Nous sommes en 1954. Dans 9 jours, le centre de l'île d'Ellis Island sera fermé. Le compte à rebours est lancé et le dernier gardien décide de rédiger ses mémoires.
Il se souvient de cette île, située au large de New-Yord, au Sud de Manhattan, qui fut à partir de 1927, le lieu d'accueil incontournable de tous les immigrants venus d'Europe. Pas moins de 12 millions de personnes y ont séjourné après avoir vécu des conditions de navigation parfois miraculeuses. Il restait encore à subir un examen de santé et à répondre aux 29 questions pour oser espérer poser les pieds sur le territoire américain.
Les immigrants dans le chaudron d'Ellis, dans ces fonts baptismaux gigantesques, ressortaient sous forme de citoyens américains, libres et égaux, priés de travailler dur, de parler anglais et d'utiliser des dollars en lieu et place de lires, de zlotys ou de roubles. P. 116
Et puis, avec l'évolution des politiques de l'immigration, le centre a été réaffecté, dans un premier temps, en un terrain d'entrainement pour les militaires et enfin, comme ultime lieu de résidence pour les prisonniers politiques avant leur expusion. 7 000 Italiens, Japonais, Allemands y seront accueillis avant d'être réexpédiés vers leur terre d'origine.
Le dernier gardien a passé toute sa carrière à gérer au mieux ce centre. Il y a consacré 45 années de sa vie. Alors, pendant tout ce temps, il a aussi eu le loisir de vivre quelques instants d'humanité. Il y a vécu des moments de bonheur intense, il revient aussi sur ses faiblesses et ses souffrances.
C'est un véritable coup de coeur pour ce roman court mais où les émotions sont à leur comble. L'écriture est concise, les phrases sont denses.
Elle y parle de l'exil :
Il faut avancer, s'adapter à une autre vie, à une autre langue, à d'autres gestes, à d'autres habitudes, à d'autres nourritures, à un autre climat. Apprendre, apprendre vite et ne pas se retourner. P. 19
Je voudrais également saluer le travail de recherche réalisé par Gaëlle JOSSE et ce devoir de mémoire qu'elle assure avec talent. Outre le fait de nous livrer un roman sur cette page de l'Histoire des Etats Unis, Gaëlle JOSSE va plus loin en mettant en ligne sur internet toute la documentation qu'elle a pu collecter sur le passé de cette terre insulaire. On y trouve des photos, des poèmes, de la musique avec des vidéos... Gaëlle JOSSE a convoqué toutes les formes artistiques, une démarche ingénieuse et remarquable !
Sans le Prix littéraire CEZAM 2015,
je serai peut être passé à côté de cette perle.
Ce roman en prend la 1ère place.
Petit récapitulatif de mon classement :
Le complexe d'Eden Bellwether de Benjamin WOOD
occupe la 2ème place,
L'oubli de Emma HEALEY,
la 4ème !
Manifestement, je ne suis pas la seule à l'avoir apprécié... L'oeuvre de Gaëlle JOSSE fait partie des 3 derniers romans en lice pour le 61ème Prix des Libraires qui sera remis le vendredi 20 mars prochain, au Salon du Livre de Paris. J'y serai !
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