Après avoir dévoré goulûment le roman de Martine MAGNIN "Qu'importe le chemin...", un immense coup de coeur, j'ai souhaité creuser un peu plus le sillon de la maison d'édition L'Astre bleu (que je remercie vivement pour cette nouvelle lecture !) et c'est ainsi que j'ai découvert un roman susceptible de m'intéresser "Quatorze appartements" de Agnès KARINTHI.
Passionnée d'urbanisme, j'aime explorer l'hypothèse d'un éventuel conditionnement des comportements sociaux par les formes urbaines d'habitat. C'est donc assez naturellement que je me suis lancée dans cette lecture et une nouvelle fois, j'ai bien fait !
La narratrice est mère de famille, elle a 3 enfants. Elle partage sa vie avec Damien, son mari, qui un jour lui annonce un projet de mutation professionnelle. Rapidement, la décision est prise, la famille le suit, la narratrice cherchera un nouvel emploi là-bas. La ville de Lyon remplace celle de Nantes. La famille emménage dans un petit immeuble de 14 appartements. Une fois passées les préoccupations d'aménagement du nouveau nid familial, les premiers signes d'ennui font leur apparition. La narratrice commence à imaginer une voie d'intégration dans ce nouvel environnement via des relations de voisinage. C'est ainsi qu'elle va commencer à repérer les heures d'entrée et sortie de chacun, trouver un moyen de sortir elle aussi sur le créneau horaire convoité pour forcer un peu les choses. Mais 13 familles, ça fait beaucoup. Alors, elle va ouvrir un petit carnet, à l'image d'un journal intime, et prendre des notes sur chacun, qui vit avec qui ? etc. Si certains accueillent assez naturellement cette nouvelle relation, d'autres au contraire vont la fuir. C'est une toute nouvelle vie qui commence pour la narratrice, pour le meilleur et pour le pire !
Ce roman pose très rapidement la question de l'identité des territoires (ses codes, ses références, ses traditions...) :
Adieu bigorneaux, soles, crabes, plateaux de fruits de mer, mâche, Muscadet sur lie, hortensias, jonquilles et muguets de premier mai. Bonjour cochonailles, quenelles, tripes, cervelles de canut, Côtes du Rhône, pichets de Beaujolais, saucissons à cuire, grattons de toutes sortes. P. 37
Les plats régionaux comme les vins sont autant d'éléments culturels qui constituent le patrimoine des habitants d'un terroir. Autant ils relèvent de l'évidence quand on y baigne, autant ils peuvent paraître inaccessibles quand il s'agit de les faire siens. Un simple déménagement d'une région à une autre montre les fragilités de l'individu et sa perte de repères, on ose à peine imaginer les conséquences d'un exil, d'un déracinement quand les frontières d'un pays sont franchies.
Ce roman pose aussi la question de l'intégration. Qu'est-ce qu'être intégré ? Si elle est régulièrement abordée aujourd'hui dans les médias à propos des migrants, ce roman, lui, parle d'une autre dimension de la migration, tout aussi traumatisante pour ceux qui la vivent. Pour la surmonter, le travail et la scolarité des enfants constituent de véritables leviers comme autant d'opportunités pour se lier à d'autres.
Pour celles et ceux qui n'ont pas cette chance, les choses sont plus compliquées, à l'image du personnage d'Odile, cette S.D.F. qui va élire domicile quelques heures dans l'entrée de l'immeuble. Le logement, il y a celles et ceux qui en ont un permanent et d'autres qui n'ont que des solutions temporaires, les exposant à des cohabitations pleines de risques. C'est aussi l'un des visages de notre société d'aujourd'hui !
Le roman de Agnès KARINTHI se focalise sur les relations humaines et leurs subtilités, sur l'interculturalité aussi.
Je n'avais plus qu'à ranger ma superbe, m'affaisser à mon tour et me laisser entraîner par sa douleur. Un peu d'empathie après l'indifférence. Je devais paraître incohérente en passant ainsi d'un extrême à l'autre. P. 185
Il montre avec quelles facilités elles peuvent parfois s'établir et avec quelles souffrances elles peuvent aussi se rompre. Il y a les relations de voisinage bien sûr, mais aussi les relations familiales, amicales, amoureuses... bref, tout ce qui lit les êtres humains entre eux, avec des bases plus ou moins bienveillantes, l'individu peut-être pervers aussi !
J'ai découvert avec beaucoup de plaisir la plume de Agnès KARINTHI, mais pas que. En fait, cette auteure est également une lectrice, et plus encore, une blogueuse. Je vous invite à lire ses chroniques, nul doute que vous y trouverez quelques références de lectures à venir.
Cette lecture participe aussi au Challenge de la Rentrée Littéraire MicMelo de janvier 2017 !
Quatorze appartements de Agnès KARINTHI ****
Les vérités provisoires de Arnaud Dudek ****
Un fils parfait de Mathieu Menegaux ***** Coup de coeur
Marx et la poupée de Maryam Madjidi ****
Elle voulait juster marcher tout droit de Sarah Barukh ****
Outre-mère de Dominique Costermans ****
Vermeer, entre deux songes de Gaëlle Josse *****
Maestro de Cécile Balavoine ***** Coup de coeur
Marguerite de Jacky Durand *****
Les indésirables de Diane Ducret ***** Coup de coeur
Mon ciel et ma terre de Aure Atika *****
Nous, les passeurs de Marie Barraud *****
Pour que rien ne s'efface de Catherine LOCANDRO *****
Principe de suspension de Vanessa BAMBERGER ****
Les parapluies d'Erik Satie de Stéphanie KALFON ****
Coeur-Naufrage de Delphine BERTHOLON ***** Coup de coeur
Presque ensemble de Marjorie PHILIBERT ***
La baleine thébaïde de Pierre RAUFAST ****
L'article 353 du code pénal de Tanguy VIEL ****
Ne parle pas aux inconnus de Sandra REINFLET ****
La téméraire de Marine WESTPHAL *****
Par amour de Valérie TONG CUONG ***** Coup de coeur
La société du mystère de Dominique FERNANDEZ ****
L'abandon des prétentions de Blandine RINKEL ****
La sonate oubliée de Christiana MOREAU ****
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