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2017-02-06T19:05:36+01:00

Par amour de Valérie TONG CUONG

Publié par Tlivres

 

Editions Lattes

Je vais me livrer à un exercice difficile : chroniquer un coup de coeur. Je ne sais pas si vous ressentez la même chose, mais moi, lorsqu'il s'agit d'un coup de coeur, je crains toujours de ne pas être à la hauteur de la qualité de la prose de l'auteure et là, avouez qu'il s'agit d'une plume remarquable.


Valérie TONG CUONG, ce n'est pas une découverte pour moi, j'ai déjà lu de cette écrivaine : "L'ardoise magique", "Pardonnable impardonnable". Ces deux romans ont laissé en moi une empreinte indélébile je crois. Je me souviens des histoires comme si je les avais lues hier, c'est un signe. "Par amour" m'a envoûtée tout autant. D'ailleurs, j'étais prévenue, et vous aussi le serez, avec cette citation qui apparaît dans les toutes premières pages de Julien GUILLEMARD : "C'est à nous d'entrer en lice, avec notre plume la plus acérée au service d'une encre indélébile. Contre les guerres."

 

Tiens, tiens, indélébile, un mot qui prend tout son sens avec ce roman. Je vous explique.


Nous sommes le 10 juin 1940, le décor est planté avec la toute première phrase, une phrase choc :


Dès que maman a poussé la porte, j'ai compris que cette journée serait différente des autres.

Cette manière d'entrer en matière est la signature de Valérie TONG CUONG, cette écrivaine a le talent, en quelques mots, de vous prendre à la gorge et de ne plus vous lâcher !


Lucie est une petite fille, elle a un frère, Jean. Les deux enfants sont élevés par leur mère, Emélie, depuis le départ au front, il y a 9 mois, de leur père. Il n'est rentré qu'une fois. Les enfants côtoient leurs cousins, Joseph et Martine. Leur mère, Muguette, est la soeur d'Emélie. Son mari, Joffre, est également parti au front. Les 2 familles vivent au Havre, ville soumise à un tout récent ordre d'évacuation. Les femmes n'ont pas le choix, elles doivent assurer "l'exode" de leurs familles. Elles vont ainsi prendre la route de Lisieux, puis celle d'Alençon. Elles n'iront jamais jusqu'à destination en raison de l'armistice signé par le Maréchal Pétain avec l'occupant. De retour à la maison, elles reprennent leur vie quotidienne mais rapidement, tout va changer avec la réquisition de l'école du village par les Allemands, celle-là même où sont domiciliés Emélie et Joffre, lui y était employé comme Chef cuisinier.


Valérie TONG CUONG nous plonge dans l'intimité de cette famille depuis les premiers jours de la 2de guerre mondiale jusqu'en août 1945. Elle a choisi le roman chorale, cette forme littéraire ô combien délicate mais tellement réussie. C'est avec les yeux de Lucie, puis de Muguette, d'Emélie et les autres que nous allons vivre cette aventure. Tantôt enfant, tantôt mère de famille devenue cheffe de famille le temps des événements, nous allons aborder les faits par le filtre de différents regards, de quoi nourrir ses réflexions personnelles à bien des égards.


Il suffit de lire le passage dédié à l'embarquement des familles :

 


Le jour s'est levé et, enfin, notre tour est venu. Nous sommes montés sur le bac en silence, craignant à chaque pas qu'un incident ne survienne et n'annule notre traversée tant attendue, à la fois euphoriques à l'idée d'échapper au pire et déchirés de culpabilité, puisqu'il fallait bien laisser derrière nous, acculés à la berge, une marée d'autres malheureux, vieillards, harrassés, mères isolées et chargées de nouveau nés, familles trop nombreuses qui refusaient d'être séparées. P. 45/46

pour imaginer les sentiments partagés de tous ces migrants qui quittent aujourd'hui leur pays en guerre pour un univers qu'ils pensent meilleur, au péril de leur vie bien souvent et aux dépens d'autres populations restées à terre.


J'ai été profondément touchée par les mouvements d'évacuation des enfants. Quand on est mère, impossible de ne pas se projeter dans ce  type de situation !

Je ne soupçonnais absolument pas cette page de notre Histoire avec le départ de nombreux enfants pour les terres algériennes notamment, l'occasion pour l'écrivaine d'évoquer la guerre en terres méditerranéennes, ce n'est pas si fréquent. Cette parenthèse lui a donné également l'occasion d'évoquer les conditions de vie des juifs. Là-bas, ils n'étaient pas mieux traités, une simple abrogation du Décret Crémieux conféra à 110 000 d'entre eux le statut d'indigènes ! 


C'est l'Histoire aussi d'une ville tout entière qui est abordée : Le Havre, dont on découvre les origines familiales de Valérie TONG CUONG. Je me souviens très bien de ce roman de Anthony DOERR "Toute la lumière que nous ne pouvons voir" qui relatait l'Histoire de Saint-Malo à la même période. Nul doute que je me souviendrais très longtemps des images du Havre qui me hantent déjà !


Ce roman revêt, vous l'aurez compris, une dimension historique. Il suffit de consulter les nombreuses références citées dans la bibliographie pour s'en convaincre. A souligner d'ailleurs le travail monumental réalisé par Valérie TONG CUONG pour collecter toutes ces données et les capitaliser au service d'une épopée familiale tenue de bout en bout par une main de maître.


Nous le savons bien, chaque page de notre Histoire ne serait rien sans toutes ces histoires individuelles, familiales, de personnes ordinaires qui, un jour, ont dû choisir leur camp. Valérie TONG CUONG dresse un magnifique portrait de femmes sur qui reposait la survie de leur progéniture. J'ai particulièrement aimé ce passage : 

 


Au dernier instant de mon existence sur cette terre, quand défileront les événements qui auront soulevé la peine ou la joie dans mon coeur de mère et dans mon coeur de femme, le bonheur éprouvé plus tard devant mes enfants mordant dans du pain chaud dansera par-dessus tous les autres, j'en suis sûre. P. 54

Quand malheureusement, elles tombaient malades, c'était un tout autre combat qu'elles avaient à livrer !


J'ai pensé aux bombardements, ces bombes dont j'avais presque oublié l'existence parce que ici, au sanatorium, nous menions notre propre guerre avec nos propres armes, parce que l'envahisseur n'avait ni nationalité ni uniforme, mais qu'il était partout, si petit qu'il fallait un microscope pour le débusquer et si retors qu'il nous occupait à plein temps. P. 243/244

Une question me taraude toujours dans ces circonstances : comment chacun faisait-il pour continuer à se battre, lutter contre les ennemis et affronter les événements ? Valérie TONG CUONG nous propose quelques éléments de réponse :


[...] il fallait apprendre à aimer vivre, et vivre pour aimer. P. 348

Quant au titre du roman : "Par amour", il ne pouvait être plus adapté à ce flot de sentiments qui surgit tel un raz-de-marée, à la vie, à la mort.

 

Un incontournable de cette rentrée littéraire de janvier 2017, assurément !

Cette lecture participe au Challenge de

la Rentrée Littéraire MicMelo de janvier 2017 ! 

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commentaires

K
Jamais lu cette auteure, je sens qu'il va falloir que je m'y mette !
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T
C'est vrai Krol ? Alors, oui, effectivement, je te conseille de découvrir cette plume remarquable. On en reparle sur la toile ! Belle journée à toi.

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