Editions GRASSET
Goncourt des Lycéens 2016
"Petit pays" fait partie des romans sélectionnés par les 68 premières fois, édition 2016.
La famille de Gabriel montre quelques fragilités. Son père est né en France, sa mère au Rwanda, pays qu'elle a quitté à l'âge de 4 ans. Depuis quelques temps, ils ne semblent plus en parfaite harmonie jusqu'au jour où lors d'un dîner chez un ami la colère éclate. La séparation devient inéluctable. Gabriel et sa soeur, Ana, demeurent au domicile familial avec leur père, enfin, quand il est là. Les enfants sont souvent livrés à eux-mêmes. Ils profitent de leur liberté pour s'amuser, monter des plans avec les copains, vivre leur vie. Et puis, un jour, ce n'est plus seulement la famille qui se déconstruit, leur "Petit pays", le Burundi, subit un coup d'Etat. Nous sommes le 21 octobre 1993, le Président Melchior Ndadaye est assassiné. C'est là qu'une toute autre histoire commence !
Ce très beau roman montre à quel point la paix et la cohésion d'un peuple peuvent être fragiles. Les 2 communautés ethniques cohabitaient en toute harmonie jusqu'au jour où les tensions qui se développaient au Rwanda ont commencé à se répandre dans ce "Petit pays".
Bientôt, ces petits riens du quotidien prirent une signification toute particulière :
Comme un aveugle qui recouvre la vue, j'ai alors commencé à comprendre les gestes et les regards, les non-dits et les manières qui m'échappaient depuis toujours. P. 133
Les enfants eurent à se familiariser avec les codes de la guerre. Ils durent apprendre à vivre dans un climat permanent d'insécurité.
L'insécurité était devenue un sensation aussi banale que la faim, la soif ou la chaleur. La fureur et le sang côtoyaient nos gestes quotidiens. P. 173
Choisir son camp est aussi devenu une nécessité :
Hutu ou tutsi. C'était soit l'un soit l'autre. Pile ou face. P. 133
Mais dans un tel contexte, les prises de position peuvent très vite se révéler lourdes de conséquence sur les individus. A la vie, à la mort !
C'est un roman terrifiant construit sur fond de génocide.
Heureusement, Gaël FAYE nous offre une parenthèse avec la complicité établie entre Gabriel et Madame Econopoulos autour des livres. Le jeune garçon s'y approvisionne en romans qui lui offrent un moment d'évasion.
Ce sont les grands amours de ma vie. Ils me font rire, pleurer, douter, réfléchir. Ils me permettent de m'échapper. Ils m'ont changée, ont fait de moi une autre personne.
Un livre peut nous changer ?
Bien sûr, un livre peut te changer !
Et même changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis. P. 169
On voudrait tous avoir dans notre entourage une Madame Econopoulos, à moins qu'on le soit soi-même !
Finir cette chronique sur le pouvoir des livres est particulièrement séduisant. Pour autant, il s'agirait de cacher une actualité qui m'a totalement percutée à la fin de ma lecture : l'assassinat du Ministre de l'Environnement du Burundi tué par balles le dimanche 1er janvier au matin à Bujumbura, cette capitale tellement citée par Gaël FAYE. Entre fiction et réalité, il est parfois difficile de faire la part des choses. Ce "Petit pays" vit une grave crise politique depuis avril 2015 avec au moins 500 personnes tuées et 300 000 exilées.
"Petit pays" m'a permis de porter une attention toute particulière au Burundi et son histoire. C'est une mission que je confie allègrement à la littérature !
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