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Articles avec #rl2022_janvier catégorie

2022-03-11T07:00:00+01:00

La maison enchantée de Agathe SANJUAN

Publié par Tlivres
La maison enchantée de Agathe SANJUAN

Ma #VendrediLecture, c'est un premier roman tout juste sorti en librairie, publié aux éditions Aux Forges de Vulcain.

Cette maison d'édition, je l'affectionne tout particulièrement. C'est elle qui a publié les romans de Gilles MARCHAND, "Une bouche sans personne""Un funambule sur le sable", "Des mirages plein les poches", Alexandra KOSZELYK avec « À crier dans les ruines » et « La dixième Muse », Michèle ASTRUD avec "La nuit je vole", Jean-Baptiste DE FROMENT avec "Etat de nature", Alexis DAVID-MARIE et "#Martyrs Français"... Les éditions Aux Forges de Vulcain "espèrent plaire et instruire. Elles souhaitent changer la figure du monde", joli défi, non ?

Et quelle plus belle aventure avec une primo-romancière, Agathe SANJUAN.

Zoé est arrivée sur Paris pour travailler. Elle est passionnée d'art. A ses heures perdues, elle fréquente les galeries. C'est au cours de l'une de ses flâneries qu'elle découvre des estampes. Elle s'intéresse à la discipline, explore la technique, devient fidèle d'une maison et se lie avec Julien, le jeune homme qui l'accueille, la guide, l'oriente. C'est avec lui aussi qu'elle fera la visite d'un musée privé, un brin mystérieux...

Si vous aimez l'art mais que vous n'avez pas de formation particulière, vous apprécierez certainement d'accompagner Zoé dans ses tribulations. 

Zoé, c'est un personnage profondément attachant, une jeune femme que rien ne prédisposait à aimer l'art. A la maison, quand elle était enfant, il n'y avait pas d'oeuvres. Elle a donc fait ses armes seules. Agathe SANJUAN restitue parfaitement le sentiment de solitude que l'on peut éprouver parfois quand on est passionné par une discipline et qu'il est difficile d'en parler avec parents, famille et amis, sans avoir l'impression de les "gaver". C'est pourtant là que les choses deviennent intéressantes, quand les êtres dévoilent leur vraie nature...


Le contrôle qu’elle s’était toujours imposé, en corsetant son quotidien. ses occupations professionnelles, sa vie amicale, craquait de toutes parts face à sa passion dévorante. P. 52

C'est aussi là que survient un immense bonheur, un sentiment de plénitude. Comme j'ai aimé voir Zoé monter sa propre collection, remplacer petit à petit tous ces effets personnels par l'objet de ses convoitises !

Et puis, il y a l'art en tant que tel. Agathe SANJUAN nous plonge au coeur d'une discipline, les estampes. Elle va, un peu comme sait très bien le faire Maylis DE KERANGAL, le temps d'une lecture, nous apprendre les techniques, replacer dans le contexte historique les différents mouvements, enrichir nos connaissances.


Les personnages voyageaient, les époques s’entrechoquaient, les lieux se succédaient sans logique géographique, mais la poésie émanant de ces suites de contes la rassasiait de bonheur et de fantasmes. P. 114

"La maison enchantée", je peux bien vous le dévoiler, c'est en référence à une lithographie de Rodolphe BRESBIN. Il vous suffira d'ouvrir la couverture intérieure pour en découvrir une première version. Quant à la seconde, je ne peux pas vous en dire plus !

Zoé est un personnage de fiction que l’on imagine aisément vivre aujourd’hui. Agathe SANJUAN en profite pour brosser le portrait du marché de l’art et son évolution dans le temps, depuis les enchères de Drouot jusqu’aux nouvelles modalités numériques. 

Enfin, il y a la qualité de la plume. Je suis littéralement sortie envoûtée par les mots de la jeune femme, Agathe SANJUAN, dont l'écriture est éminemment romanesque. Elle n'en fait pas trop, juste ce qu'il faut pour éveiller notre curiosité et nous tenir en haleine. Entre fiction et onirisme, elle nous propose de découvrir "La maison enchantée" tout en volupté, bravo !

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2022-03-10T07:00:00+01:00

La patience des traces de Jeanne BENAMEUR

Publié par Tlivres
La patience des traces de Jeanne BENAMEUR

Ma #citationdujeudi est l'occasion de revenir sur une lecture de ces dernières semaines qui m'a profondément troublée, comme de nombreux romans de Jeanne BENAMEUR.

"La patience des traces", publié chez Actes Sud, est sorti tout récemment en librairie.

Tout commence avec la chute de ce bol bleu, un matin. Ce bol, il accompagnait Simon dans sa vie depuis longtemps, c’était un cadeau précieux. C’était avec lui qu’il commençait sa journée, avec lui qu’il buvait le premier café avant de se consacrer à ses patients. Simon est psychanalyste. Il habite en bord de mer. Il vit seul. Il sent que ce bol brisé est bien plus que deux morceaux de porcelaine séparés, il est la révélation d’un appel vers le lointain, un dépaysement pour mieux se retrouver.

Jeanne BENAMEUR est une formidable conteuse, elle sait planter un décor, construire des personnages, les laisser faire corps.

Elle sait aussi analyser les tréfonds de l'âme, explorer la profondeur des maux et proposer un baume pour tendre vers la paix intérieure.

Et puis, il y a l'art. Jeanne BENAMEUR sait lui réserver une place de choix dans ses romans, là, elle nous gâte avec deux disciplines artisanales. Il y les tissus bingata aux couleurs vives, des couleurs crues, des couleurs pures, qui vous touchent en plein cœur. Il y a aussi la porcelaine avec le kintsugi, cette pratique artistique qui magnifie les brisures des objets avec de la poudre d’or.

Ce roman, c'est une cure de jouvence.

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2022-03-04T07:10:42+01:00

La fille de la grêle de Delphine SAUBABER

Publié par Tlivres
La fille de la grêle de Delphine SAUBABER

Vous savez comme j’aime lire des premiers romans, parfois guidée par les 68 Premières fois, parfois seule à sortir des sentiers battus, à tendre vers l’inconnu. C’est ainsi que j’ai découvert la plume de Delphine SAUBABER. Je me suis délectée de « La fille de la grêle » publié chez Lattès.

 

Marie a 80 ans. C’est décidé. Pour elle, il n’y aura pas une année de plus. Elle est une vieille femme et n’a d’autre espoir que de partir pour renaître. Avant de tout quitter, elle écrit à fille, Adèle, elle-même mère d’un petit Raphaël. Elle lui dévoile son enfance à la ferme des Glycines, élevée par des paysans dont le seul dessein de toute une vie reposait dans le labeur, acharnés qu’ils étaient à se confronter chaque jour aux aléas de Dame Nature. Et puis, il y a eu un frère, Jean, né deux ans après elle, un enfant différent, un enfant sourd, diagnostiqué tard. Avec elle qui perdait son temps à lire des livres et lui qui ne comprenait rien, Joseph et Madeleine n’étaient pas aidés ! 

 

Ce premier roman, c’est une lecture coup de poing, un livre qui résonne d’une puissante justesse avec la vie d’agriculteurs qui pourraient avoir 80 ans aujourd’hui.

 

Il y a ce rapport au travail, jour et nuit, ils ne font qu’un avec leur vie professionnelle. Leur maison même est nichée au cœur des bâtiments de la ferme, impossible de ne pas se lever le matin sans s’y consacrer. Cette vie-là a ses codes, ses références, son univers, ses exigences, dont les loisirs et les vacances sont exclus, à moins que ça ne soit les hommes !

 


Mes parents n’avaient pas le même rapport au désir - ce mot de toute façon imprononçable, ou alors à voix basse. P. 91/92

Ils se nourrissent des fruits de leur terre, d’un bouillon de légumes qu’ils égaient de quelques vermicelles ! Il y a ces flashs tellement vrais, tellement humains. Delphine SAUBABER honore le monde paysan, pauvre et précaire, dans une société où la rupture entre les CSP est fracassante. 


Avec quelle liberté, quelle légèreté les riches parlaient, vivaient, devisaient sur l’état du monde, se moquaient, étaient ce qu’ils étaient ! P. 91

Et puis, il y a le rapport au handicap, un enfant né dans un monde qui n’a pas de temps à lui consacrer, des gens qui sont éloignés et ignorent les services de santé, une mère désarmée quand un père laisse sa colère s’exprimer. Là, la force de la fratrie m’a bouleversée, l’immense amour qu’offre cette sœur à son frère est profondément émouvante.

 

Dans le registre des émotions, il y a aussi le parcours de Marie, devenue grande, devenue mère. Là, c’est une longue confession. Au fil des mots, elle délivre ce qu’elle avait caché, les secrets d’une vie, les sacrifices, les erreurs aussi, et demande à sa fille de lui pardonner.


Alors la seule chose que je demande est que l’on respecte, que tu respectes, mon dernier acte de liberté. Qui sera sans doute le seul de toute ma vie. P. 177

J’ai été touchée par ce qui pourrait être, un jour, légalisé en France, le suicide assisté pour les personnes âgées, celles dont la vie a été longue et qui redoutent l’année de trop qui leur fera perdre la raison. Ce premier roman aide à avancer dans ses réflexions personnelles sur le sujet. 

 

A méditer aussi pour notre rapport à la nature. Là, elle est décrite dans son éblouissante beauté, mais aussi ses grandes colères. Si nous avions cru, nous les hommes modernes, pouvoir un jour la maîtriser, il n’en est rien !

 

La plume de Delphine SAUBABER oscille entre la poésie d’une formidable lettre d’amour d’une mère à sa fille et la justesse d’un foudroyant manifeste.

 

Ce premier roman, ce ne sont que quelques 200 pages, et pourtant il m’en reste encore tant à dire !

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2022-02-11T08:25:16+01:00

La patience des traces de Jeanne BENAMEUR

Publié par Tlivres
La patience des traces de Jeanne BENAMEUR
 
Il y a des rdv avec des écrivains qui sont un peu comme des rencontres avec des amis. A chaque lecture de Jeanne BENAMEUR, c’est un peu comme retrouver un univers littéraire, un registre artistique et puis toujours,  le pouvoir des mots… pour le plus grand des plaisirs.
 
Vous vous souvenez peut-être de
 
 
Dans cette rentrée littéraire de janvier 2022, place à "La patience des traces".
 
Tout commence avec la chute de ce bol bleu, un matin. Ce bol, il accompagnait Simon dans sa vie depuis longtemps, c’était un cadeau précieux. C’était avec lui qu’il commençait sa journée, avec lui qu’il buvait le premier café avant de se consacrer à ses patients. Simon est psychanalyste. Il habite en bord de mer. Il vit seul. Il sent que ce bol brisé est bien plus que deux morceaux de porcelaine séparés, il est la révélation d’un appel vers le lointain, un dépaysement pour mieux se retrouver.
 
Jeanne BENAMEUR a cette capacité, en quelques phrases, à planter le décor, focaliser son objectif sur son personnage, inviter à la concentration. Le rythme est lent, chaque mot pesé. Simon peine à se projeter. Je le ressens dans mon corps, ma sensibilité est éveillée. Partira, partira pas. Il va finir par prendre l’avion pour une destination qu’il a laissé choisir par son ami. Il joue avec Hervé aux échecs. Il est en totale confiance, la confiance que l’écrivaine va explorer sous toutes les coutures et décliner à l’envi.
 
Comme j’ai aimé découvrir la psychanalyse à travers la carrière de Simon, la nécessité d’écouter, une présence pour franchir le cap…


Et même si du divan une voix semblait s’adresser à moi, je sais que je n’étais là que pour le passage des paroles du dedans au dehors. P. 125

Et puis, il y a ce voyage intérieur, celui que Simon s’offre à lui-même, meublé de silences, habité par la solitude, porté vers la contemplation, un voyage pour se débarrasser de ce qui l’entrave, à l’image de ces raies Mantas qui se défont sur les coraux de ce qui les encombrent et s’offrent ensuite le plus beau des vols planés comme un nouveau souffle, un nouvel élan vers autre chose. Quelle plus jolie métaphore.
 
Le voyage de Simon fait ressurgir la douleur de malheureux souvenirs. Il avait bien essayé de panser ses propres plaies mais elles lui résistaient.


Les émotions violentes sont empreintes. On ne peut que les circonscrire pour qu’elles n’envahissent pas tout. P. 123

Chez Akiko et Daisuke Itô, tout est différent. Tout est différent, le cadre de vie, les saveurs culinaires, les tenues vestimentaires, le rapport aux autres. Avec eux se crée une complicité presque naturelle qui va bien au-delà des mots, c'est de leur musicalité dont il est question. Chuintés, simplement murmurés, délicatement prononcés, ils deviennent le baume de toutes les trahisons.


La langue inconnue qui vous enveloppe, se parle juste à côté de vous. Lui y trouve une paix profonde. P. 106

J'ai adoré voir la complicité se nourrir entre les deux hommes, en l'absence même de la traduction des mots. Si l'on peut parfois appréhender de ne pas pouvoir échanger par le biais d'une langue commune, il est en réalité bien d'autres alternatives à la parole pour entrer en communication avec l'autre comme le regard, l'expression du visage, les mouvements des mains, la position du corps, et bien d'autres encore. Simon et Daisuke vont expérimenter le non-verbal dans leurs échanges et nous montrer ô combien il peut être riche... d'humanité.
 
L'art peut-être le prétexte à l'expression d'émotions et devenir la source d'un partage. Si vous êtes une fidèle de Jeanne BENAMEUR, vous savez qu'il occupe toujours une place de choix dans ses romans. Dans "La patience des traces", elle nous propose une plongée dans deux disciplines artistiques, deux pratiques artisanales qui perpétuent la beauté et l’utilité du geste, sa répétition inlassable pour atteindre la perfection. Il y les tissus bingata aux couleurs vives, des couleurs crues, des couleurs pures, qui vous touchent en plein cœur. Il y a aussi la porcelaine avec le kintsugi, cette pratique artistique qui magnifie les brisures des objets avec de la poudre d’or.
 
L’écriture de Jeanne BENAMEUR est éminemment belle et délicate, profondément sensorielle. Ce roman est une nouvelle fois une invitation à arrêter le temps, se poser, toucher, sentir, regarder, écouter, savourer pour S’ÉMERVEILLER.

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2022-02-08T07:00:00+01:00

Le sanctuaire d’Emona de Alexandra KOSZELYK

Publié par Tlivres
Le sanctuaire d’Emona de Alexandra KOSZELYK
Alexandra KOSZELYK nous revient dans cette rentrée littéraire en explorant un nouveau genre, un roman pour jeunes adultes, un roman fantasy, et je dois bien l'avouer, c'est un coup de ❤️ (vous avez bien sûr repéré l'oeuvre de Botero Pop, "Love" !).
 
Séléné a un frère, Antoine. Tous deux ont été adoptés par leurs parents. Séléné est en quête d’identité. Il y a cette empreinte au poignet, une forme lunaire. Il y a ce mystère qui entoure ses origines et la fait la souffrir. Cet été, c’est décidé, elle va prendre de la distance et partir pour l'Australie. Ses plans ne se réaliseront pas tout à fait comme elle le souhaitait mais c’est ça ou rien. Ses parents acceptent qu’elle parte mais avec son frère et sa copine Daria. Plutôt qu’un vol direct, il y aura un itinéraire en voiture pour s’arrêter en Roumanie voir sa mère. Le jour du départ, une nouvelle s’incruste, Irina, la sœur de Daria. Tout ça n’est pas pour plaire à Séléné mais quand l’équipe sera arrêtée en Slovénie, soupçonnée de transporter de la drogue et abandonnée en rase campagne avec une voiture en pièces détachées, Séléné trouvera chez Irina un brin de réconfort. Elle ne sait pas encore que des aventures pour les moins surprenantes les rapprocheront beaucoup plus encore.
 
La plume d’Alexandra KOSZELYK, je la connaissais pour avoir lu ses romans, « À crier dans les ruines » et « La dixième Muse », tous deux publiés Aux Forges de Vulcain. Elle franchit un nouveau cap avec « Le sanctuaire d’Emona » de la Collection R de Robert Laffont.
 
J’ai adoré retrouver la fluidité de la prose au service d’un roman, cette fois d’aventures, vraiment haletant. Il y a ce départ en vacances de Séléné, addict des réseaux sociaux. Alexandra KOSZELYK croque tendrement cette jeunesse en mal d’exister devenue experte dans la technique du recadrage, l’usage des filtres et autres animations pour séduire leurs followers.
 
Si elle prend du plaisir à ancrer le propos dans la réalité de notre XXIème siècle, la tournure des événements va bientôt prendre un tout autre chemin, celui de la mythologie, des contes et légendes, pour nous proposer un récit fantastique guidé par des forces cachées. Séléné et Irina sont attirées par le surnaturel. L’une sculpte des figurines aux pouvoirs obscurs, l’autre laisse son imagination déborder et dessine d’innombrables mangas. J’ai beaucoup aimé tous ces passages où la création artistique des deux adolescentes est l'expression de talents et explorée dans ce qu’elle a de plus impérieux.
 
Et puis, il y a la magie de l’histoire, une ville de Slovénie où les sculptures de dragons sont légions, une maison inquiétante, des apparitions, une grotte comme lieu d'apprentissages... Bref, tout y est pour en faire un roman captivant.
 
Il y a encore le traitement des émotions des deux jeunes filles, un brin lyrique, et la relation d'amitié qu'elles vont tisser ensemble au fil du livre pour se solidariser et affronter les éléments. Elles composent un vrai duo de choc que rien ne saurait arrêter. J'aime ces personnages féminin pleins de fougue et d’ardeur.


Au contraire, au creux de leurs souffles, il y avait l’abandon de soi, le plus inestimable des dons, dans la confiance qu’on remet à l’autre, comme le trésor le plus précieux. P. 185

Enfin, il y a des valeurs. Ce roman, ce sont aussi des messages adressés aux jeunes adultes, une invitation à mesurer le sens de ce qui peut faire société. Le roman devient conte philosophique avec une dimension initiatique. Là aussi, les passages sont prodigieux.
 
Alexandra KOSZELYK nous enchante une nouvelle fois avec une plume éminemment descriptive, presque cinématographique. De là à imaginer que le livre soit un jour exploité par le 7ème art, il n'y a qu'un pas ! 
 
Vous l'aurez compris, Alexandra KOSZELYK embrasse avec talent ce tout nouveau genre littéraire et quelle plus belle surprise que de découvrir qu’il ne s’agit là que du tome 1. Elle nous promet une saga.
 
Je sors émerveillée de ce roman, totalement conquise. Je suis sortie de ma zone de confort pour mon plus grand plaisir, j’ai adoré retrouver mes passions d’adolescente. Je découvre que je n’ai pas pris une ride !!! Si on m'avait dit qu'un jour je craquerai pour un roman fantastique, je ne l'aurais pas cru, c'est pourtant vrai !
 
Impossible de ne pas saluer le traitement esthétique du livre qui fait partie de la collection R de Robert Laffont. Ses couvertures sont illustrées par Laura PEREZ, dessinatrice de BD. La délicatesse du trait des personnages et les reliefs font de lui un sublime objet. Bravo, c’est du grand art !
 

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2022-02-04T18:04:46+01:00

Ton absence n’est que ténèbres de Jón KALMAN STEFÁNSSON

Publié par Tlivres
Ton absence n’est que ténèbres de Jón KALMAN STEFÁNSSON
 
Le tout nouveau roman de Jón KALMAN STEFÁNSSON vient de sortir et c’est du très bon.
 
L’histoire se passe dans un fjord islandais, un lieu au bout du monde, un lieu au climat hostile, mais les oiseaux, eux, ne s’y trompent pas. Sur le chemin de leur migration, ils s'y arrêtent comme cet homme qui a perdu la mémoire. Après une rencontre mystérieuse à l’église, il est invité par une jeune femme à déjeuner sur la tombe de sa mère Aldís, une femme lumineuse qui, dans sa jeunesse, avait fait la connaissance avec Haraldur par le plus grand des hasards. Elle partait en week-end avec son fiancé. En chemin, ils subirent une crevaison. Ils se rendirent dans la première ferme des environs pour demander de l’aide. C’est là qu’elle croisa le regard du jeune paysan qu’elle ne pourra plus jamais oublier. Rentrée chez ses parents, elle fera une modeste valise, prendra le car pour vouer sa vie à cet inconnu. Ainsi va la vie. L’homme amnésique découvre ainsi Rúna, profondément triste du décès de sa mère. Il faut dire qu’elle est morte dans un accident de voiture. Rúna, après une thèse en histoire de la philosophie, avait décidé de rentrer chez ses parents. Alors qu’elle conduisait la voiture sur une route verglacée, sa mère, sur le siège passager, riant aux éclats avec son mari assis à l’arrière, avait fait une cabriole pour l’embrasser. Le talon de sa chaussure était venu blesser Rúna à l’œil. Elle avait alors perdu le contrôle du véhicule. Sa mère était morte sur le coup, son père resté tétraplégique, ainsi va la vie, à moins que ça ne soit une affaire de destin…

Jón KALMAN STEFÁNSSON est un formidable conteur, un exceptionnel romancier. A l’histoire de Rúna, Aldís et Haraldur se grefferont bientôt celles de Sóley, Hafrún, Skúli, leurs deux fils Halldór et Páll, sans oublier Svana, Eirikur, Gísly, Gudridur, Pétur, Halla, et bien d’autres encore. L’écrivain dresse le portrait d’une galerie de personnages hauts en couleur, des hommes et des femmes empreints d’une profonde humanité, ils pourraient être vous, ils pourraient être moi.

Leur point commun, être marqués par la disparition d’êtres chers que la mort a stoppés dans l’élan de la vie...


Tu sais, Dieu à tendance à rappeler l’être humain au beau milieu d’une phrase, d’une fête, du bonheur, d’un baiser, et ensuite, il est trop tard pour prononcer le mot qu’on aurait dû dire […]. P. 548

Ils sont tous aussi, à bien y regarder, traversés par un sentiment de culpabilité. Entre petits et grands péchés, chacun cherche la voie du pardon. Mais d’aucun, en zoomant sur leur existence, y verrait quelques actes de courage.
 
Parce que la vie n’est pas un long fleuve tranquille, celle des personnages de fiction imaginés par l’auteur islandais révèle au monde ses forces comme ses faiblesses. Nul n’est blanc ni noir, le patchwork des existences de celles et ceux qui habitent les presque 600 pages de ce formidable roman montrent un vaste panel de nuances de gris. L'auteur, lui même, puise dans la nuance et le doute son inspiration...


Celui qui sait tout ne peut pas écrire. Celui qui sait tout perd la faculté de vivre, parce que c’est le doute qui pousse l’être humain à aller de l’avant. P. 210

Les générations se suivent, fortifiées ou fragilisées parce qu’en ont fait les précédentes. Plus que des individus, ce sont des familles tout entières dont le sort est chahuté.
 
Je me suis laissée porter par des destins tragiques, des vies d’amour et de labeur, au rythme d’une playlist incommensurable. Bod DYLAN, Léonard COHEN, Nas, Damien RICE, Nick CAVE, John LENNON, Regina SPEKTOR, Elle FITZGERALD, Cure, et bien d'autres encore, nourrissent le propos d'émouvantes mélodies.
 
Ce roman, c’est aussi celui d’une nature sublime, de celle qui vous ferait prendre un billet d’avion sans réfléchir.
 
Vous l’aurez compris, Jón KALMAN STEFÁNSSON nous livre un nouveau roman éblouissant. La plume est belle, fluide, talentueuse. Elle oscille entre les émotions pour mieux les décrypter...


Toute chose doit pouvoir être nommée, faute de quoi on ne peut la décrire, la cerner. P. 77

et vous savez à quel point Jón KALMAN STEFÁNSSON excelle dans ce registre.
 
Pour que la boucle soit bouclée, il me reste à remercier la délicate attention qui me l’a offert pour Noël, un si joli cadeau.

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2022-02-01T12:40:43+01:00

Au café de la ville perdue de Anaïs Llobet

Publié par Tlivres
Au café de la ville perdue de Anaïs Llobet
 
La jeune journaliste française installée à une table du café Tis Khamenis Polis suscite bien des convoitises. Il y a Giorgos qui égrène ses souvenirs de Varosha, sa vie là-bas, son hôtel Seaside. Et puis, il y a Ariana, serveuse, qui vient passer ses pauses avec elle et lui raconte l’histoire de sa famille : son père Andreas, élevé par sa tante Eleni récemment décédée. Ses parents à lui se sont évaporés, sa mère, Aridné, était une chypriote turque. Elle serait partie avec un soldat. Lui, rongé par le chagrin, aurait pris la mer, sans jamais revenir. Ariana est habitée par cette filiation. Elle est aussi hantée par cette maison de Varosha dont l'adresse,14, ados Ilios, tournoie autour de son bras. Cette maison, c'est celle que ses grands-parents ont dû abandonner au moment du coup d’Etat de 1974. C’est là que la grande Histoire s’invite à la table des deux jeunes femmes pour ne plus la quitter.
 
Les frontières n’ont jamais été aussi présentes dans l’actualité. Il y a ce virus, un prétexte comme un autre pour faire resurgir les limites ancestrales. Il y a aussi les prémisses d’une campagne électorale présidentielle dans lesquels s’invite le sujet, à tort et à travers. Sans oublier enfin, la menace russe qui pèse sur l'Ukraine. Mais tout ça n’est rien quand on n’a pas connu la guerre des territoires. Avec le roman de Anaïs LLOBET, qui retrace une page de l’Histoire de l’île de Chypre qui, de tout temps, a suscité l’oppression des envahisseurs, et des personnages, qui pourraient être vous, moi, j’ai pris la mesure de tout ce qui se joue dans ce combat, le destin d’hommes et de femmes, celui du bâti, des murs, des maisons, des villes, à la vie, à la mort. Il y a cette remarquable métaphore :


Mille veines bleues parcourent le corps d’un homme, comme le réseau électrique et souterrain d’une ville. P. 117

Ce roman, c’est un roman dans un roman, celui d’une journaliste qui va, au fil des confessions d’Ariana, tisser celui de la ville morte, Varosha devenue zone militaire. Sa forme littéraire concourt à la mémoire d'une page de la grande Histoire chypriote, une page contemporaine de son Histoire, j'avais 5 ans lors du coup d'Etat. Si l’écrivaine ne qualifie pas son livre d’historique, il se nourrit pourtant d’évènements marquants du passé. 
 
Dans "Une bouche sans personne", l'auteur, Gilles MARCHAND, cite Italo SVEVO : "Les choses que tout le monde ignore et qui ne laissent pas de traces n'existent pas." Plus que la mémoire d'un territoire éminemment stratégique aux confins du Moyen-Orient, avec ce roman et le biais de la fiction, Anaïs LLOBET lui donne du corps et l'incarne avec des personnages qui perpétuent la vie ce celles et ceux qui ont été condamnés à fuir, à s'exiler, spoliés de leurs biens.


En réalité, tout changeait. Il n’y avait que l’écriture qui figeait les instants et prétendait les enraciner dans la mémoire. P. 308

A travers les différentes générations, depuis celle de Ioannis et Aridné jusqu’à Ariana, il se passe une quarantaine d’années, quelques décennies qui ont nourrit des relations de haine entre les peuples.

Anaïs LLOBET joue avec les temporalités. Elle réussit avec brio à relater le présent d’une guerre, ce qu’il grave dans les esprits de celles et ceux qui la vivent, la vieille génération, le passé de cette guerre aussi qui hante leurs descendants, la jeune génération, marquée de l’empreinte des traumatismes jusque dans les pores de leur peau, le tatouage sur le corps d’Ariana représente à s’y méprendre les conséquences de cette tragédie.

J’ai été fascinée par la quête d’Ariana, la puissance du fantasme de cette maison 14, rue Ilios, sur son itinéraire personnel, ses études d’architecture dictées par la volonté de reconstruire « sa » maison, son besoin irrépressible d'aller sur site et de  lui redonner vie.


Elle imagine la maison sur son lit de mort, cherchant désespérément ses anciens habitants pour ne pas agoniser seule. P. 160

Et puis, il y a cet amour impossible entre un chypriote grec et une chypriote turque. Aridné croit dur comme fer à la paix et souhaite y contribuer à sa mesure. Il y a ses actes militants sur la plage pour révéler ses convictions au grand public, il y a ce mariage aussi avec Ioannis. Peu lui importent les concessions, y compris religieuses. Mais, dans les années 1960, le ver est dans le fruit et il ne va cesser de s’y développer. Il s'invite jusque dans la cuisine avec le subtil dosage d'épices qui change tout, la langue aussi. 
 
Aridné, comme Ariana, sont des femmes qui chacune à leur époque, mènent des combats à mains nues. Il y a celui de la paix, il y a celui de la justice aussi. Les deux femmes sont intelligentes. Elles ne sauraient se résigner à accepter la destinée de leur patrie. 
 
Anaïs LLOBET réussit à incarner chacun des camps et lever le voile sur le grand échiquier du monde.
 
Je découvre avec ce roman la plume de Anaïs LLOBET, romanesque à l’envi, sensible, pudique, pleine d’humilité, portée par un profond humanisme. La chute est prodigieuse, bravo !
 
"Au café de la ville perdue" est mon premier coup de coeur de l'année, le voilà paré de la création "Love" de Botero Pop.

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