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2017-08-08T20:26:03+02:00

Un dimanche de révolution de Wendy GUERRA

Publié par Tlivres
Un dimanche de révolution de Wendy GUERRA

Editions Buchet Chastel


Traduit de l'espagnol (Cuba) par Marianne MILLON


Babelio et les éditions Buchet Chastel ont eu la formidable idée d'organiser une Masse critique estivale, avec un bon goût d'avant-première de la rentrée littéraire 2017. Je les en remercie vivement !


Impossible de passer à côté d'une telle opportunité de découvrir une nouvelle plume, celle de Wendy GUERRA, et de surfer sur cette vague qui nous grise toutes et tous !


Le roman "Un dimanche de révolution" ne sera disponible en librairie que le 24 août prochain, mais j'ai décidé de vous livrer ma chronique dès maintenant, histoire de vous mettre en appétit.


Allez, je vous emmène en voyage, nous partons pour Cuba !


Cléopatre Alejandra dite Cléo, la trentaine, est poétesse. Son recueil de poèmes "Avant le suicide" vient de recevoir le premier prix d'un concours de littérature espagnol. Elle pourrait être heureuse mais voilà, ses parents sont décédés dans un accident de voiture tout récemment, elle vit à la Havane et se sent terriblement seule. Son escapade à l'étranger pour recevoir son prix ne viendra que renforcer ce sentiment à son retour en terre cubaine où les amis prennent de la distance. Cléo ferait-elle partie des indésirables pour le citoyen cubain ? et pour le parti alors ?


J'ai lu, il n'y a pas très longtemps, "Tea time à New Delhi" de Jean-Pol HECQ qui m'a donné l'occasion, aux côtés du Che, de prendre le pouls de cette île à la sortie de la révolution. Nous étions en 1959.

Ce roman de Wendy GUERRA "Un dimanche de révolution" qui met en scène une jeune femme d'aujourd'hui, écrivaine, laisserait-il à penser que la révolution n'est pas finie ? C'est ce que nous propose d'explorer l'auteure en décrivant le quotidien de cette artiste, harcelée dans sa vie privée comme dans sa vie professionnelle, par le pouvoir en place. Tout est prétexte à une fouille, qu'il s'agisse de l'appartement comme du corps humain. Le régime en place se méfie de chaque citoyen et s'organise pour tout connaître de son intimité. Alors, quand le personnage principal est artiste et qu'il aspire à une liberté, sinon de mouvement, à tout le moins intellectuelle, les frustrations sont énormes.


Et quand vous imaginez que vos propres amis sont eux aussi acquis à la cause du régime et qu'ils risquent à tout moment de vous dénoncer pour un quelconque propos, une attitude qu'ils jugent suspectent, comment survivre ? Ce roman ne donne en rien une réponse, il pose lui-même de très nombreuses questions, le.a lecteur.rice se trouve de fait interpeller par l'itinéraire de cette jeune femme.


J'ai été particulièrement sensible à l'oppression des hommes et des femmes, au quotidien, par un régime dictatorial. Jusque dans la mode, les principes d'uniformité sont donnés, impossible à chacun d'avoir sa propre personnalité et de la revendiquer :
 


Ici, la mode, ces dernières années, a consisté à vivre le dos tourné à la mode. Il est politique correct de se montrer humble. On déconseille de porter quelque chose d'onéreux, bien coupé, extravagant, hors du commun, unique, se distinguant de la masse, qui rappelle qu'il existe une autre façon de vivre, on déconseille d'être unique. P. 53

Avec ce type de roman, il nous est rappelé ô combien notre liberté est précieuse. Ce qui pourrait paraître anodin dans le quotidien, comme la manière de s'habiller, ne vient que renforcer ce sentiment de harcèlement du régime jusque dans les moindres détails de votre quotidien.


Mais ce n'est finalement presque rien à côté de l'obsession d'être écouté :
 


En réalité, le véritable micro, quand tu as parlé tout bas pendant des années et renoncé à dire ce que tu penses, le véritable instrument, il vit en toi. P. 68

Ce qui m'a impressionnée dans ce roman, c'est cette mutation de l'individu dans un environnement qui l'assaille. J'ai entendu parler de ces animaux qui mutent et qui deviennent par exemple herbivores avec le temps, faute de trouver la chair sensée subvenir à leurs besoins. Les cubains sont à cette image. Ils ont tellement appris à être écoutés qu'ils renoncent tout simplement à l'expression. Wendy GUERRA démontre avec ce roman le degré d'aliénation de l'individu.


Alors, bien sûr, certains décident de quitter l'oppression et de partir pour les Etats-Unis. Mais là, vous serez étiqueté(e)s à jamais par le régime. Si un jour l'idée vous venait de rentrer sur cette terre de vos origines, il s'agirait d'un voyage à vos risques et périls.
 


Une fois que tu décides de vivre là-bas, tu n'es plus jamais considéré comme une personne de confiance ; tu deviens cette cible sur laquelle on nous a appris à tirer. On te suspectera, on te suspectera, on te suspectera, car tu n'es pas un simple touriste américain, non, tu es un déserteur cubain passé dans les rangs de l'exil. P. 61

Wendy GUERRA, elle-même écrivaine, choisit avec l'itinéraire de Cléo de parler des auteurs et du poids de la censure. Elle évoque à quel point il est difficile de s'abstraire du régime pour s'autoriser à poser des mots sur des pensées et ainsi permettre à la littérature de s'épanouir.
 


Il faut apprendre à survoler la carte littéraire et politique d'un pays et assainir son esprit pour écrire sans peur, mais cela ne s'obtient qu'en travaillant. P. 112

Ce roman a peut-être quelque chose d'autobiographique. C'est une des questions que j'aimerais poser à Wendy GUERRA si l'opportunité m'était donnée d'échanger avec elle.


"Un dimanche de révolution" est un roman qui donne à voir l'histoire contemporaine d'un territoire insulaire enkysté dans un passé dictatorial, salutaire assurément, de ceux qu'il convient de lire pour ouvrir les yeux sur une réalité d'aujourd'hui.

 

Le propos est puissant, la langue acérée. Si dans son pays, sa voix est écoutée, offrons lui nous la possibilité de rayonner hors de ses frontières et d'être chez nous entendue !

 

Cette lecture concourt au challenge lancé par Délivrer des livres, c'est ma première participation (c'est sa 8ème édition) et ma première chronique publiée. Et de 1 !
 

Un dimanche de révolution de Wendy GUERRA

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