Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

2018-12-11T07:00:00+01:00

Les inséparables de Dominique MISSIKA

Publié par Tlivres
Les inséparables de Dominique MISSIKA

Seuil
 

J'avoue que c'est avec un immense plaisir que j'ai découvert la sélection du Jury de décembre du #GrandPrixdesLectricesElle 2019.

Plonger dans la destinée de cette grande Dame qu'est Simone VEIL, reposant aujourd'hui avec son mari, Antoine, au Panthéon, fut un moment fascinant et éminemment instructif. 

Bien sûr, j'avais lu "Simone, éternelle rebelle", une biographie rédigée par Sarah BRIAND, journaliste et réalisatrice de documentaires. Elle est remarquable du point de vue de la femme publique, retraçant l'ascension politique de Simone VEIL.

Avec "Les inséparables", Dominique MISSIKA, historienne, nous livre un récit de vie empreint de l'intimité de Simone VEIL. Elle naît dans une famille bourgeoise, cultivée, de La Ciotat. Elle est la dernière d'une fratrie de quatre enfants, trois filles et un garçon. Son père est architecte. Malgré son second Prix de Rome, avec la crise de 1929, son carnet de commandes se raréfie. Il faut penser à déménager. La famille JACOB s'installe dans un logement de Nice. Denise, la deuxième, pratique le scoutisme très tôt et s'investit auprès des réfugiés, elle s'occupe des enfants juifs dont les parents ont été déportés. Elle est recrutée par le Mouvement de Résistance Franc-Tireur et se prénomme désormais Miarka, en souvenir de sa lecture du roman de Jena RICHEPIN. Nous sommes en 1943, la guerre gronde, la famille, juive, est menacée. Simone est exclue du lycée pour ses origines. Elle passe son bac en candidate libre. Les épreuves sont avancées. Alors qu'elle savoure les premiers instants de liberté de fin d'examen, elle est arrêtée le  30 mars 1944.

A partir de cette date, la vie de Simone JACOB bascule comme celle de sa famille toute entière. Dominique MISSIKA décrit les conditions de la déportation. Seules reviendront Madeleine, Denise et Simone, leur mère décédera d'épuisement quelques semaines avant la libération. Quant aux hommes, le père et le frère de Simone, ils ne reviendront jamais de Lituanie. 
La singularité de ce récit repose, pour partie, dans l'exploration que fait l'historienne des conditions de vie de rescapées des camps de la mort. Les trois soeurs, à leur retour, sont confrontées à la vie ordinaire, au regard de celles et ceux qui ne peuvent imaginer à quel point l'humain peut être foncièrement mauvais. Orphelines, elles se reposent les unes sur les autres, et puis, bientôt, de femmes, elles vont devenir des épouses et ensuite des mères. Toutes les fondations de la famille JACOB ont été détruites, elles vont essayer de se REconstruire sous les noms JAMPOLSKY, VERNAY et VEIL. Elles seront profondément marquées par le décès accidentel de leur soeur Madeleine et de son fils, au retour d'un week-end passé chez Simone, en famille, à Stuttgart. Dominique MISSIKA s'attache à nous décrire leur quotidien, ponctué de moments de bonheur et de profonde tristesse.

Mais son originalité réside, sans conteste, dans les relations établies entre Simone VEIL et Denise VERNAY. Dès leur retour, les deux femmes prennent conscience du fossé qui les sépare. L'une a été arrêtée dans un acte de résistance, l'autre parce qu'elle était juive. Denise VERNAY fait l'objet de toutes les attentions, elle est honorée, invitée par les grands noms pour sa bravoure, quand Simone VEIL reste dans l'ombre. De leur état de santé transparaît leur statut. Il y a quelque chose de profondément douloureux qui s'installe entre les deux femmes. Leurs itinéraires feront que les choses s'inverseront progressivement. Simone VEIL prendra le devant de la scène avec son combat en faveur de l'Interruption Volontaire de Grossesse et la carrière politique qu'on lui connaît, quand Denise VERNAY s'évertuera, modestement, à nourrir le souvenir de la Résistance et de la Déportation.

Le propos de Dominique MISSIKA prend la voie d'une réparation. Tout le récit est incarné par l'incipit :

A la mémoire de Denise
A la mémoire de Simone

L'historienne rend un hommage vibrant aux deux femmes, elle restaure un semblant d'égalité. Par les liens qu'elle établit entre elles, elle crée l'opportunité d'un rapprochement des "deux déportations", celle de la Shoah et celle de la Résistance, deux mouvements dont je n'avais absolument pas mesuré les subtilités.

Ce que j'aime dans les documents, c'est qu'il nous font regarder la réalité autrement. Avec "Les inséparables", j'ai mesuré à quelle point notre Histoire peut être fracturée.

Un immense merci aux lectrices du Jury Elle de décembre, c'est un excellent choix !

Voir les commentaires

commentaires

Girl Gift Template by Ipietoon Blogger Template | Gift Idea - Hébergé par Overblog