Hasard des choix de lectures, "Chemins" de Michèle LESBRE et "De père légalement inconnu" de Françoise CLOAREC traitent de cette même quête d'origine avec cette singularité de la recherche du père !
Il n'aura pas fallu, pour Camille, plus qu'un parfum de rouge à lèvres essayé sur Paris pour que ressurgissent avec une violence inouie les souvenirs d'une soirée passée avec sa mère en ao dai blanc satiné, cette tenue traditionnelle vietnamienne.
Depuis une quarantaine d'années, Camille est en quête de son père. Sa mère, Thi Vien, est décédée depuis 10 ans maintenant. Elle est partie avec son secret. Camille a déjà mené de nombreuses enquêtes mais qui, malheureusement, n'ont jamais abouti. Son fils lui conseille d'explorer une dernière piste avant d'abandonner...
Autant vous le dire tout de suite, ce roman est un coup de coeur. Dès les premières pages, j'ai été captivée par la quête de cette femme sur les traces de son histoire personnelle qui donne un éclairage éblouissant sur l'Histoire de France.
Remontons au début des années 1940, le Vietnam est encore une colonie française. Le Viet Minh, mouvement communiste, revendique l'indépendance de ce territoire à partir de 1945. La France y déploie alors ses forces armées, et bientôt, le conflit prend la dimension d'une véritable guerre à laquelle les Français capituleront en 1954.
Entre-temps, des militaires, des hommes, vivent au contact des populations, en particulier des femmes. Des rapprochements s'opèrent, certains par la voie de la prostitution, d'autres par celle de l'amour. Des enfants naissent de ces relations avec un avenir méconnu que ce roman de Françoise CLOAREC a le mérite de dévoiler.
Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus mais je voudrais vous inciter vivement à le lire parce que 3500 enfants ont vécu un parcours absolument ahurissant. N'oublions pas que ces enfants ont grandi et sont aujourd'hui des personnes âgées, ils sont certainement devenus parents, ils sont peut-être des grands parents, et c'est donc toute une filiation qui porte les traits de ce passé.
Dès les premières pages, j'ai été séduite par la plume de Françoise CLOAREC, une plume délicate, poétique, qui traite des sentiments avec pudeur et respect, à l'image de la mère de la narratrice.
C'est un roman qui donne à voir l'interculturalité, le mélange des genres, la difficulté des êtres à trouver des repères pour se construire, et l'importance des objets, des décors, des parfums, qui font la richesse de la vie quotidienne et imprègnent les individus jusqu'au plus profond d'eux-mêmes...
Le soir, Thi Vien lui raconte des histoires, contes et légendes. Pour Camille, le vietnamien est la langue de l'amour, celle qui berce son sommeil et ses rêves, celle qu'elle retrouve au réveil. Les mots sont liés à tout son être, à des essences, des saveurs, des effleurements, à la soie, à des brumes, aux scintillements d'une pluie. P. 79
C'est aussi un roman qui s'attache à montrer que la vie d'enfants a reposé sur des choix réalisés par des hommes, qu'il n'y avait pas une seule position possible mais au moins 2 envisageables, que les femmes n'avaient alors pas de droit particulier dans le destin des fruits de leur propre chair. Décider c'est renoncer. Quand il s'agit d'avenir d'enfants, ces décisions ont des conséquences incommensurables qui se transmettent de génération en génération.
Cette écrivaine, je ne l'avais pas repérée par le passé, et pourtant, il s'agit de l'auteure de "La vie rêvée de Séraphine de Senlis", roman qui a été porté au cinéma par Martin PROVOST avec Yolande MOREAU !
Ce roman m'a profondément émue, j'en suis bouleversée.
Il fait partie de la sélection du Prix Cezam 2015. Je vais devoir revoir mon classement pour le glisser en 2ème place, juste derrière "Le dernier gardien d'Ellis Island" de Gaëlle JOSSE qui reste toujours mon choucou !
Voici donc mon classement actualisé :
1 Le dernier gardien d'Ellis Island de Gaëlle JOSSE,
2 De père légalement inconnu de Françoise CLOAREC
3 Le complexe d'Eden Bellwether de Benjamin WOOD,
4 Le liseur du 6h27 de Jean-Paul DIDIERLAURENT,
5 L'oubli de Emma HEALEY.
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