Editions Grasset
Je ne connaissais pas encore la plume de Dominique FERNANDEZ. Le partenariat Netgalley/Editions Grasset m'a permis de gommer cette imperfection avec la mise à disposition de son tout dernier roman en version e-book, et je les en remercie.
Tout commence avec cette citation de Stendhal extraite de son "Journal" du 18 septembre 1811 dans l'Eglise Santa Croce à Florence : "On m'avait dit que ce tableau était du Guerchin : j'adorais ce peintre au fond du coeur. Point du tout ; on me dit deux heures après qu'il était d'Agnolo Bronzino, nom inconnu pour moi." En ouvrant ce roman, j'étais comme Stendhal, je ne connaissais pas Agnolo BRONZINO, ce peintre florentin !
J'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir sa vie. Et comme "Les plus belles découvertes cesseraient de me plaire si je devais les garder pour moi, je vous emmène avec moi en Italie. Nous allons remonter le temps et partir à la découverte du XVIème siècle, celui-là même qui a donné lieu à la production de nombreuses oeuvres de peintres d'un immense talent.
Le petit Agnolo BRONZINO est né d'un père boucher à Monticelli et d'une mère aide-bouchère mais aussi brodeuse la nuit au service de Julien de Médicis. Depuis sa plus tendre enfance, il a reçu une éducation du beau, de l'art, et c'est dans cette voie qu'il va envisager son avenir. Sur son chemin, il va rencontrer Jacopo PONTORMO, ce peintre florentin, très tôt orphelin de parents emportés par la peste. L'apprenti va partager sa vie avec son maître et l'accompagnera avec fidélité jusqu'à ses funérailles.
Ce roman historique est tout simplement une pépite.
Particulièrement fouillé, il fait référence à de nombreux événements ayant ponctué l'Histoire de l'Italie. Le dernier roman de Dominique FERNANDEZ nous permet d'aborder toute une page du passé de ce territoire. j'ai beaucoup appris à sa lecture !
C'est en prenant appui sur ce contexte historique et notamment le régime de l'Inquisition que l'auteur du roman nous fait prendre conscience de l'incontournable liberté pour permettre à l'artiste de s'exprimer et être à son apogée.
Nul ne peut devenir un grand artiste s'il n'est pas d'abord un homme libre. P. 132
Côté artistique, ce roman constitue un véritable catalogue d'oeuvres réalisées au XVIème siècle, depuis "L'Assomption de la Vierge" de Rosso ou bien de Titien jusqu'à "David" ou "Judith" de Donatello, en passant par "Sacra Conversazione" de Jacopo PONTORMO...
Dominique FERNANDEZ va plus loin en nous exposant les rivalités entretenues entres les différentes villes d'Italie, chacune ayant son genre. Alors que les peintres florentins s'évertuaient à représenter des hommes avec des visages tristes, voire blafards, les peintres vénitieux, quant à eux, se focalisaient sur des femmes bien en chair, gaies, radieuses, qu'ils dénudaient à l'envi.
Leurs modèles sont presque tous féminins. [...] En outre, ils ne craignent pas de les montrer toutes nues et de face. Très peu d'hommes, et jamais d'hommes nus. P. 44
Les échanges entre clans et la compréhension mutuelle ne semblent pas de mise.
La vision équilibrée, robuste, optimiste des Vénitiens, leur manière de peindre des visages invariablement sereins, invariablement lumineux, non seulement lui étaient étrangères, mais encore lui répugnaient. P. 46
Il ne me reste plus qu'à aller les voir en vrai, mon sac à dos est prêt pour le mois de juin, la vie est bien faite, non ?
J'ai beaucoup apprécié aussi d'aborder le travail de l'artiste et tout particulièrement le lent cheminement qui mène de la création à la réalisation :
Tout peintre est à la fois esprit - par le regard pensif qui médite, en retrait - et matière - par la main qui exécute. D'abord la contemplation, longue, attentive, réfléchie, qui se fait à distance, puis le geste, rapide, immédiat, rapproché. P. 140
C'est aussi la portée de l'art en général qui m'a transportée, le pouvoir des oeuvres d'offrir de nouveaux horizons :
A quoi bon les artistes, s'ils cessaient de fournir par des sensations agréables un contrepoids aux misères de la vie ? P. 51
Mais, sujet plus singulier, Dominique FERNANDEZ va nous faire découvrir l'intimité des peintres, la face cachée de leur existence. Et là, j'avoue avoir également eu quelques surprises. J'étais loin de soupçonner effectivement que les Maîtres abusaient sexuellement de leurs Apprentis et que les hommes forniquaient ensemble à n'en plus finir. Les oeuvres de Jacopo PONTORMO se voulaient représentatives de ces mœurs perverses au risque de déplaire au régime en place et de mourir dans la plus grande solitude. Michel-Ange, lui, auraient eu quelques soutiens pour ne pas entacher sa notoriété...
C'est un magnifique roman historique sur l'art. Il m'a rappelé avec beaucoup de plaisir "Le Turquetto" de Metin ARDITI.
Impossible de vous quitter sans faire l'éloge de ma liseuse. Et oui, elle a réussi à remplacer un pavé de 555 pages par quelques centaines de grammes, une vraie prouesse. Je crains fort que cette petite chose-là soit un peu addictive !
Cette lecture participe au Challenge de
la Rentrée Littéraire MicMelo de janvier 2017 !
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