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2017-11-03T07:24:54+01:00

Légende d'un dormeur éveillé de Gaëlle NOHANT

Publié par Tlivres
Légende d'un dormeur éveillé de Gaëlle NOHANT

Editions Héloïse d'Ormesson

Après un long voyage et quelques semaines de déconnexion (avec le blog, la littérature...), il est parfois difficile de renouer avec des activités de concentration (lecture, écriture...) mais PriceMinister a très bien fait les choses en m'offrant le tout dernier roman de Gaëlle NOHANT "Légende d'un dormeur éveillé" et m'invitant à le chroniquer dans le cadre des #MRL17, les Matchs de la Rentrée Littéraire. 

Autant que je vous le dise tout de suite, c'est un très beau roman, de ceux que l'on ne voudrait jamais terminer... alors quant à en parler, c'est une bien belle activité à laquelle je vais me livrer. 

 

Nous sommes en 1928, Robert DESNOS rentre de Cuba. Accueilli là-bas par Alejo CARPENTIER, écrivain et musicologue, leur amitié aura raison des frontières. Robert DESNOS lui réservera une petite place dans sa cabine sur le chemin du retour, en toute clandestinité bien sûr. Le ton est donné, Robert DESNOS fait partie de ces hommes épris de liberté et même s'il ne jouit pas d'une bonne vue, l'homme reste un gourmand de la vie, un curieux dont les jours ne suffiront pas à assouvir les envies, les nuits seront aussi propices à l'activité. Passionné par l'écriture, il travaille au journal Le Soir. Il côtoie les grands de la littérature, Jacques PREVERT, Aragon... ils se retrouvent autour d'André BRETON, le leader du mouvement des Surréalistes mais cette relation ne saurait durer. Robert DESNOS connait des moments difficiles, la presse écrite souffre, et avec elle les journalistes aussi. Il ne mange pas toujours à sa faim mais se nourrit de poésie. Robert DESNOS est un poète, il joue avec les mots. Profondément marqué par la guerre civile espagnole et l'assassinat en 1936 de Federico GARCIA LORCA, un poète lui aussi, Robert DESNOS décide de mettre son art à la disposition d'une cause d'intérêt général, il explore la voie de la poésie de contrebande. De là à passer dans le camp de la Résistance dans les années 40, il n'y a qu'un pas mais là c'est une toute autre histoire.

 

Impossible d'aller plus loin dans la biographie de cet homme de lettres, je crois simplement qu'il vous faut la lire.

 

Robert DESNOS, j'en avais entendu parler, oui, bien sûr, mais j'aurais été bien incapable d'en citer ne serait-ce qu'une oeuvre ou quelques vers. En refermant ce roman, j'ai très envie d'aller plus loin et de partir à la découverte de ses écrits. Il faut dire que Gaëlle NOHANT distille tout au long du roman quelques citations pour nous mettre en appétit de l’oeuvre toute entière d’un grand homme de lettres, assurément.

 

J'ai notamment retenu celles-ci, je les partage avec vous :


J’aime l’éclat que laissent aux yeux profonds les larmes intérieures. P. 13

Ma plume est une aile et sans cesse, soutenu par elle et par son ombre projetée sur le papier, chaque mot se précipite vers la catastrophe ou vers l’apothéose. P. 36

Ce roman, c'est d'abord l'éloge d'une plume qui s'inscrivait dans le registre littéraire de la poésie. Je ne sais pas bien pourquoi je suis passée à côté de lui jusqu'à maintenant et qui aurait pu me mettre sur sa voie dans le passé, mais ce que je sais aujourd'hui, c'est que grâce à Gaëlle NOHANT, je me sens désormais "armée" pour lire entre les lignes et m'imprégner pleinement de la puissance de la prose de Robert DESNOS. 

 

Ce qui m'a beaucoup plu également avec cette biographie, c'est de m'immerger dans un contexte artistique, urbain, historique... et là je dois vous dire que Gaëlle NOHANT nous livre un roman d'une profonde intensité. Rien n'est laissé au hasard.

 

Elle nous plonge dans le monde de la culture et nous fait partager le quotidien de ces intellectuels parisiens qui se côtoient dans des cercles très fermés du début du XXème siècle pour réfléchir, philosopher, pendre parti (politique notamment)... j'ai adoré m’asseoir à la table enfumée de Jacques PREVERT, accueillir Hemingway rue Mazarine à Saint-Germain des Prés, partir en Espagne et me fondre dans les conversations entretenues avec Pablo NERUDA... Gaëlle NOHANT nous rend compte d'une vie artistique jubilatoire, elle nous fait (re)vivre le temps d'un livre cette période de l'entre-deux guerres où le pouvoir de la plume prend une dimension toute particulière.


Une pièce de théâtre n'arrête pas les balles, un poème ne retient pas le bras d'un assassin. Pourtant le travail est une forme de protestation. En tant que tel, il a un sens. Alors je continue à écrire. P. 222

Elle nous fait visiter les quartiers de Paris, de ceux qui accueillent la vie, de jour, de nuit. Il n'y a pas si longtemps, j'ai saisi l'opportunité de Minuit, Montmartre pour revisiter les rues du nord de Pigalle portée par la plume de Julien DELMAIRE à la découverte de l'univers du peintre Théophile Alexandre STEINEN. J'avoue que ce fut un réel plaisir de reprendre ma déambulation dans la capitale aux côtés, cette fois, du poète Robert DESNOS, et au bras de Gaëlle NOHANT.

 

 

Ce roman, non seulement il est biographique, mais il est également historique. En abordant le personnage de Robert DESNOS, Gaëlle NOHANT retrace tout un pan de l'Histoire européenne. Il y a la guerre civile espagnole et puis, la seconde guerre mondiale. Elle  rend un hommage tout particulier à l'action des Résistants. Elle décrit la traque des juifs et, tout en poésie, l'action d'hommes et de femmes luttant contre l'occupant :


Depuis qu'il a rejoint la Résistance, il croise des hommes oiseaux s'envolant sans cesse vers des branches plus hautes pour échapper aux chasseurs, condamnés à vivre sans passé, sans mémoire, à trancher les liens qui pourraient les trahir, les retenir. P. 363-364

Gaëlle NOHANT réussit avec brio à lier les deux itinéraires, celui d'un homme et celui d'un pays. Nul doute que de nombreuses recherches documentaires ont été nécessaires en amont pour permettre à la petite histoire de s'intégrer dans la grande et le travail de l'écrivaine mérite d’être souligné. Elle dit leur avoir consacré une grande partie de sa vie ces deux dernières années, et elle ne compte pas toutes ces années qui depuis son adolescence l'ont mise sur le chemin de ce homme à la plume et au destin extraordinaire.  

 

Personnellement, c'est dans la 4ème que la force du propos m'a le plus fait vibrer. Donner la voix à Youki, la femme qui a partagé la vie de Robert DESNOS, était un pari audacieux, un changement de perception qui se révèle parfaitement maîtrisé et permet d'achever cette lecture dans la plus grande émotion, bravo.

 

Enfin, la prose de ce poète n'aurait pas été ce qu'elle est sans la plume de Gaëlle NOHANT. Je ne la connaissais pas encore (personne n'est parfait !), c'est aujourd'hui chose faite et en beauté s'il vous plaît. Gaëlle NOHANT a un talent fou et outre le fait que sa plume soit fluide et agréable à lire, elle retranscrit avec beaucoup de subtilité la vie du poète et la singularité de son regard porté sur la société.  N'est-ce pas d'ailleurs là un point commun entre le personnage du roman et son auteure ? A la lecture de ce paragraphe :


Cette attention au monde fait de lui ce passant invisible, cette pellicule que tout impressionne. Ses mots tentent de capturer le frémissement, l'instant où quelque chose d'inédit se produit, un accident, une rencontre miraculeuse ralentissant la course éperdue de chacun vers sa mort. P. 76

je me suis dit que si Gaëlle NOHANT décrivait là la posture de son personnage, elle n'était pas bien loin elle-même de l'adopter avec tout autant de sensibilité.

 

Assurément, ce roman est un petit bijou de la littérature. C'est un coup de coeur !

 

Je tiens à remercier PriceMinister pour cette très belle aventure des Matchs de la Rentrée Littéraire. Après L'insouciance de Karine TUIL l'année dernière, "Légende d'un dormeur éveillé" de Gaëlle NOHANT cette année, je ne peux qu'attendre avec beaucoup d'impatience l'édition 2018 !

 

Petit clin d'oeil enfin à la Librairie Richer et à Jackie, elle en avait fait l'éloge lors de cette soirée dédiée à la rentrée littéraire, j'avais su patienter, pour mon plus grand plaisir aujourd'hui !

 

Cette lecture s'inscrit dans le cadre du Challenge 1% Rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres après :

Légende d'un dormeur éveillé de Gaëlle Nohant *****

Luwak de Pierre Derbré ***** Coup de coeur

Les Peaux rouges de Emmanuel BRAULT ****

Le grand amour de la pieuvre de Marie BERNE ***

Mina Loy, éperdument de Mathieu TERENCE ****

Minuit, Montmartre de Julien DELMAIRE *****

Le jour d'avant de Sorj CHALANDON *****

Un funambule sur le sable de Gilles MARCHAND ***** Coup de coeur

Un dimanche de révolution de Wendy GUERRA ****

 

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commentaires

K
Et bien dis donc, que tu en parles bien ! Ca me donnerait presque envie de le lire...
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T
J'espère Krol !!!
E
Assurément tu me donnes vraiment envie de lire cet opus !<br /> Desnos, enfin ses poèmes dont je me suis souvent "servie" dans mes différentes classes maternelles. Les chantefables, une mine pour moi à l'époque ! Une fourmi de 18 mètres de long... Ça ne s'oublie pas ! Je voulais lire ses écrits sur cette période que tu cites, merci de le rappeler. Je note bien sûr ce titre d'une auteure que je ne connais pas !<br /> A bientôt
Répondre
T
Avec ce que je connais de tes lectures, je pense qu'effectivement, tu devras apprécier ce roman, et cette plume. Moi non plus, je ne connaissais pas l'écriture de Gaëlle NOHANT, et bien, c'est une très belle découverte ! Ma fille ne cesse de me rappeler que je dois lire "La part des flammes", je crois que je ne vais plus pouvoir beaucoup résister ! Belle lecture et à très vite sur la toile...
Z
Ce fut aussi un gros coup de coeur pour moi
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T
Ravie de le partager avec toi, c'est un grand roman, qu'on se le dise !

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