’il photographie. Pour ses modèles, il s’agit là d’un véritable affront, d’une épreuve. Le Corbusier, l'Architecte, lui, se demande ce qu'il fait là. Mais peu importe, Irving PENN sait se faire respecter. Le modèle lui appartient le temps des prises de vue, il les dirige, y compris dans des situations inconfortables.
Irving PENN a réalisé une mission au Pérou, à Cusco plus précisément, pour le compte du magazine Vogue. Il y photographie des hommes et des femmes de la rue.
Irving PENN a réalisé une mission au Pérou pour le compte du magazine Vogue. Il y photographie des hommes et des femmes de la rue. Accompagné de Jean PATCHETT, il réalise de nombreux clichés de la star mais non satisfait de ses prises, il immortalise un instant d'abandon du top model...
De retour en France, il improvise un élément de décor qu’il gardera tout au long de sa vie professionnelle, un rideau de théâtre devant lequel il fera poser ses modèles. Il cassera les lignes droites en créant des courbes là où le tissu se plie. Beaucoup poseront ainsi, y compris celle qui deviendra son épouse, Lisa FONSSAGRIVES.
Irving PENN c’est le photographe de l’après-guerre, il joue, il s’amuse, il montre le côté glamour de l’Amérique, la coquetterie des femmes. Il est photographe de mode et verra ses clichés largement diffusés en couverture du magazine Vogue.
Mais Irving PENN n’a pas photographié que des grands du monde, il a aussi mis son art à la disposition des petits métiers, il va sublimer ces êtres de la vie quotidienne de Paris sans qui la vie ne pourrait pas être ce qu’elle est. Ainsi, il va faire venir dans son studio de la rue Vaugirard la vendeuse de ballon... Il réalisera des clichés de ce type aussi à Londres et New-York.
Très imprégné de l’histoire de l’art, Irving PENN puise dans ses références artistiques pour réaliser des clichés qui valorisent les plus faibles, leur donnant ainsi, le temps d'une pose, l'allure des grands du monde. Ne trouvez-vous pas que ce charbonnier photographié à Londres ressemble, à s'y méprendre, à Dante peint par BOTTICELLI ?
Il est très attaché à donner de la dignité aux plus fragiles. C’est le cas de ces petits artisans, mais il l’a prouvé aussi avec ce cliché de Colette, quelques années avant sa mort. La maladie la ronge mais il va réussir à la photographier en lui préservant une part de beauté.
Irving PENN est le premier aussi à réaliser des clichés sur fond blanc. Il ne se focalise que sur son modèle et l’isole de son environnement. Il n’est donc pas un ethnographe mais plutôt à l’origine d’un observatoire de ce qui est amené à disparaître.
A partir de 1960, il va affiner encore la qualité de ses clichés en travaillant sur platinium, un matériau qui donne une lumière diffuse.
Irving PENN va aborder aussi le nu. Là encore, il va trouver sa voie, quitte à se mettre à dos les critiques de l’art de l’époque. C’est ainsi que ses nus à la végétation pubienne jugée trop développée ont été rejetés comme ceux montrant des corps disgracieux dans des figures tout autant surprenantes. Il est très attaché à la vie réelle des hommes et des femmes et assume ses clichés hors du commun. Il faudra attendre une cinquantaine d’années pour qu’en 2002 le Metropolitan Museum of Art de New York daigne les exposer et reconnaître leur valeur artistique.
L’exposition se clôture avec des clichés de mégots de cigarettes. Son mentor, Brodovitch est mort d’un cancer, son père aussi. La cigarette devenue déchet de l’homme est explorée sous toutes ses coutures, sur le trottoir, dans le caniveau, avec une taille décuplée. Là aussi, ses clichés ont été rejetés. Trop avant-gardistes, trop indignes.
Personnellement, j’ai adoré cette visite. J’ai adoré cette exposition, la découverte de l’ensemble de la carrière de l’artiste et des différentes dimensions de son art.
De nombreux clichés sont entrés dans ma mémoire et ne sont pas prêts d’en sortir.
Je tiens à féliciter le travail de la médiatrice qui nous a accompagnés pendant 1H30 dans cette découverte.
Si vous aussi voulez en bénéficier, rendez-vous sur le site du Musée du Grand Palais de Paris !
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