Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

2021-04-17T06:00:00+02:00

Les monstres de Charles ROUX

Publié par Tlivres
Les monstres de Charles ROUX

Les éditions Rivage

Les romans des 68, ils arrivent par la poste ou bien circulent « sous le manteau » entre angevin.e.s averti.e.s. Je ne connais rien de leurs sujets, ni des auteurs.rices qui les ont écrits (quoi de plus normal quand il s’agit de promo-romancier.e.s !). J’aime laisser les fées faire leur choix dans la rentrée littéraire et m’offrir le plaisir de marcher dans leurs pas.

Je ne lis pas non plus les 4èmes de couvertures depuis 2, 3, peut-être 4 années. Si avec « Les monstres » de Charles ROUX, j’avais décidé de faire une exception, my god, quel sacrilège !

Ce roman, si vous ne l’avez pas encore lu, d’abord, réjouissez-vous. Et puis, dites-vous que le jeu en vaut la chandelle.

Pour celles et ceux qui me connaissent (bien), vous vous dites que cette chronique ne me ressemble pas, que je tourne autour du pot (et quel pot ? Le chaudron d’une sorcière peut-être... qui sait ?) et vous avez sacrément raison. 

Je me la joue un peu à la Charles ROUX... mais la différence entre lui et moi, c’est que lui a du talent ! Avec presque rien, il vous dit presque tout ! Je sors de plus de 600 pages dont je me suis délectée. Ce roman, c’est une prouesse littéraire. Donc...

Je vous présente David, un homme, un mari, un père de famille, un businessman à qui tout réussit. Il vit dans le luxe, il brille, il rayonne. Il s’offre des orgies la nuit, fume, boit, se drogue et trompe sa femme, bref, il brûle la chandelle par les deux bouts, au risque de se brûler les doigts ! Et puis, il y a Alice, une femme ordinaire, célibataire endurcie, professeure d’histoire, qui mène une vie fade, sans excès, sans fioriture. Elle craint la nuit plus que tout. Au coucher du soleil, elle baisse les volets et ferme les rideaux. Elle vit recluse. Tout juste si elle s’offre une petite fantaisie, celle d’essayer de donner corps à une boule d’argile. Ses premières créations sont ramassées dans une boîte. Alice l’avoue, elle n’a pas de talent. Et pourtant... Enfin, il y a Dominique, un homme le jour, une femme la nuit. Dominique joue avec les codes, les apparences. La réussite est venue à lui, il est aujourd’hui propriétaire d’un cabinet de curiosités, il est à la tête de tout un tas de collections aussi hétéroclites qu’extravagantes. Il gère un restaurant d’une douzaine de couverts. Allez, à table !

Charles ROUX nous a cuisiné un festin.

En amuse-bouche, le jeu de l’écriture.  L’écrivain, par un stratagème tout à fait EXTRAordinaire et un peu de poudre de Perlimpinpin, va rebattre l’ensemble des cartes. Je ne vous en dis pas plus sauf que les petits fours sont succulents.

En entrée, Les personnages. J’y reviens. Charles ROUX en fait une approche psychologique ciselée. Si l’écrivain en écrit des pages sur ce qui fait d’eux ce qu’ils sont, tels qu’ils s’affichent aux autres, vous comprendrez qu’il prenne un temps insoupçonné à gratter le vernis d’un tableau trop bien brossé jusqu’à le faire craqueler. Là, plus rien ne peut lui résister. J’ai adoré.

Pour le plat de résistance (qui porte très bien son nom !), le jeu de la narration. Il est, lui aussi, époustouflant. Je ne vous ai pas tout dit. Il y a un personnage supplémentaire, une petite voix qui tutoie David, vouvoie Alice, et prend de la distance vis-à-vis de Dominique. Le travesti, elle regarde son jeu et le relate, pour en faire... un roman ! Loin de me désarçonner, ce plat, je l’ai savouré.

 

Pour le plateau de fromage, Charles ROUX a vu grand avec « Les monstres ». Il y en a pour tous les goûts : le golem, le zombie, le wendigo, la sorcière, le démon... bref, vous aurez le choix !
 
En dessert, le café est gourmand avec une grande diversité de desserts en version mignardises. 


J’ai beaucoup aimé le rapport au temps, nos souvenirs, notre mémoire...


Les atmosphères, hein, pas les moindres détails bien sûr, car ces fils qui te relient à un passé lointain se sont emmêlés. Trop nombreux, trop semblables, trop abimés, ils se sont mués en une boule impossible à détricoter. P. 284

et la longue réflexion autour de l’avenir des cabinets de curiosités, ces témoins de temps révolus. La page 121 (notamment) est remarquable. On pourrait élargir le sujet aux musées, bref, à tout ce qui raconte notre Histoire. À une autre échelle, il y a ce rapport qu'entretient l'individu au matériel. Les objets, les vêtements, les meubles de décoration... Charles ROUX nous offre de quoi méditer sur les reliques de nos petites histoires.

"Les monstres", c'est un roman social pour ce qu’il dit de notre monde moderne, un univers de la banque axé exclusivement sur les objectifs, l’occasion de pressuriser ses salariés sans modération, le monde de l’enseignement dans lequel des hommes et des femmes arrivent par défaut comme la voie royale de celles et ceux qui ont fait des études universitaires sans orientation claire. Il y a aussi la révélation de la solitude dans laquelle vivent beaucoup aujourd’hui, en particulier dans la capitale, là où l’urbanisme confine ses habitants dans quelques mètres carrés seulement, là où les transports circulent dans des galeries souterraines...

Le sujet des transgenres est aussi abordé à travers le portrait de Dominique. Derrière le cliché des paillettes et de la scène, d’autres réalités se cachent, celles de la vie quotidienne, de son identité, mais aussi des sujets éthiques autour de la mutation biologique.

Plus globalement, "Les monstres" est un roman qui interroge notre rapport à la norme. Il nous propose de faire le pas de côté. C’est de la magie, du surnaturel, appelez ça comme vous voulez, mais moi, j’ai succombé.

Et puis, l'écrivain explore le mensonge et là, l'approche est remarquable.

Le repas aurait pu être horrible comme on suppose que « Les monstres » le soient, il est en réalité profondément jubilatoire. C’est un hymne à l’authenticité, sa vraie personnalité, son « moi », c’est une ode à la liberté, une invitation à s’émanciper de nos enveloppes, nos apparences, pour, plus que vivre, EXISTER.

Dans une plume foisonnante, Charles ROUX invite ses personnages à porter leurs plus beaux habits. Il nous offre, à nous, un repas fastueux. 

Pour terminer en beauté, place au bal des 68. Pour la 11ème danse, un petit morceau de rap, ça vous dit ?

Retrouvez les autres romans de cette sélection 2021 :

"Le sanctuaire" de Laurine ROUX"

"Over the rainbow" de Constance JOLY

"Avant le jour" de Madeline ROTH

"Il est juste que les forts soient frappés" de Thibault BERARD

"Les orageuses" de Marcia BURNIER

"Ce qu'il faut de nuit" de Laurent PETITMANGIN

"Nos corps étrangers" de Carine JOAQUIM

"Avant elleJohanna KRAWCZYK

"Tant qu'il reste des îles" de Martin DUMONT

"Les coeurs inquiets" de Lucie PAYE

Voir les commentaires

commentaires

Girl Gift Template by Ipietoon Blogger Template | Gift Idea - Hébergé par Overblog