Ce roman fait partie de la sélection des 68 premières fois pour son édition 2017, il clôture cette rentrée littéraire de janvier 2017 et je crois bien pouvoir dire qu'il le fait en beauté.
Je vous explique.
Smita vit en Inde. Mariée, elle a une fille Lalita. Elle fait partie des Intouchables, de ces êtres qui ne sont bons qu'à ramasser les excréments des autres, sa mère le faisait avant elle, chaque jour elle prend son panier de jonc pur débarrasser les riches de ces matières pestilentielles dont l'odeur s'incruste jusque dans les pores de sa peau. Non, Lalita ne fera pas ce métier. Elle l'a décidé et va commencer par envoyer sa fille à l'école. Giulia, elle, a une vingtaine d'années. Sicilienne, elle travaille dans l'atelier de son père à la fabrication de postiches. Passionnée de littérature, elle rêve d'épouser par amour. Non, Giulia n'épousera pas un homme choisi par ses parents. Sarah, enfin, vit à Montréal. Avocate, elle est carriériste, elle vise le sommet. Elle a déjà divorcée deux fois. Elle a 3 enfants qu'elle dont elle n'assure la garde que le week-end. Non, elle ne se laissera pas abattre.
3 femmes, 3 pays, 3 trajectoires distinctes et pourtant un point commun, leur condition de femme. Chacune va, sous la plume d'une écrivaine de talent, trouver la force de dire "non", de lutter contre sa condition, cette prédisposition à un avenir écrit d'avance, par des hommes bien sûr. Outre le fait de partager des prénoms qui se terminent tous par la lettre A (tiens, étrange, celui de l'auteure aussi se termine par un A, Laïtitia !), toutes ces femmes vont un jour trouver quelque chose qui va les raccrocher à la vie, qui va les alléger et les porter pour un nouvel avenir qu'elles vont décider de construire, elles-mêmes, en phase avec leur propre personnalité.
Le procédé est ingénieux, audacieux même. Laëtitia COLOMBANI va créer un lien entre Smita, Giulia et Sara, un lien ténu aussi fin qu'un cheveu. Le roman est ainsi ponctué d'un texte en italique, rédigé comme un poème avec une narration à la 1ère personne du singulier. On comprend que cette 4ème femme travaille à la réalisation d'un ouvrage. Je ne vous en dirai pas plus, c'est là l'un des charmes de ce roman... mais je vais toutefois partager avec vous quelles lignes qui me paraissent d'une grande sensibilité :
Parfois, mon esprit s'échappe de cet atelier,
Et m'entraîne
Vers des contrées lointaines,
Vers des vies inconnues,
Dont les voix me parviennent
Comme un écho ténu,
Et se mêlent à la mienne.
P. 63
Bien sûr, il y a de la fragilité, il y a des périodes de doute, de crainte, mais il y a surtout de l'optimisme, une force incroyable, une puissance qui se dégage de ces pages, comme un hymne au pouvoir des femmes. A l'image de la couverture de ce roman teintée d'un jaune ô combien lumineux, c'est toute la condition féminine qui rayonne avec ce livre.
Je me souviens très bien encore de la lecture de l'essai de Nathalie LOISEAU "Choisissez tout", le propos est là sensiblement le même mais transposé dans une fiction très bien menée et par qui, dites moi, une femme bien sûr !
Bravo à Laëtitia COLOMBANI pour ce très beau 1er roman, c'est certain, cette écrivaine est promise à un très bel avenir.
Celle lecture s'inscrit dans le cadre de la sélection des 68 premières fois pour son édition 2017 :
La tresse de Laëtitia Colombani *****
Marx et la poupée de Maryam Madjidi *****
Elle voulait juster marcher tout droit de Sarah Barukh ****
Outre-mère de Dominique Costermans ****
Maestro de Cécile Balavoine *****
Marguerite de Jacky Durand *****
La plume de Virginie Roels ****
Mon ciel et ma terre de Aure Atika *****
Nous, les passeurs de Marie Barraud *****
Principe de suspension de Vanessa Bamberger *****
Les parapluies d'Erik Satie de Stéphanie Kalfon ****
Presque ensemble de Marjorie Philibert ***
Ne parle pas aux inconnus de Sandra Reinflet *****
La téméraire de Marine Westphal *****
La sonate oubliée de Christiana Moreau ****
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