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2019-11-16T10:19:04+01:00

Après la fête de Lola NICOLLE

Publié par Tlivres
Après la fête de Lola NICOLLE

Les Escales

Nous sommes le vendredi 13 novembre 2015 à Paris. Après cette date, plus rien ne sera pareil. Raphaëlle et Antoine étaient dans un bar quand l'attentat du Bataclan a été perpétré. Une partie de la nuit, ils furent seuls au monde, comme en suspension. Leurs proches pensaient qu’ils étaient morts. Mais, le fait d'avoir vécu ensemble cette nuit de terreur et d'être toujours vivant ne pourra seul retenir leurs deux existences. Quand la relation se distend, que les regards finissent par manquer de complicité pour se porter sur d’autres, sur l'extérieur... il est parfois nécessaire de combler le vide pour trouver la voie de la résilience.

C’est le chemin que prend Raphaëlle en livrant comme une confession le récit de cet immense amour entre deux êtres qui ne faisaient qu'un. 

Sur fond d'études universitaires, dans l’intimité de leur appartement, ils vécurent des moments de grâce, de ceux qui sont empreints de bienveillance, de douceur et d’ivresse. À l’intérieur des murs s’ouvrait le champ des possibles. C’est là qu’ils s’émerveillaient l’un de l’autre et qu’ils construisaient jour après jour une relation nourrie de passion. Les livres comblaient leur quotidien, chacun dans leur registre, c'est certain, mais peu leur importait alors. Leur cocon les préservait de l'environnement, des pressions extérieures tout simplement. C'était la fête, quoi !


Tomber amoureux, verbe du premier groupe. Avoir la sensation que la conversation avec une autre personne est illimitée, et souhaiter que la discussion, sans cesse, se poursuive. Apprécier les silences, les chérir. P. 60

L’histoire de Raphaëlle et Antoine est composée de 58 chapitres comme autant de petits cailloux ponctuant l’itinéraire d’un couple dans le grand Paris. Malheureusement pour leur union, l'un a roulé dans la chaussure, rendant les premiers pas douloureux et très vite, le fait de continuer à vivre ensemble impensable. S'ils avaient réussi jusque-là à surmonter leurs différences, bientôt elles s'édifièrent devant leur couple comme une frontière impossible à franchir. 

Entre Raphaëlle et Antoine, il y avait une affaire de territoire, d'abord. Elle est née dans un quartier bourgeois, lui dans une cité à la périphérie. Le ver est dans le fruit.


Car le lieu induisait l’acte. C’était la géographie qui accusait. La cité qui, d’emblée, montrait du doigt. P. 97

Ils ont bien essayé de faire fi de leurs origines, de s’affranchir de ce déterminisme géographique mais il était beaucoup plus que ça. Il relevait aussi du social. Ils n’ont tout simplement pas reçu la même éducation.


Acculturation, nom féminin : processus par lequel un individu apprend les modes de comportement, les modèles et les normes d’un groupe de façon à être accepté dans ce groupe et à participer sans conflit. P. 101

Quand l’argent n’était pas un problème chez elle, voire qu’il solutionnait tout problème, il manquait chez lui et devenait le pilier incontournable de toute une vie, parasitant à jamais l’existence d’Antoine, hanté par la misère de ses parents.


C’est lorsque les projets n’ont de sens que pour ceux qui les conçoivent qu’on peut voir une complicité se nouer, un monde intime s’ériger. P. 50

Difficile dans ces circonstances de monter des projets à deux. Si l’on sait dès les premières lignes que Raphaëlle et Antoine se sont séparés, Lola NICOLLE réussit à conter une relation envoûtante, elle y traite de la passion amoureuse, de ces moments de fol espoir, et puis ponctue le récit d’étapes de la vie pour lesquelles on finit par oublier l’issue, mêlant suspense et frénésie. 

Mais « Après la fête » porte bien son titre, c'est un roman social, grinçant, caustique, qui porte un regard désabusé sur notre société, cloisonnée, du XXIème siècle, la disgrâce, la voilà. Il témoigne de toutes ses fractures, aggravées lors du passage des études supérieures au monde professionnel mais ce n'est pas le problème de fond, non, juste un révélateur ! Et même si les soucis, l'inquiétude, l'angoisse de l'avenir succèdent à l'insouciance d'avant dans un laps de temps court, un moment de rupture fugace, j'ai vu dans cette lecture la révélation des fondements de nos vies comme autant de freins à sortir de notre univers familial, un peu comme si notre enfance nous conditionnait à vie. Nous ne naissons pas tous égaux, non ! Je sors de cette lecture avec une terrible gueule de bois, un peu comme un lendemain de fête.

J'ai adoré explorer avec Lola NICOLLE les enjeux du dedans et du dehors, du in et du out. D'ailleurs, la photographie de première de couverture témoigne bien de cette absence de porosité entre les deux univers. Tout est flou. Et même si l'on peut présumer d'une vie, de l'autre côté de la vitre, de points lumineux aussi, impossible de les décrypter. 

J’ai été frappée, avec ce roman, par la capacité de Lola NICOLLE à décrire des scènes de la vie avec une profonde minutie. « Après la fête » est un roman d’atmosphère, j'ai vu Raphaëlle et Antoine, j'ai entendu leurs voix, j'ai ressenti leurs émotions. Mais ce n'est pas que ça, non, ce roman il est aussi écrit dans une plume éminemment poétique :


Tu avais compris ma grammaire et me traduisais à l’aide d’un alphabet qui te permettait de composer des phrases à chaque fois différentes. P. 40

Une nouvelle fois, les qualités de l'écriture sont remarquables. Bravo les fées des 68 Premières fois pour cette révélation.

 

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